La droite du Parti travailliste et les conservateurs unis dans un nouveau groupe parlementaire

Le caractère politique de la scission effectuée lundi par sept députés travaillistes blairistes de droite pour former le Groupe indépendant (IG) au Parlement, a été confirmé mercredi par l’intégration dans le nouveau groupe de trois députés conservateurs, Anna Soubry, Heidi Allen et Sarah Wollaston.

Mardi, une autre blairiste, Joan Ryan, a rejoint l’IG. Militante de droite de pur jus, Ryan a perdu un vote de censure demandé par les membres travaillistes de sa circonscription en septembre dernier, devenant ainsi l’une des quatre députés de l’IG qui ont dû fait face à une procédure de destitution en tant que futurs candidats parlementaires par leurs sections respectives du Parti travailliste. Jusqu’à sa démission du Parti travailliste, elle a présidé le Labour Friends of Israel, un groupe sioniste lié au gouvernement israélien, qui a été à l’avant-garde de la campagne visant à renverser le chef du Parti travailliste Jeremy Corbyn en se servant de fausses affirmations selon lesquelles lui et ses partisans seraient antisémites.

Les trois conservateurs ont tous soutenu l’austérité brutale imposée à des millions de travailleurs au cours des dix dernières années par les gouvernements dirigés par les conservateurs. Allen a versé des larmes de crocodile alors qu’elle soutenait que de telles politiques devaient maintenant prendre fin, mais Soubry était impénitent. Elle a estimé que les politiques de la coalition conservatrice et libérale démocrate de 2010-2015 étaient «merveilleuses».

La nouvelle formation de droite, pro-Union européenne (UE) a reçu une proposition de soutien du chef du Parti libéral démocrate, Sir Vince Cable, qui a appelé à «une forme de collaboration parlementaire» et à un «dialogue» à travers le Royaume-Uni. «[Nous devrions] préciser très clairement que nous ne considérons pas ces personnes comme des ennemis ou une menace, mais bien des personnes avec lesquelles nous voulons travailler», a-t-il déclaré.

La formation de l’IG confirme qu’il n’y a pas de différends politiques de principe entre les conservateurs et la droite blairiste – y compris les dizaines de députés qui restent dans le Parti travailliste grâce au refus de Corbyn de les mettre dehors.

Un autre homme de droite, Ian Austin, a démissionné du Parti travailliste vendredi. Austin a déclaré qu’il était d’accord avec le départ des huit députés blairistes car «les choses doivent changer», bien qu’il soit favorable au Brexit et a récemment défié le vote du Parti travailliste pour soutenir le projet d’accord de retrait de l’UE du Premier ministre Theresa May. Pour cela, il n’a subi aucune conséquence de la direction de Corbyn.

Austin est un belliciste et un provocateur renommé. Son précédent moment le plus dépravé est survenu en juillet 2016, lorsqu’il a été réprimandé par le président de la Chambre pour avoir crié à Corbyn: «Assieds-toi et ferme-la» et «T’es une honte» lorsque que le chef de son parti eut critiqué l’invasion de l’Irak en 2003. Cela faisait suite à la publication du rapport de la Commission d’enquête Chilcot qui avait constaté que les «renseignements» sur les armes de destruction massive étaient exagérés, que le processus de détermination du fondement juridique de la guerre présentait des défauts et que l’invasion était inutile.

Les traîtres blairistes ont chacun cité leur opposition à Corbyn pour avoir facilité la politique du Brexit de Theresa May de l’emporter, mais ils ont couronné cela par des dénonciations d’antisémitisme et d’extrémisme de gauche.

Austin a affirmé en partant que «Je suis consterné par l’indignation et le désarroi que Jeremy Corbyn et le Parti travailliste ont occasionné au peuple juif. Corbyn ne devrait jamais être Premier ministre», a-t-il déclaré, ajoutant que: «Il est terrible qu’une culture de l’extrémisme, de l’antisémitisme et de l’intolérance poussent dehors de bons députés et d’honnêtes gens qui ont consacré leur vie à la politique traditionnelle.»

Une fois de plus, la réponse de Corbyn est d’apaiser la droite, tandis que le chancelier travailliste fantôme John McDonnell l’a surpassé par son avilissement politique.

Au lendemain des démissions, les premiers concernés par des sanctions disciplinaires du parti n’étaient pas les blairistes qui applaudissaient leurs collègues partants, mais l’ancien chef adjoint du conseil municipal de Liverpool dans les années 1980 et ancien personnalité principale du courant Militant de la pseudo-gauche, Derek Hatton.

Hatton avait tenté à plusieurs reprises de réintégrer le Parti travailliste depuis que Corbyn est devenu son chef. Lundi, son adhésion a été acceptée 34 ans après son expulsion par Neil Kinnock en 1986, aux côtés d’autres dirigeants de Militant.

En 48 heures, la brève réhabilitation de Hatton a pris fin lorsqu’il a été mis à pied, à cause d’un tweet de 2012 où il avait écrit: «Les Juifs qui ont un sens de l’humanité doivent commencer à dénoncer publiquement le meurtre impitoyable perpétré par Israël!»

Hatton réagissait à l’opération Pillar of Defense, lors de laquelle 174 Palestiniens ont été tués et des centaines d’autres blessés par l’armée israélienne.

Hatton a longtemps été une source de gêne pour ses anciens camarades de Militant, devenu le Socialist Party, grâce à sa carrière ultérieure de spéculateur immobilier et à d’autres tentatives d’enrichissement rapide. Mais cela ne les a pas empêchés de demander leur propre réintégration au Parti travailliste, sur la base de l’affirmation selon laquelle Corbyn mène une lutte pour restaurer le socialisme.

Dans un communiqué publié cette semaine: «Huit blairistes s’en vont – Mettez les autres dehors», le Socialist Party (SP) a déclaré que « La direction du parti travailliste doit maintenant passer à l’offensive. En plus de mobiliser de toute urgence les syndicats et les travailleurs pour qu’ils se battent pour des élections générales et pour chasser les conservateurs, elle doit également se mobiliser pour s’occuper des saboteurs blairistes, dont la plupart continuent de porter les couleurs du Parti travailliste.»

Ils ont poursuivi sans retenir leur souffle: «Le Socialist Party appelle à la convocation d’une conférence du mouvement syndical, à laquelle pourraient participer toutes les forces anti-austérité, y compris les syndicats et les groupes socialistes comme le nôtre.»

Le SP a proposé que ces «forces anti-austérité» discutent «de la construction d’une action de masse en vue d’obtenir des élections générales, de la destitution des députés blairistes et de leur remplacement par des candidats socialistes en lutte, et de la lutte pour transformer la société selon des principes socialistes.»

Constatant que Hatton avait été réintégré au parti, le SP a également plaidé pour se racheter une conduite politique. Dans un communiqué de presse publié mercredi, le SP a déclaré: «La réintégration de Derek Hatton, dirigeant adjoint du conseil municipal de Liverpool de 1983 à 1986, au sein du Parti travailliste pose la question récurrente sous la direction de Jeremy Corbyn d’ouvrir le parti aux militants socialistes et la nécessité de le transformer en un parti 100% anti-austérité.»

Il a exhorté les travaillistes à réintégrer Peter Taaffe, dirigeant du SP, le secrétaire général adjoint du Syndicat des services publics et commerciaux, Chris Baugh, et un autre ancien conseiller travailliste de Liverpool, Tony Mulhearn. Avant même que l’encre du communiqué de presse se sèche, Hatton avait de nouveau été éjecté du parti dans une chasse aux sorcières de droite.

Le SP et des groupes pseudo-gauches similaires, tels que le Socialist Workers Party, font sciemment de la politique-fiction. Corbyn n’a pas expulsé et n’expulsera pas les blairistes. Il préférerait les voir partir en claquant la porte et les laisser organiser de nouveaux partis que de lever le petit doigt contre eux. En ce qui concerne Corbyn et McDonnell, il n’y a rien d’autre que la capitulation à l’ordre du jour.

McDonnell a réagi mardi aux démissions en déclarant que Corbyn et lui avaient compris le message et qu’ils allaient se lancer dans un «exercice d’écoute gigantesque, massif et… résoudront certaines de ces critiques qui ont été formulées [par les blairistes]». Lui et Corbyn étaient prêts à abandonner toute position. «S’il y a des problèmes que nous devons résoudre, nous les réglerons […] S’il s’agit du style du leadership, nous y regarderons de près. S’il s’agit des politiques, nous en écouterons les critiques également.»

S’exprimant vendredi au journal Evening Standard, McDonnell a promis que tout membre se comportant d’une manière «interprétée comme antisémite […] sera discipliné. Point barre! ces gens-là ne sont pas les bienvenus.»

Étant donné que toute expression d’antisionisme a maintenant été redéfinie comme de l’antisémitisme, il s’agit d’un engagement à mettre en œuvre une chasse aux sorcières accélérée contre les propres partisans de Corbyn. «Nous devons être plus rapides et plus féroces. Je pense qu’il y a eu beaucoup d’écoute mais pas assez d’action. C’est cela le problème», a-t-il ajouté.

Une telle prosternation est toujours l’invitation à la droite de faire monter les enjeux.

Vendredi, Lord Levy, ancien envoyé spécial de Tony Blair au Moyen-Orient, a déclaré à la BBC qu’il ne quitterait pas le parti, car il avait été invité par le leader du Parti travailliste à la Chambre des Lords, Angela Smith, et le chef adjoint du parti Tom Watson, à rester membre du parti et ainsi déstabiliser Corbyn. Levy a déclaré que les députés travaillistes de droite devraient «se battre de l’intérieur» et «s’occuper de cette direction».

Voir aussi :

Seven Blairite MP's resign from UK Labour Party (article en anglais)

(Article paru en anglais le 23 février 2019)

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