Washington intensifie ses provocations de coup d’État au Venezuela

Le secrétaire d’État américain Mike Pompeo devrait participer samedi matin à une réunion à huis clos du Conseil de sécurité des Nations unies pour discuter de la crise politique au Venezuela. Cette initiative intervient après que Washington ait déclaré « illégitime » la présidence de Nicolas Maduro et reconnu le « président par intérim » autoproclamé, Juan Guaidó, du parti populaire de droite (Voluntad Popular), financé par les États-Unis, comme le gouvernement du pays le plus riche de toute l’Amérique du Sud en gisements de pétrole.

Le recours au Conseil de sécurité, où figurent la Russie et la Chine qui ont toutes deux de vastes liens économiques et politiques avec Caracas et vont certainement opposer leur veto à toute résolution soutenant ce qui constitue un coup d’État orchestré par les États-Unis, a toutes les caractéristiques d’un geste de propagande visant à solliciter le soutien de l’ONU afin d’ouvrir la voie à une intervention unilatérale des États-Unis.

Washington a préparé le terrain d’une confrontation avec le gouvernement de Maduro en annonçant qu'il défierait la décision de Maduro de rompre ses relations diplomatiques avec les États-Unis et son ordre adressé à tout le personnel diplomatique américain dimanche de quitter le pays. Alors que l’administration Trump a ordonné jeudi à tout le « personnel non essentiel » d’évacuer le pays, les principaux diplomates américains devront rester en place, servant de pions à une provocation sans précédent qui pourrait devenir le prétexte d’une intervention militaire américaine.

Le porte-parole de la Maison Blanche et le sénateur républicain Marco Rubio, qui joue un rôle influent dans la politique latino-américaine du gouvernement Trump, ont lancé des avertissements d’une « réponse rapide et décisive » si le gouvernement vénézuélien tentait de faire appliquer son ordre d’expulsion.

Maduro a réitéré sa demande jeudi, annonçant que le Venezuela fermait son ambassade à Washington ainsi que ses consulats, retirant tous ses diplomates des États-Unis.

Pompeo s’est présenté jeudi devant l’Organisation des États américains (OEA) à Washington, où il a prononcé un discours grossier, faisant référence au « régime maintenant disparu de Maduro » et exigeant que tous les États membres de l’OEA « s’alignent sur la démocratie et le respect de l’Etat de droit » en reconnaissant le président non élu soutenu par Washington.

Il est à noter que le même Pompeo n’a jamais appelé d’autres pays à soutenir la « démocratie et le respect de l’Etat de droit » vis-à-vis de l’Arabie saoudite, alors que la criminalité du régime monarchiste était étalée à la vue du monde entier lors du horrible meurtre et démembrement du journaliste saoudien Jamal Khashoggi exilé aux États-Unis. Au contraire, lui et Trump se sont ralliés au côtés du souverain dictatorial du régime et auteur de l’assassinat, le prince héritier Mohamed bin Salman.

Washington a prétendu que Maduro était un président « illégitime » fondé sur des inquiétudes au sujet de l’élection de mai 2018, boycottée par une partie de son opposition de droite, et qui a connu une baisse de participation record, reflétant le dégoût populaire répandu à l’égard tant du parti au pouvoir que ses opposants de droite. Pourtant, de telles inquiétudes n’étaient pas de mise lorsque le dictateur égyptien Abdel Fattah el-Sissi a obtenu une majorité de 97 pour cent des suffrages lors des élections de mars 2018 dans des conditions où des dizaines de milliers de ses opposants politiques étaient jetés en prison et torturés.

Interrogé par un journaliste sur ces divergences flagrantes, le conseiller à la sécurité nationale, John Bolton, a répondu que la question était « pleine de faussetés », ajoutant : « La réalité est que le Venezuela est dans notre hémisphère. Je pense que nous avons une responsabilité particulière à cet égard […] ». En d’autres termes, l’impérialisme yankee réaffirme sa domination sur sa « propre arrière cour », recourant une fois de plus à la méthode des coups d’État et à des interventions militaires pour affirmer son hégémonie et faire reculer l’influence croissante de la Chine et la Russie au Venezuela, ainsi que sur le continent en général.

Pompeo a proclamé que les États-Unis étaient « prêts à fournir une aide humanitaire » à la population du Venezuela sous forme de nourriture et de médicaments, annonçant un total de 20 millions de dollars, une somme dérisoire par rapport aux dizaines de milliards de dollars qui ont été soustraits à l’économie vénézuélienne par les sanctions américaines, et deux cent cinquante fois moins que les 5 milliards de dollars que Trump réclame pour un mur frontalier, que le gouvernement qualifie régulièrement de chiffre insignifiant.

Ce montant symbolique ne fera rien pour atténuer la crise désespérée à laquelle font face les masses des travailleurs et des pauvres vénézuéliens. Les conditions auxquelles ils sont confrontés sont le produit de la crise mondiale du capitalisme, des sanctions imposées par Washington et de la politique du gouvernement Maduro, qui a défendu les intérêts du capital étranger ainsi que ceux de la classe dirigeante capitaliste du Venezuela, remboursant sa dette extérieure, et tout en imposant une austérité brutale aux masses laborieuses.

La soi-disant aide humanitaire n’est qu’une autre provocation ; car Washington a annoncé son intention de transférer cet argent par l’intermédiaire de l’Assemblée nationale vénézuélienne, en contournant le gouvernement et en fournissant une caisse noire à Guaidó.

En même temps, Bolton a déclaré jeudi que l’administration américaine « cherchait à… déconnecter le régime illégitime de Maduro des sources de ses revenus » et à les redistribuer au « gouvernement légitime » de la marionnette américaine, Guaidó.

Bolton a ajouté que le processus était « très compliqué ». Cela pourrait impliquer l’expropriation par les États-Unis d’actifs vénézuéliens aux États-Unis, y compris les raffineries de Citgo, une filiale de la compagnie pétrolière appartenant à l’État, et l’arrêt des paiements pour le pétrole vénézuélien. Le but ultime est de réaffirmer le contrôle absolu des conglomérats pétroliers américains sur les réserves de pétrole prouvées du Venezuela, les plus importantes du monde.

Pompeo a obtenu un soutien en sourdine de l’OEA, car moins de la moitié de ses États membres ont voté pour la reconnaissance de Guaidó, six d’entre eux soutenant Maduro et les autres déclarant soit que le Venezuela fait face à une crise humanitaire, soit ils s’abstenaient au vote.

Alors que la plupart des alliés de Washington se sont rangés derrière le coup d’État de Guaidó, la Russie, qui a d’importants investissements dans l’industrie pétrolière du Venezuela et a noué des liens avec l’armée vénézuélienne, a dénoncé la reconnaissance par Washington de Guaidó en termes de « jeu très sale et criminel ».

« Le fait que les États-Unis et certains autres pays aient reconnu le président autoproclamé montre qu'ils ont joué un rôle direct dans la crise au Venezuela », a déclaré le ministre russe des affaires étrangères Sergueï Lavrov lors d’une conférence de presse à Alger. Il a ajouté que la tentative de mettre en place un gouvernement rival ne pourrait conduire qu'à « un chaos et une instabilité ».

La Chine, qui a consenti des prêts importants au Venezuela en échange de pétrole, a publié une déclaration un peu plus prudente, s’opposant à une intervention étrangère dans les affaires du pays.

Le gouvernement turc du président Recep Tayyip Erdogan, l’allié apparent de Washington à l’OTAN, a affiché l’un des plus fort soutiens au gouvernement Maduro contre le coup d’État orchestré par les États-Unis. Erdogan a déclaré sa solidarité avec Maduro et a comparé les machinations à Caracas à la tentative de coup d’État soutenue par les États-Unis contre son propre gouvernement en juillet 2016. Le Venezuela a exporté de l’or vers la Turquie au mépris des sanctions américaines.

Les événements au Venezuela ont établi de manière irréfutable qu’il n’existe aucune faction au sein de l’establishment américain qui s’oppose au retour à des coups d’État américains en Amérique latine ou au mépris américain pour les droits souverains d’autres nations. Au contraire, les médias institutionnels ont lancé une propagande sans vergogne en faveur du coup d’État et des louanges élogieuses pour le prétendu sauveur « démocratique » du Venezuela, l’insignifiant personnage d’extrême droite Guaidó, formé et financé par le département d’Etat américain.

Le Wall Street Journal a présenté l’auto-proclamation de Guaidó comme « président par intérim » à la tête du Venezuela comme l’acte de la nation tout entière qui réclamait sa « démocratie », tout en faisant allusion à une potentielle intervention plus directe des États-Unis. « Il est tentant de penser que les États-Unis devraient envoyer des troupes, à la Panama en 1989, pour aider la rébellion », a commenté le journal. « Mais les Vénézuéliens doivent gagner leur liberté eux-mêmes, et s’ils le font, ils en seront d’autant plus fiers ». Et s’ils devaient échoué « à gagner leur liberté » conformément aux diktats et aux intérêts de Washington ? Clairement, comme l’ont répété à maintes reprises Trump et ses assistants, « toutes les options sont sur la table ».

Aucun média ne fait mention du financement à coups de millions de dollars du National Endowment for Democracy et de l’USAID versés au parti Populaire Voluntad de Guaidó.

Entre temps, les démocrates, qui ont mené une longue campagne contre le gouvernement Trump basée sur une prétendue « ingérence » russe lors des élections américaines de 2016, se sont précipités pour soutenir les initiatives de la Maison Blanche visant à renverser le président vénézuélien. Le sénateur Bob Menendez, le chef de file démocrate au Comité des relations extérieures du Sénat, s’est associé à Rubio pour publier une déclaration commune en faveur de Guaidó.

La plus grande euphorie suscitée par les événements au Venezuela est venue de Wall Street, avec retour en force de 40 pour cent des obligations vénézuéliennes. Les événements, selon Reuters, ont donné l’occasion « aux investisseurs et aux traders une rare aubaine face à l’immense réserve d’obligations en défaut du pays riche en pétrole ». Il est clair que le pari des financiers est que l’installation d’une marionnette américaine à Caracas signifie que des mesures seront prises pour extraire des gains de la classe ouvrière vénézuélienne opprimée et affamée, y compris par le biais d’une grande effusion de sang, tout en donnant la priorité aux réclamations des États-Unis par rapport à celles de la Russie et de la Chine.

Le ministre vénézuélien de la Défense, Vladimir Padrino, a apparu en publique jeudi avec l’ensemble du haut commandement de l’armée, déclarant que le pays était en train de faire face à un coup d’État contre « les institutions et la démocratie » du Venezuela et mettant en garde contre une « guerre civile ou un conflit entre frères ». Les généraux et les amiraux rassemblés ont déclaré leur soutien à Maduro.

La tentative de coup d’État à Washington dépend en fin de compte du soutien d’éléments au sein de l’armée vénézuélienne, dont les officiers supérieurs ont joué un rôle décisif au sein des gouvernements de Maduro et de son prédécesseur, feu Hugo Chávez, ancien lieutenant-colonel et chef de coup d’Etat avorté.

Guaidó et ses partisans ont demandé à plusieurs reprises à l’armée d’intervenir contre Maduro, de même que de hauts responsables américains, tandis que l’Assemblée nationale du Venezuela a adopté une loi offrant une amnistie sans condition aux officiers de l’armée qui se révoltent contre le gouvernement.

A défaut de pouvoir provoquer un tel soulèvement militaire contre le gouvernement de Maduro, l’impérialisme américain peut recourir à des sanctions de plus en plus destructrices, y compris un blocus des exportations de pétrole vénézuélien et une intervention militaire directe.

Le seul moyen de sortir de la crise désespérée créée par le capitalisme au Venezuela et la menace d’une intervention militaire américaine réside dans la mobilisation de la classe ouvrière vénézuélienne, indépendamment du gouvernement capitaliste de Maduro et de ses larbins syndicaux. Ce qu'il faut, c’est organiser des assemblées de travailleurs pour exproprier les intérêts capitalistes étrangers et nationaux et établir un contrôle des travailleurs sur les vastes richesses pétrolières du pays. Cette lutte doit être unie à celle des travailleurs de tout l’hémisphère pour mettre fin au capitalisme.

(Article paru en anglais le 25 janvier 2019)

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