13 mois de lock-out pour les travailleurs de l’ABI au Québec

Le Syndicat des Métallos prépare les dernières étapes de la trahison

Tout indique que les dirigeants de la section locale 9700 du Syndicat des Métallos préparent le dernier acte de la trahison de la lutte des 1000 travailleurs de l’Aluminerie de Bécancour (ABI), en lock-out depuis plus de 13 mois.

Le président de la section locale, Clément Masse, annonçait la semaine dernière que le syndicat avait fait de nouvelles propositions à la direction d’ABI avec l’espoir de conclure une entente. Mais la compagnie a décidé de suspendre à nouveau les négociations et d’annuler toutes les rencontres qui étaient prévues dans les prochains jours.

Les négociations avaient repris au début du mois sans l’intervention d’un médiateur. Au début de la semaine dernière, le syndicat a annulé à la dernière minute une assemblée syndicale prévue le mardi dans le but de poursuivre, dans un lieu tenu secret, les négociations avec l’employeur. En annulant la réunion, le syndicat voulait continuer de maintenir les travailleurs dans le noir quant à ce qui se tramait derrière les portes closes avec la direction et présenter l’entente lors d’une prochaine assemblée comme un fait accompli.

Ce stratagème du syndicat, qui ne s’est finalement pas déroulé comme prévu suite à la suspension des négociations, visait à acculer les travailleurs au pied du mur dans le but de les forcer, de manière totalement anti-démocratique, à accepter un contrat rempli de concessions sans qu’ils aient suffisamment de temps pour l’étudier.

Du côté d’ABI, la décision de suspendre les négociations confirme le fait que la direction veut décider quand et sous quelles conditions la production va redémarrer. ABI, une entreprise possédée conjointement par les multinationales Alcoa et Rio Tinto, a mis ses quelque 1030 employés en lock-out le 11 janvier 2018 après que ces derniers aient rejeté les demandes de concessions.

ABI est déterminée à instaurer des changements majeurs dans la production et l’organisation du travail qui auront des impacts dévastateurs sur les emplois et les conditions de travail. Il a d’ailleurs été révélé que la direction a profité du lock-out à la fois pour réduire le nombre d’employés par des départs à la retraite (il y en aurait eu plus de 120 déjà durant le conflit) et pour tester de nouvelles méthodes de production avec un effectif réduit (une série de cuves était maintenue en fonction par des employés-cadres).

Tout juste avant la suspension des négociations, le fabricant de tiges d’aluminium Sural annonçait qu’il faisait faillite et fermait deux de ses trois alumineries, soit celles de Bécancour et de Victoriaville, laissant quelque 160 travailleurs à la rue. À elles trois, les usines de Sural recevaient près du tiers de l’aluminium liquide provenant d’ABI. Ces fermetures vont avoir des répercussions évidentes sur le déroulement des négociations.

De son côté, le ministre du Travail du gouvernement de droite de la Coalition Avenir Québec, Jean Boulet, a indiqué qu’une équipe de fonctionnaires élabore actuellement une proposition d’entente qui pourrait être bientôt soumise aux parties et sur laquelle les travailleurs seraient appelés à voter.

Derrière son apparente «neutralité», le gouvernement soutient entièrement la compagnie dans sa tentative de changer les règles du jeu dans ses usines pour accroître sa productivité et sa compétitivité aux dépens des travailleurs. Le ministre Boulet a d’ailleurs affirmé que la compagnie a tous les droits de recourir à l’article 58 du Code du travail permettant à celle-ci de déposer une offre globale et finale sur laquelle les travailleurs tiendraient un vote secret. L’«hypothèse de règlement» du gouvernement pourrait même servir de base à cette offre.

Le World Socialist Web Site lance un avertissement aux travailleurs d’ABI. Qu’il soit imposé par des négociations syndicales-patronales ou imposé à la suite des machinations du gouvernement, le nouveau contrat présenté sera plein de reculs.

Le Syndicat des Métallos est entièrement prêt à collaborer avec l’entreprise pour imposer les reculs aux travailleurs et permettre à celle-ci d’empocher encore plus de profits et devenir plus compétitive face aux entreprises rivales ailleurs au monde.

Bien qu’il s’est gardé de dévoiler – autant à ses membres qu’au grand public – l’ampleur des concessions acceptées, Clément Masse a répété que le syndicat se soumettrait à la volonté de la compagnie d’instaurer un régime de retraite entièrement financé par les travailleurs et de piétiner les droits d’ancienneté. À chaque fois que la compagnie a rompu les pourparlers au cours de la dernière année pour intimider ses employés et pousser le syndicat a reculer davantage, Masse a déclaré qu’il ferait de nouvelles concessions, y compris d’accepter des coupures d’emplois, dès que la compagnie relancerait les négociations.

Si les travailleurs d’ABI se retrouvent toujours dans l’impasse, c’est parce le Syndicat des Métallos – et la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ) à qui ils sont affiliés – ont systématiquement isolé la lutte des travailleurs. Ils ont refusé de faire appel à leurs centaines de milliers de membres et à d’autres sections de travailleurs pour défendre les lock-outés d’ABI face à l’attaque de la transnationale.

Même si Alcoa mène un assaut contre sa main-d’oeuvre à travers le monde, y compris en Australie et en Espagne, les dirigeants des Métallos ont refusé d’unir les diverses luttes contre l’employeur commun.

Opposés à la lutte pour mobiliser la force de la classe ouvrière contre les transnationales, les syndicats ont plutôt canalisé l'énergie des travailleurs d'ABI vers des appels futiles à leurs ennemis de classe: les conseils d'administration d'Alcoa et de Rio Tinto, les actionnaires et les politiciens de la grande entreprise.

Les hauts bureaucrates syndicaux, y compris ceux des Métallos, ont accueilli l’élection de la Coalition Avenir Québec mené par l’ancien homme d’affaires multimillionnaire François Legault, qui prône depuis des années la privatisation et la déréglementation. Même s’il a promis l’austérité pour les travailleurs, des baisses d’impôts massives pour les riches et les entreprises et blâme les immigrants pour les problèmes sociaux causés par le capitalisme en faillite, les syndicats continuent de tendre la main à ce parti de droite.

En opposition à la stratégie réactionnaire du Syndicat des Métallos, les travailleurs doivent se tourner vers les autres sections de la classe ouvrière – leurs véritables alliés – pour lancer une contre-offensive face à l’assaut patronal sur les emplois, les salaires et les conditions de travail. Une telle mobilisation de masse doit être basée sur une perspective socialiste – la lutte politique pour un gouvernement ouvrier qui utiliserait les ressources de la société afin de satisfaire les besoins sociaux de la majorité, et non la course aux profits d’une poignée de super-riches.

De plus en plus, la classe ouvrière entre en confrontation avec les appareils syndicaux, qui depuis des décennies bloquent toute mobilisation indépendante contre le capitalisme, sabotent les luttes ouvrières et imposent les concessions exigées par la classe dirigeante. Le mouvement des «gilets jaunes» en France, la grève des travailleurs des maquiladoras à Matamoros au Mexique ou la lutte des travailleurs de l’automobile organisée par le Parti de l’égalité socialiste (PES) aux États-Unis et au Canada contre les fermetures d’usines de General Motors sont les premières expressions de cette hostilité envers la police industrielle pro-capitaliste que constitue la bureaucratie syndicale.

S'ils veulent l'emporter sur la volonté d'ABI d'imposer des concessions et des suppressions d'emplois, les travailleurs doivent arracher la direction de leur lutte des mains du syndicat corporatiste des Métallos et de la FTQ. Ils doivent établir un comité d'action de la base indépendant de l'appareil syndical et lutter pour mobiliser la force de la classe ouvrière contre Alcoa et Rio Tinto. Un tel comité devrait chercher l'appui des travailleurs de l'industrie et du secteur public du Québec, du reste du Canada, des États-Unis et d'ailleurs, dans le cadre d'une offensive internationale de la classe ouvrière contre les concessions, l'austérité capitaliste et les lois anti-ouvrières.

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