Perspectives

Grèves des travailleurs hongrois d’Audi et des travailleurs mexicains des pièces d’automobile

La lutte mondiale des travailleurs de l’automobile

Au cours des derniers jours, des dizaines de milliers de travailleurs de l’industrie automobile mondiale ont été engagés dans une vague de grèves puissantes contre les bas salaires et les conditions dans les ateliers de misère.

Jeudi dernier, environ 13 000 travailleurs de l’automobile ont déclenché une grève d’une semaine dans une usine d’assemblage et de moteurs de la société allemande Audi dans la ville hongroise de Győr. Les ouvriers de l’usine produisent chaque année 100.000 berlines, voitures de sport de luxe et véhicules utilitaires sport, ainsi que des moteurs essence, diesel et électriques pour Audi et d’autres marques appartenant au Groupe Volkswagen, le premier constructeur automobile mondial.

Un travailleur hongrois d’Audi gagne environ 1000 euros (1140 dollars) par mois, soit environs un tiers de son homologue allemand, bien que le coût de la vie soit comparable à celui de l’Europe occidentale. Les travailleurs, qui gagnent également beaucoup moins que leurs homologues d’Europe de l’Est en République tchèque, en Slovaquie et en Pologne, revendiquent une augmentation de salaire de 18 pour cent et au moins un week-end complet de congé par mois.

La grève coïncide avec une vague de protestations massives contre l’adoption par le gouvernement de droite du Premier ministre Victor Orbán d’une loi détestée sur les heures supplémentaires qui permet aux entreprises de faire pression sur les employés pour qu’ils travaillent l’équivalent de six jours par semaine en moyenne. Cette mesure, communément appelée la «loi de l’esclavage», est également connue sous le nom de «Lex Audi, Mercedes ou BMW» parce qu’elle a été imposée par les constructeurs automobiles étrangers, les plus gros investisseurs en Hongrie.

La grève hongroise fait suite aux débrayages des travailleurs de VW en Slovaquie et de Fiat Chrysler en Serbie au cours de l’été 2017 et des travailleurs de Ford à Craiova, en Roumanie, il y a un peu plus d’un an. Les travailleurs tchèques de Skoda, la marque à bas prix très rentable du groupe VW, s’apprêtent également à faire grève le mois prochain pour des revendications salariales.

Ces luttes surviennent alors que les travailleurs mexicains sont à la tête de ce qui est en train de devenir une lutte internationale pour les travailleurs de l’automobile et des pièces d’automobile. Au cours des deux dernières semaines, jusqu’à 70 000 travailleurs des usines maquiladoras ont mené une série de grèves sauvages à Matamoros, juste de l’autre côté de Brownsville, Texas à la frontière entre les États-Unis et le Mexique.

Les travailleurs sont payés jusqu’à seulement 75 cents de l’heure pour produire des pièces détachées pour l’industrie automobile et d’autres industries. Ils exigent une augmentation de 20 % et une prime de 1700 dollars. Leur action a déjà coupé l’exportation de pièces d’une importance critique à travers la frontière et causé le ralentissement de la production dans les usines d’assemblage de Ford et de GM du Michigan, de l’Ontario, au Canada et d’autres endroits.

Parmi les entreprises où les travailleurs sont en grève il y a l’usine Auburn Hills de Dura Automotive, entreprise dont le siège est au Michigan, appartenant à Lynn Tilton, ancienne banquière d’affaires de Morgan Stanley et Goldman Sachs, dont la valeur nette est de 830 millions dollars. Matamoros abrite également les principaux fournisseurs d’automobiles, dont Delphi, l’ancienne division des pièces détachées de GM, Johnson Controls et Magna, société installée au Canada.

En même temps que l’administration Trump veut construire un mur à la frontière américano-mexicaine et fait la chasse aux sorcières des migrants du Mexique et d’Amérique centrale, les démocrates proclament leur engagement en faveur de la «sécurité des frontières», les entreprises basées aux États-Unis n’ont aucun problème à faire passer leurs marchandises dans les deux sens à travers la frontière. La zone de libre-échange «Brownsville-Matamoros Borderplex» compte quatre ponts internationaux et un passage à niveau international, qui traite au moins 1,5 milliard de dollars de marchandises par jour.

Les courageux travailleurs de Matamoros ont formé des comités de grève pour s’opposer aux syndicats d’entreprise, qui ont imposé les salaires de misère et les conditions de travail d’esclaves. Ils ont marché jusqu’à la frontière américaine pour appeler les travailleurs américains à s’unir à leur lutte. Face au black-out médiatique, le WSWS a donné une voix et une perspective aux travailleurs mexicains en grève.

Leur lutte a inspiré les travailleurs de l’automobile aux États-Unis. Dans un courriel envoyé au WSWS Autoworker Newsletter (Bulletin des travailleurs de l’automobile du WSWS), un travailleur de l’usine Jeep de Fiat Chrysler à Toledo, Ohio, a écrit: «La situation au Mexique fut notre appel à l’action. Nous travaillons en vertu d’un contrat qui ne vaut pas le papier sur lequel il est écrit. La corruption à la tête de nos dirigeants[syndicaux] est directement liée à ce contrat pourri qu’ils nous ont vendu. Nous devrions être dans la rue ici […] S’il vous plaît, dites à nos frères et sœurs du Mexique combien nous sommes fiers d’eux. Ce sont de vrais héros! J’aurais aimé les rencontrer à la frontière pour participer à leur manifestation. Nous les soutenons de tout cœur et espérons qu’ils resteront forts! Gracias!»

Les efforts des travailleurs aux États-Unis, au Canada et au Mexique entrave la campagne réactionnaire nationaliste du syndicat UAW et son homologue canadien Unifor. Alors que les travailleurs de Matamoros marchaient vers la frontière, le président d’Unifor, Jerry Dias a appelé à un boycott de voitures «fabriquées en Mexique».

Il n’existe pas de voiture de fabrication mexicaine, pas plus qu’il n’existe de voiture de fabrication américaine ou canadienne. Un véhicule moderne est composé de 30 000 pièces, produites et assemblées par des ouvriers dans des dizaines de pays, sans parler des ouvriers qui exploitent et transforment les matières premières du monde entier. Les sociétés transnationales exploitent la force de travail des travailleurs dans des dizaines de pays pour produire une seule marchandise et déplacent la production dans le monde entier à la recherche du taux de profit le plus élevé.

Le nationalisme a longtemps été colporté par les syndicats pour dissimuler leur propre collaboration avec les patrons de l’automobile afin de détruire les emplois et le niveau de vie des travailleurs, tandis que les dirigeants syndicaux reçoivent une partie des profits supplémentaires extraits des travailleurs sous forme de pots-de-vin et d’argent canalisé par divers systèmes corporatistes de gestion du travail.

Les syndicats UAW et Unifor font respecter le black-out de la lutte de Matamoros par les médias par peur que les travailleurs aux États-Unis et au Canada se rebellent aussi contre les syndicats contrôlés par les entreprises et s’unissent avec les travailleurs du monde entier dans une lutte commune contre les compagnies automobiles mondiales et le système capitaliste.

C’est exactement ce qu’il faut faire. La WSWS appelle tous les travailleurs et les jeunes à soutenir et à assister à la manifestation du 9 février devant siège social de General Motors à Detroit pour lutter contre la fermeture prévue de cinq usines du constructeur automobile mondial aux États-Unis et au Canada et la suppression des emplois de près de 15.000 ouvriers et salariés.

La manifestation a été convoquée par le Comité directeur de la Coalition des comités de base, qui a été fondée lors de la réunion d’urgence du 9 décembre contre les fermetures parrainée par le WSWS Autoworker Newsletter et le Socialist Equality Party (Parti de l’égalité socialiste).

Cette réunion a adopté à l’unanimité une résolution visant à lutter pour la création de comités de base, indépendants des syndicats UAW et Unifor, pour «établir des lignes de communication et de collaboration avec tous les travailleurs – y compris les travailleurs des pièces d’automobile, les enseignants, les travailleurs d’Amazonie, les travailleurs des services et autres – et lutter pour l’unité des travailleurs américains avec nos frères et sœurs de classe au Canada, au Mexique et partout dans le monde.»
L’impulsion objective des luttes des travailleurs de l’automobile, des enseignants et d’autres travailleurs du monde entier est vers une grève générale, rassemblant toutes les sections de la classe ouvrière. Ce mouvement objectif doit être consciemment développé et organisé en une lutte politique pour le pouvoir ouvrier et la réorganisation socialiste de l’économie mondiale.

(Article paru en anglais le 28 janvier 2019)

Loading