Les démocrates capitulent devant Trump et acceptent de financer le mur

Quinze minutes à peine avant que Donald Trump ne prenne la parole devant un rassemblement à El Paso, une ville frontalière du Texas, les dirigeants du Sénat ont annoncé que les démocrates et les républicains avaient conclu un accord pour éviter un nouveau shutdown (paralysie des services) du gouvernement, qui était prévu pour débuter samedi à 12h01.

L'accord est une capitulation complète du Parti démocrate devant la politique fascisante de Trump. Selon les premières informations, il comprend 1,4 milliard de dollars de financement pour un mur en acier et aucun abaissement du plafond du nombre total d'immigrants pouvant être détenus chaque nuit.

Certains fonctionnaires chevronnés du Congrès estiment que cet accord permettrait à Trump d’augmenter de plus de 20 pour cent la capacité de détention par le service de l’immigration et des douanes (ICE). Le journal Hill a souligné que l'accord prévoyait «suffisamment de flexibilité pour atteindre le niveau de 52 000 lits demandé par le président.»

Selon CNN, l'accord prévoit également une augmentation des dépenses de 1,7 milliard de dollars pour le DHS (ministère de l’intérieur), qui comprend l'ICE et le service des douanes et de la protection des frontières (CBP).

Le discours de Trump à El Paso, ponctué de chants dans la foule de « USA ! USA ! » et « Construisons le mur » a dénoncé le « socialisme » et la « gauche radicale » et affirmé qu’il n’était pas encore au courant des détails de l’accord. « Nous avons probablement de bonnes nouvelles », a-t-il déclaré, évoquant le fait que les démocrates risquaient d’abandonner la position en faveur d'une limitation du nombre de détentions d'immigrants.

«Nous préparons le terrain», a-t-il ajouté, indiquant qu'il serait en mesure de mobiliser des milliards de dollars pour construire son mur, quel que soit le montant total affecté officiellement par le Congrès. «Nous construisons le mur, de toute façon. Le mur va être construit.»

Le chef de cabinet de la Maison Blanche, Mick Mulvaney, a déclaré le week-end dernier à l’émission Fox News Sunday que tout accord donnerait à Trump une couverture politique et une souplesse administrative lui permettant d'allouer des milliards de dollars à sa guise: «Nous prendrons autant d’argent que vous pourrez nous donner et ensuite nous irons chercher l'argent ailleurs légalement afin de sécuriser la frontière sud. Mais il va être construit avec ou sans le Congrès», a-t-il déclaré.

La présidente démocrate de la Chambre, Nancy Pelosi, a accepté l'accord et le Parti démocrate avance ses excuses pathétiques pour sa capitulation inévitable. La présidente démocrate de la commission du budget de la Chambre des représentants, Nita Lowey, qui est l’un des dirigeants du comité mixte bipartite de la Conférence du Sénat et de la Chambre qui a élaboré l’accord, a déclaré timidement: «Nous avons fait de notre mieux.»

Le sénateur démocrate Patrick Leahy a ajouté: «Aucun d’entre nous n’obtiendra tout ce que nous voulons, ce qui est toujours le cas. Mais nous allons obtenir ce qu'il y a de mieux pour les États-Unis.»

Cette capitulation signifie que des milliers d'autres personnes mourront dans le désert après avoir été forcés de traverser un terrain plus inhospitalier, et que des dizaines de milliers d'autres seront détenues aux États-Unis en attente des délibérations sur leurs cas par le service de l’Immigration.

Lundi également, la Cour d'appel du neuvième circuit s'est prononcée en faveur des plans de construction du mur de l'administration Trump, et a rendu un jugement concluant que la loi de 1996 sur la réforme de l'immigration clandestine et la responsabilité pour les immigrants (IIRAIRA) confère au département de la sécurité intérieure le pouvoir juridique de construire de clôtures indépendamment de la réglementation environnementale.

Le jugement par 2 voix contre 1 de la Cour d'appel fédérale la plus «libérale» a été rendu par les juges M. Margaret McKeown, nommée par Clinton, et Jacqueline Nguyen, nommée par Obama.

IIRAIRA, la loi qui donne au président le pouvoir de construire des murs frontaliers, fut adoptée à l'unanimité au Sénat et par la quasi-totalité des dirigeants actuels du Parti démocrate, qui ont ensuite été élus à la Chambre, notamment James Clyburn, Charles Schumer et John Lewis, Steny Hoyer, Nancy Pelosi et l’ancien membre du Congrès Luis Gutierrez. Bernie Sanders a également voté pour le projet de loi.

Dans son discours d'hier, Trump a vanté la construction d'un mur frontalier à El Paso, affirmant que cela avait réduit la criminalité dans la ville. La construction du mur à El Paso fut achevée par Barack Obama en 2009.

Tandis que Trump parlait, des milliers de soldats et d'agents fédéraux ont envahi Eagle Pass, au Texas, dans le cadre d'une opération que le CBP appelle une «démonstration de force» visant à dissuader les réfugiés d'Amérique centrale de traverser le Rio Grande. Plus de 100 véhicules de la police fédérale ont longé sur deux km la frontière à Eagle Pass au cours du week-end.

Le shérif Tom Schmerber du comté de Maverick, au Texas, a déclaré au Washington Examiner: «Pour moi, c'est une démonstration de force. Cela enverrait un message aux immigrants qui souhaitent passer illégalement par le Texas que le Texas est toujours prêt et qu'il a beaucoup d’effectifs à la frontière – qu'ils devraient se rendre dans un autre État.»

Cette «démonstration de force» a une signification symbolique dangereuse.

Sous l'administration Clinton en 1993, Sylvestre Reyes, chef de la patrouille frontalière du secteur d'El Paso (devenu plus tard membre démocrate du Congrès et coprésident de la campagne présidentielle d'Hillary Clinton en 2008), déploya des centaines d'agents dans leurs véhicules lors d'une «démonstration de force» similaire sur un tronçon de la frontière entre El Paso et Ciudad Juarez. C’était le coup d’envoi de ce que l’on a appelé «l’opération Hold-the-Line» - la première grande opération militaire à la frontière entre les États-Unis et le Mexique.

À cause de la militarisation des villes frontalières par l'administration Clinton, les immigrants traversent maintenant le désert. Près de 20.000 immigrants ont trouvé la mort en tentant de franchir la frontière depuis la mise en place de l'opération Hold-the-Line à El Paso. En 1994, la procureure générale de Clinton, Janet Reno, annonça le lancement d'un programme similaire pour la construction d'un mur frontalier séparant San Diego de Tijuana.

De l'autre côté d’Eagle Pass, où se déroule la plus récente «démonstration de force», 1800 réfugiés sont détenus à Piedras Negras dans des conditions sous-humaines par le gouvernement mexicain du président Andrés Manuel López Obrador (connu sous le nom de «AMLO»).

De centaines de policiers mexicains en tenue anti-émeute et de soldats armés de fusils d'assaut gardent le centre de détention, interdisant aux immigrants de partir. AMLO a accepté, au nom de l'administration Trump, de détenir les demandeurs d'asile d'Amérique centrale que les États-Unis refusent de laisser rester aux États-Unis dans l'attente du traitement de leurs demandes d'asile, en violation flagrante du droit international.

Le journal mexicain Reforma a décrit les conditions de détention dans le centre de détention de Piedras Negras. Il écrit: «Depuis leur arrivée dans cette ville frontalière, près de 1850 immigrés de la caravane sont retenus à l'intérieur de l'ancienne [usine] maquiladora de Macesa et ses sorties sont surveillées.» Les immigrés «doivent rester dans un périmètre délimité par une clôture en treillis métalliques avec fil de fer barbelé. Les soldats et la police fédérale surveillent les immigrés et restent à proximité en tenue anti-émeute.»

Entre temps, des dizaines de milliers de travailleurs dans les maquiladoras de Ciudad Juarez discutent de la possibilité de faire grève alors que des grèves se propagent à Matamoros, situé de l'autre côté de la frontière, à Brownsville, au Texas. C’est ce mouvement émergent de la classe ouvrière qui incarne la lutte pour unir les travailleurs américains et mexicains contre la militarisation de la frontière par la classe dirigeante américaine et mexicaine et tous les partis politiques des deux pays.

(Article paru en anglais le 12 février 2019)

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