Rejeter la campagne antimexicaine de l'UAW et d'Unifor

Unir les travailleurs américains, canadiens et mexicains contre la fermeture d’usines de GM !

Les syndicats United Auto Workers (UAW) et Unifor au Canada ont lancé une campagne réactionnaire appelant les consommateurs américains et canadiens à boycotter les véhicules de General Motors assemblés au Mexique.

Dimanche soir, les téléspectateurs canadiens qui ont regardé le match de football du Super Bowl ont pu voir une publicité sponsorisée par Unifor montrant des drapeaux mexicains, accompagnés d’une voix d'un narrateur déclarant: «GM poursuit son expansion au Mexique, laissant les travailleurs sur la touche, une démarche qui n’en est pas moins canadienne que les véhicules, qu’ils veulent maintenant nous vendre.»

Unifor a annoncé qu'il dépenserait des «millions» pour des annonces similaires qui devaient être diffusées lors des cérémonies des Oscars et des matchs de hockey professionnels.

La semaine dernière, le président de l'UAW, Gary Jones, a déclaré que son syndicat se joindrait aux efforts d'Unifor. Outre le boycott des voitures et des camions en provenance du Mexique, Jones a ajouté la Chine et la Pologne à la liste.

Jones a salué l'initiative Buy American, Hire American (Achetez américain, Embauchez américain) du président Trump, affirmant que le président «a pris des mesures importantes pour adhérer au concept selon lequel le gouvernement américain et les consommateurs devraient acheter américain». L'UAW loue des panneaux d’affichage et lance une campagne sur les média sociaux intitulée #GMinvestUS.

L'UAW et Unifor présentent ce boycott comme une réponse au projet de GM de fermer cinq usines aux États-Unis et au Canada, notamment des usines de montage à Detroit-Hamtramck, Lordstown, Ohio et Oshawa, en Ontario, et à licencier 15.000 salariés. Dans l’interval, les deux syndicats ont rejeté toute idée de grèves, occupations d'usines ou manifestations de masse visant à empêcher les fermetures. Et lorsque les travailleurs d'Oshawa avaient organisé une grève sauvage le mois dernier, Unifor a rapidement réagi pour la réprimer.

L’Autoworker Newsletter (Bulletin d’information des travailleurs de l’automobile) du WSWS et le comité directeur des comités de base se battent pour unir et mobiliser les travailleurs de l'automobile et les autres sections de la classe ouvrière en Amérique du Nord afin d'empêcher la fermeture d'usines et les licenciements. Nous organisons une manifestation le samedi 9 février à 14 heures devant le siège de GM, au centre-ville de Detroit, pour demander aux travailleurs de constituer des comités de base indépendants des syndicats à la botte des entreprises. La manifestation exigera l'arrêt immédiat de toutes les fermetures d'usines, l'abolition du système de rémunération et d'avantages sociaux à deux niveaux, la transformation de tous les travailleurs temporaires en travailleurs à temps plein et la réembauche de tous les travailleurs licenciés et victimes de représailles.

En opposition au nationalisme de l'UAW et d'Unifor, la manifestation appellera à l'unité des travailleurs américains, canadiens et mexicains et à lutter pour leurs intérêts communs contre leurs ennemis communs, les constructeurs automobiles transnationaux.

La campagne de boycott UAW-Unifor est absurde à plusieurs niveaux. Tout d’abord, il n’existe pas de voiture «de fabrication mexicaine» ni, d’ailleurs, américaine ou canadienne.

Un véhicule moderne est composé de 30 000 pièces, produites et assemblées par des ouvriers de dizaines de pays, sans compter les ouvriers du monde entier qui extraient et traitent les matières premières utilisées dans sa construction. Les véhicules assemblés au Mexique contiennent des composants fabriqués par des travailleurs américains et canadiens dont les emplois seraient également menacés par un ralentissement de la production au Mexique. Il y aurait plus de 60 entreprises fabricants de pièces automobiles basées en Ontario qui envoient des composants au Mexique, y compris l'usine de transmission de GM à St. Catharines et l’usine d’emboutissage à Ingersoll.

C’est un fait historique que les campagnes Buy American et Buy Canadian promues par les syndicats depuis le milieu des années 1970 n’ont jamais permis de sauver un seul emploi. En 1978, il y avait plus de 750.000 travailleurs de l'automobile syndiqués chez GM, Ford et Chrysler. Aujourd'hui, il n'y en a que 154.000 aux États-Unis et 22.000 au Canada.

Image aérienne de ce que fut jadis Buick City

Ce massacre des emplois n'est pas le produit simplement des erreurs des bureaucrates syndicaux. Au contraire, il est ancré dans le programme nationaliste des syndicats. Incapable de réagir de manière progressiste à la mondialisation de la production capitaliste dans les années 1980 et 1990 - qui permettait aux sociétés transnationales d'exploiter la force de travail des travailleurs dans de nombreux pays pour produire une marchandise et pour répartir et distribuer la production n'importe où dans le monde afin d’obtenir le taux de profit le plus élevé - les syndicats ont abandonné toute résistance à la réduction des salaires, à la cadence du travail et à la réduction des effectifs.

Bien avant que le terme de «mondialisation» ne soit entré dans le lexique populaire, le Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI) a expliqué en 1988: «La mobilité internationale sans précédent du capital a rendu tous les programmes nationalistes pour le mouvement ouvrier de différents pays obsolètes et réactionnaires». De tels programmes, le CIQI a-t-il expliqué, «reposent invariablement sur la collaboration volontaire des bureaucraties syndicales avec "leurs" classes dirigeantes pour l'abaissement systématique du niveau de vie des travailleurs afin de renforcer la position de "leur" pays capitaliste sur le marché mondial.»

Ces campagnes nationalistes ont véritablement déployé leurs ailes lorsque la domination de longue date des Trois Grands constructeurs automobiles, basée à Détroit, a été contestée pour la première fois par des fabricants asiatiques et européens plus efficaces. Au début des années 1980, l'UAW a réagi en adoptant officiellement le «partenariat entre travailleurs et direction» comme principe directeur.

Cela coïncidait avec une campagne raciste mettant en scène des responsables syndicaux qui cassaient des Toyotas avec des marteaux-pilons et collaient des affiches Remember Pearl Harbor sur leurs voitures. L'UAW a interdit les voitures importées sur les parkings du syndicat. L'agitation anti-japonaise a entraîné l'assassinat en 1982 de Vincent Chin, un dessinateur echnique américano-chinois âgé de 27 ans, battu à mort avec une batte de baseball par un contremaître de Chrysler et son fils chômeur.

La campagne anti-étrangers avait un triple objectif: opposer les travailleurs américains à leurs collègues d'autres pays et les aligner sur leurs «propres» patrons américains; pour blanchir le véritable ennemi des travailleurs, les entreprises et le système de profit; et de détourner l'attention de la collaboration des syndicats avec les entreprises dans la destruction des emplois, des salaires et des conditions de travail.

En contrepartie de leurs services, les constructeurs automobiles ont versé des milliards de dollars sur les comptes bancaires des dirigeants syndicaux sous forme de transferts en espèces, de pots-de-vin, de sièges aux conseils d'administration et de contrôle des actions des sociétés et des fonds de retraites.

Une pancarte sur la clôture de la section locale 599 de l’UAW, qui comptait 28.000 membres dans l’immense complexe de Buick City à Flint, dans le Michigan, dans les années 1960.

Quels ont été les conséquences de cette politique nationaliste ? Des villes entières comme Flint, Detroit et Pontiac dans le Michigan; Dayton, Youngstown et Cleveland dans l'Ohio; Oshawa, London et d'autres villes de l'Ontario ont été transformées en friches industrielles.

Les syndicats ont déclaré aux travailleurs américains et canadiens que leurs ennemis étaient des travailleurs du Mexique, de la Chine et d’autres pays qui les privaient de leurs emplois et de leurs moyens de subsistance. Maintenant, cependant, les travailleurs américains et canadiens découvrent les luttes grandissantes des travailleurs du monde entier et commencent à se rendre compte qu'ils ne sont pas des ennemis, mais leurs frères et sœurs de classe.

Cela a été démontré avec force par la grève de 70.000 travailleurs à Matamoros (Mexique), de l'autre côté de la frontière à Brownsville (Texas), qui produisent des ceintures de sécurité, des airsbags, des volants et d'autres composants pour des fournisseurs américains et canadiens à partir de 75 cents l’heure. La grève vaillante qu'ils mènent contre ces conditions de travail de forçats a éclaté en opposition aux syndicats et gouvernement contrôlés par les entreprises. Les travailleurs ont éjecté les responsables syndicaux, mis en place des comités de grève et tenu des assemblées populaires pour faire valoir leurs revendications et lutter contre le bris de grève et les représailles.

Après s'être libérés du carcan des syndicats, les travailleurs en grève ont compris la nécessité de tendre la main aux travailleurs américains. Ils ont marché jusqu'à la frontière pour faire appel à leurs homologues de l'autre côté pour qu'ils se joignent au combat. Cette rébellion a terrorisé les chefs d'entreprise, les politiciens capitalistes et les dirigeants syndicaux de toute l'Amérique du Nord. Les médias contrôlés par les grandes entreprises ont imposé un black-out de toute information sur la grève.

Des grévistes de Matamoros portant une banderole lisant: «Le syndicat et l'entreprise tuent la classe ouvrière.»

Les travailleurs de Matamoros ont donné l’exemple à tous les travailleurs de tous les pays pour briser la mainmise des syndicats pro-entreprises et à mettre en place des organisations de lutte véritablement démocratiques – des comités de base refusant d'accepter les diktats des entreprises et politiciens capitalistes et luttant pour relier les luttes des travailleurs aux niveaux national et international.

Le World Socialist Web Site et l’Autoworker Newsletter du WSWS ont à eux seuls rendu compte de la grève de Matamoros et se sont battus pour obtenir le soutien de travailleurs aux États-Unis, au Canada et dans le monde entier. Partout où les travailleurs de l'automobile, quelle que soit leur nationalité, aient pris connaissance de la grève, ils ont exprimé leur solidarité et leur soutien.

Le boycott anti-mexicain annoncé par l'UAW et Unifor est en partie une réponse désespérée de coup fourré des syndicats à la rébellion des travailleurs de Matamoros qui a porté un coup cinglant à leur propagande nationaliste.

Le soutien s’accroît en faveur de la manifestation du 9 février. Ce sera la première véritable expression de l'opposition de base aux fermetures d'usines, aux licenciements et aux concessions. Tous les travailleurs – enseignants, travailleurs d’UPS et d’Amazon, fonctionnaires, jeunes et étudiants – devraient participer pour exprimer la force et la détermination de la classe ouvrière et aller de l’avant dans la construction d’un mouvement de masse défendant les emplois et le niveau de vie.

(Article paru en anglais le 5 février 2019)

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