Le Nouveau parti anticapitaliste français sabote la lutte contre la fermeture de l'usine de Ford Blanquefort

Lundi, la Ford Motor Company a confirmé son intention de fermer sa dernière usine d'assemblage en France, rejetant l'offre finale du constructeur belge Punch Powerglide d'acheter l'usine de Blanquefort, au nord de Bordeaux. L'usine emploie plus de 800 travailleurs et des milliers d'autres emplois en dépendent dans toute la région.

Cette décision s'inscrit dans le cadre d'une restructuration internationale annoncée le mois dernier par Ford, qui entraîne la destruction de jusqu'à 25.000 emplois dans toute l'Europe et qui permettra d'injecter des milliards de dollars supplémentaires dans les poches de ses actionnaires et investisseurs. D'importantes suppressions d'emplois sont attendues à l'usine d'assemblage de Saarlouis en Allemagne et à l'usine d'assemblage de Bridgend dans le sud du Pays de Galles, et des sites sont menacés de fermeture à Veszolozhsk (2.700 travailleurs) et Naberezhyne Chelny (1.000 travailleurs) en Russie.

Le constructeur automobile américain répond à une lutte de plus en plus âpre entre les sociétés transnationales automobiles pour les profits et les marchés, sous l'impact de la crise économique, de la baisse des ventes mondiales et d'un passage à la production de véhicules à moteur électrique. En décembre, General Motors a annoncé son intention de fermer cinq usines en Amérique du Nord, détruisant 15.000 emplois et deux autres à l'étranger.

Dans chaque pays où ces attaques ont lieu, les constructeurs automobiles comptent sur les syndicats pour réprimer l'opposition des travailleurs et les empêcher d'organiser une lutte commune contre la destruction de leurs moyens de subsistance.

En France, ce rôle joué par les syndicats est soutenu par Philippe Poutou, dirigeant du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), employé de Ford à Blanquefort et délégué local de la CGT (Confédération générale du travail) stalinienne. Poutou a été le candidat de la NPA aux élections présidentielles de 2012 et 2017. Il se spécialise dans la publication de déclarations démagogiques radicales et se fait régulièrement remarquer lors de manifestations syndicales pour fournir une couverture «de gauche» alors qu'elles préparent des trahisons pourries.

Depuis que Ford a annoncé la fermeture l'an dernier, Poutou a reçu une couverture médiatique importante pour dénoncer la cupidité de l'entreprise. La classe dirigeante française sait qu'elle n'a rien à craindre de Poutou et du NPA, et que les syndicats, discrédités par des décennies de trahisons, ont grand besoin d'une telle façade gauche.

Dans les faits, cependant, Poutou a agi comme tous les autres bureaucrates syndicaux lorsqu'une fermeture est annoncée. Ses déclarations excluent absolument la possibilité que les travailleurs puissent organiser une lutte contre la fermeture, y compris des grèves et des occupations, et faire appel à leurs alliés parmi les travailleurs de Ford et d'autres travailleurs de l'automobile en Europe, qui font face exactement à la même attaque, pour une contre-offensive commune.

Poutou a insisté pour que les travailleurs fasse plutôt confiance à des accords sordides conclus en coulisses entre lui-même, les autres fédérations syndicales, Ford et le gouvernement Macron, axés sur la négociation des conditions de rachat de l'usine par Punch Powerglide ou un autre concurrent.

Ces négociations, qui acceptent le «droit» de Ford de fermer l'usine et de détruire les moyens de subsistance de milliers de travailleurs, sont présentées comme une lutte pour sauver des emplois. En réalité, il s'agit de discussions au cours desquelles toutes les parties appuient les entreprises contre les travailleurs et se concentrent sur la façon d'attaquer les conditions de travail des travailleurs sans provoquer de rébellion.

En décembre, les syndicats et le gouvernement Macron ont négocié d'importantes réductions de conditions dans le cadre de n'importe quelle proposition de rachat par Punch, disant que c'était nécessaire pour sauver des emplois. Le ministre de l'économie et des finances de Macron, Bruno Le Maire, s'est vanté que celles-ci comprenaient «des conditions de travail plus difficiles, la suppression de la RTT [limite de 35 heures de travail par semaine], des heures de travail plus longues et le gel des salaires sur un certain nombre d'années».

Le fait que les travailleurs sentaient qu’ils n'avaient pas d'autre choix que d'accepter ces changements est un vote accablant de méfiance envers les syndicats et le NPA, dont les travailleurs savaient qu'ils n'organiseraient aucune lutte. Poutou a défendu les coupes au motif que c'était le seul choix possible.

Le NPA n'a fonctionné qu'en tant qu'instrument de propagande pour le gouvernement Macron. Alors qu'il discute continuellement en coulisse avec des dirigeants d'entreprises et des ministres du gouvernement, M. Poutou promeut l'illusion que ce gouvernement viscéralement anti-ouvrier, dirigé par un ancien banquier de 41 ans, connu comme le «président des riches», est de leur côté.

Dans une déclaration du 9 janvier sur le site web de la CGT Ford, Poutou a rendu compte des résultats des récentes discussions: «l’Etat a réaffirmé sa volonté et même sa détermination à sauver l’usine.» Cette déclaration a été publiée le jour même où la police de Macron a agressé des travailleurs et des jeunes qui participaient à des manifestations de gilets jaunes contre les inégalités sociales et arrachait les yeux des manifestants avec des balles en caoutchouc.

La principale revendication du NPA a été que Macron intervienne pour empêcher temporairement Ford de fermer l'usine, en retardant la ratification formelle d'un document financier requis afin de donner plus de temps pour trouver un racheteur. Poutou a aussi appelé à ce que le gouvernement nationalise l'usine temporairement.

Dans la situation où ces appels ont été rejetés, le NPA tente de démoraliser les travailleurs en déclarant que l'usine va fermer et que rien ne peut être fait pour l'empêcher. Dans un entretien publié dans Marianne mercredi, suite à la dernière décision de Ford, Poutou a déclaré: «Ford va obtenir ce qu'il voulait obtenir: la fermeture de l'usine. Malgré tout, on maintient notre bataille

Maintenant, a-t-il dit, «nous espérons simplement qu'il y ait un véritable travail qui débouche sur un projet pour sauver l'emploi des salariés et éviter de trop grandes pertes pour le territoire», et que d'autres entreprises vont découper le site de l'usine. «Un projet industriel doit être mis en place en mettant les entreprises du secteur en connexion pour prendre possession des 12 hectares du site de Blanquefort», a-t-il déclaré.

Poutou a ajouté que «le gouvernement promet des possibilités d'embauche, de reclassement dans telle ou telle entreprise. En sortant d'une grosse boîte, et en prenant en compte notre exposition, il est effectivement possible que nous recevions des propositions. Mais il n'y a pour l'instant rien de concret sur la table.»

Les déclarations de Poutou suivent directement celles du gouvernement Macron. Le Maire a annoncé mardi que «Nous avons créé un groupe entre les élus locaux, l’État, les représentants syndicaux pour travailler à l'avenir du site.»

Au cours des 30 dernières années, des centaines de milliers de travailleurs ont entendu les mêmes promesses creuses dans la période qui a précédé les fermetures d'usines. Invariablement elles ne représentent rien, tandis que les communautés ouvrières qui dépendent des usines pour assurer la subsistance non seulement de la génération actuelle, mais aussi de leurs enfants, sont déchirées et poussées à la misère.

Le rôle de Poutou à Blanquefort est le produit du programme et de la classe sur lesquels le NPA lui-même est fondé. Tout en utilisant occasionnellement une rhétorique de gauche, c'est une faction de la bureaucratie syndicale et de l'establishment politique, particulièrement orientée vers le Parti socialiste des grandes entreprises. Elle articule les intérêts sociaux d'une couche privilégiée de la classe moyenne hostile à toute lutte de la classe ouvrière.

Le Parti de l'égalité socialiste avance une perspective fondamentalement opposée pour les travailleurs de Ford afin de lutter contre la fermeture de l'usine. Dans une déclaration publiée avec nos partis frères au Comité international de la Quatrième Internationale en Grande-Bretagne et en Allemagne le 15 janvier, nous avons déclaré:

«La voie à suivre pour les travailleurs consiste à s’affranchir de l’emprise organisationnelle des syndicats et à mener une lutte internationale indépendante. Les travailleurs ont besoin de nouvelles organisations (comités de base sur le lieu de travail, contrôlés démocratiquement par les travailleurs) pour unir et mobiliser les travailleurs au niveau international afin de défendre le droit social à un emploi.

«Un tel combat de la part des travailleurs de l’automobile gagnerait un soutien immense de la part de la classe ouvrière face à l’opposition croissante des travailleurs à l’inégalité sociale, au militarisme et à l’austérité, ainsi qu’aux politiques libérales des gouvernements capitalistes au niveau international […]

«Les Partis de l’égalité socialiste et le World Socialist Web Site apporteront toute l’aide nécessaire aux travailleurs désireux d’organiser un combat contre les licenciements dans l’automobile et d’établir des liens avec leurs homologues du monde entier. Nous invitons vivement les travailleurs à nous contacter dès aujourd’hui.

«La réponse est la prise du pouvoir par la classe ouvrière dans le cadre de la lutte pour les États socialistes unis d’Europe et la réorganisation de la vie économique par la classe ouvrière pour répondre aux besoins sociaux et non aux profits privés. Cela comprendra la transformation des géants de l’industrie automobile en propriété publique sous le contrôle démocratique des travailleurs. Les sections européennes du Comité international de la IVᵉ Internationale interviennent dans les élections européennes afin de se battre pour cette perspective.

«La voie à suivre pour les travailleurs consiste à s’affranchir de l’emprise organisationnelle des syndicats et à mener une lutte internationale indépendante. Les travailleurs ont besoin de nouvelles organisations (comités de base sur le lieu de travail, contrôlés démocratiquement par les travailleurs) pour unifier et mobiliser les travailleurs au niveau international afin de défendre le droit social à un emploi.

«Un tel combat de la part des travailleurs de l’automobile gagnerait un soutien immense de la part de la classe ouvrière face à l’opposition croissante des travailleurs à l’inégalité sociale, au militarisme et à l’austérité, ainsi qu’aux politiques libérales des gouvernements capitalistes au niveau international [...]

« La tâche cruciale à laquelle font face les travailleurs est de développer une lutte politique indépendante, opposée à tous les partis et organisations défendant le capitalisme. Les classes dirigeantes de tous les pays offrent aujourd’hui aux populations un avenir d’austérité, de guerres commerciales et de conflits militaires entre «grandes puissances», d’inégalités sociales croissantes, ainsi qu’un tournant vers la répression d’États policiers et la dictature visant à supprimer l’opposition populaire.

«La réponse est la prise du pouvoir par la classe ouvrière dans le cadre de la lutte pour les États socialistes unis d’Europe et la réorganisation de la vie économique par la classe ouvrière pour répondre aux besoins sociaux et non aux profits privés. Cela comprendra la transformation des géants de l’industrie automobile en propriété publique sous le contrôle démocratique des travailleurs. Les sections européennes du Comité international de la IVᵉ Internationale interviennent dans les élections européennes afin de se battre pour cette perspective.

Lire aussi : Contre la fermeture de Ford Blanquefort, il faut des comités d'action de la base indépendants des syndicats

(Article paru en anglais le 2 mars 2019)

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