Perspective

Le lynchage juridique des nationalistes catalans et le danger néofasciste en Espagne

Après le début mardi du procès des nationalistes catalans à Madrid, les parlementaires catalans ont refusé mercredi de voter le budget du Parti socialiste espagnol (PSOE). Sans leur soutien, le budget du gouvernement minoritaire de Pedro Sanchez s’est vu refusé par 191voix à 158 au Congrès. Hier, il a annoncé la chute de son gouvernement et de nouvelles élections pour le 28 avril.

Selon les sondages, le Parti populaire (PP, 23 pour cent), Citoyens (Cs, 19.2) et le nouveau parti anti-catalan et pro-fasciste VOX (8.9 pour cent) issu du PP remporteraient ensemble 51 des voix. Le chef du PP, Pablo Casado, a appelé mercredi à un «front commun» de ces partis de droite, qui ont formé en janvier une alliance pour installer un gouvernement de droite en Andalousie.

La bourgeoisie espagnole réagit à la montée de grèves et de manifestations en Espagne et au-delà contre la politique austéritaire de l’Union européenne (EU) en construisant un régime fascisant. Ceci confronte objectivement une puissante opposition des travailleurs. Mais cette opposition au régime du dictateur fasciste Francisco Franco, qui a conquis l’Espagne pendant la Guerre civile de 1936-1939 et dont le régime a gouverné jusqu’en 1978, n’est incarnée par aucun parti existant.

Le PSOE et son allié de pseudo gauche, Podemos, sont des partis réactionnaires en faillite. Podemos fut le principal soutien du PSOE, tentant jusqu’au dernier moment de construire un accord avec les nationalistes catalans pour faire approuver le budget. Férus de nationalisme et de populisme, méprisants envers les travailleurs et le socialisme, les professeurs staliniens et pablistes qui dirigent Podemos ont permis à la bourgeoisie de ressusciter l’extrême-droite. Le danger fasciste est réel.

Podemos a installé le PSOE au pouvoir en 2018 non pas via des élections, mais des tractations en coulisse pour former une courte majorité parlementaire entre le PSOE, Podemos, et les nationalistes basques et catalans. Sanchez a ensuite pu remplacer le premier ministre PP, Mariano Rajoy. Le chef de Podemos, le professeur Pablo Iglesias, a expliqué la perspective nationaliste qui sous-tendait cette stratégie: «On est fier d’être espagnol, et on utilise les mots qui font gagner en politique. Parce que sans gagner, on ne change pas les choses.»

En fait, par une politique «réaliste» qui reprend les conceptions de la droite nationaliste, Podemos a préparé non la victoire mais la défaite. Sans surprise, le PSOE, le principal parti de gouvernement capitaliste en Espagne depuis 1978, a mené une politique quasi identique à celle du PP, dégoûtant les travailleurs et renforçant les néofascistes. Le PSOE a conservé le budget austéritaire du PP pour 2018, dépensé des milliards sur l’armée et continué la répression des nationalistes catalans.

Mardi, le procès des 12 nationalistes catalans arrêtés et accusés de rébellion après le référendum d’indépendance d’octobre 2017 a débuté. Les partis indépendantistes catalans sont réactionnaires, austéritaires et orientés vers l’UE et tacitement vers l’OTAN. Mais ce procès est une attaque contre les droits démocratiques, dont la liberté de pensée et de manifester, et une menace d’interdire toute opposition même pacifique à l’État, sans précédent depuis la fin du franquisme. Il faut s’y opposer.

Après le référendum, le PSOE s’est aligné sur Rajoy alors que le PP incitait des manifestations anti-catalanes où l’on chantait des hymnes franquistes, et que le chef des armées traitait le nationalisme catalan de «pire menace contre notre démocratie». Il est clair que cette campagne, qui se faisait l’écho des dénonciations franquistes des «séparatistes et des rouges», était une tentative de la classe dirigeante, face à la colère sociale, de déplacer le débat politique loin vers l’extrême-droite.

Sous le PSOE, les procureurs déclarent que les prisonniers sont coupables des violences commises par la police contre leurs soutiens. «Je ne crois pas qu’on puisse attribuer la responsabilité pour les violences le jour du référendum aux forces de l’ordre espagnoles mais à ceux qui, sachant la loi, ont mobilisé des milliers de citoyens. Ceux-ci ont servi de boucliers humains bloquant une action de police légitime», a déclaré le procureur Javier Zaragoza mercredi.

On a permis à VOX de se constituer en «procureur public» allié à l’État; le parti profranquiste exige des peines de plus de 60 ans de prison.

En même temps, le président de VOX Santiago Abascal défend publiquement l’action de Franco pendant la Guerre civile. «On est la voix de ceux dont les ancêtres ont combattu dans l’armée de Franco et qui ne veulent pas renier ce qu’ont fait leurs familles», a-t-il déclaré en janvier. «Certains ne veulent pas qu’on change les noms des rues simplement à cause du fanatisme politique de ceux qui veulent que l’Espagne ait une mémoire hémiplégique.»

C’est une défense de la répression fasciste des travailleurs via la terreur étatique et le meurtre de masse. Franco a dirigé un coup contre la République espagnole en 1936. Après trois ans de guerre civile, pendant lesquels Franco a profité surtout du rôle des partis stalinien et social-démocrate, qui ont étranglé des soulèvements ouvriers et assassiné des trotskystes qui luttaient pour une révolution, il a assis son régime sur le meurtre de centaines de milliers de travailleurs et de jeunes de gauche.

Des avertissements urgents sont de mise: après trois décennies de guerre impérialiste depuis la dissolution de l’Union soviétique par la bureaucratie stlinienne en 1991, et une décennie d’austérité en Europe depuis le krach de 2008, le capitalisme européen est totalement pourri.

Dans chaque pays, des gouvernements haïs incitent des mouvances néofascistes contre l’opposition des travailleurs. La Grande coalition allemande soutient des professeurs extrémistes de droite et militaristes qui tentent de laver l’hitlérisme pour justifier une politique de remilitarisation, alors que Macron salue le dictateur fasciste Philippe Pétain tout en réprimant les «gilets jaunes». A présent c’est l’idée reçue, selon laquelle l’Espagne serait vaccinée contre le néofascisme à cause de la haine du franquisme parmi les travailleurs qui vole en éclats.

La lutte des classes ressurgit à l’échelle internationale. Les «gilets jaunes» en France, les grèves belges et allemandes, et des grèves des taxis, des ports, des métros et des aéroports ces derniers mois en Espagne sont des signes avant-coureurs d’une éruption de la lutte des classes qui se prépare. Mais une éruption spontanée de combativité et de colère sociale ne suffira pas à résoudre les questions posées aux travailleurs. Ils rencontreront une opposition hystérique de l’élite dirigeante et il leur faudra mener une lutte politique déterminée.

La base pour une lutte pour défendre les droits démocratiques est l’internationalisme socialiste et la mobilisation de la classe ouvrière en lutte contre la politique stalinienne et pabliste de Podemos et de ses partis frères à travers l’Europe. Ceci signifie la lutte pour fonder des sections du Comité international de la IVe Internationale en Espagne et dans tous les pays d’Europe, et d’opposer au capitalisme et à l’UE la lutte pour les Etats-unis socialistes d’Europe.

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