Perspectives

Trump, Bolsonaro et le danger du fascisme

La visite de trois jours du président brésilien à Washington a réuni deux des personnalités les plus droitières du monde. Jair Bolsonaro est ancien officier militaire et fervent admirateur de la dictature militaire ensanglantée qui a régné sur le Brésil de 1964 à 1985 et Donald Trump est devenu le pôle d'attraction des autoritaires et des fascistes du monde entier, dont celui qui a abattu cinquante musulmans dans deux mosquées de Nouvelle-Zélande la semaine passée.

Durant leur conférence de presse conjointe à la Maison-Blanche mardi après-midi, Trump a répété ce qu’il avait dit en Floride devant un auditoire d'exilés cubains et vénézuéliens de droite, « L’heure est arrivée du crépuscule du socialisme dans notre hémisphère ». Il a souligné, comme il l'avait fait dans son discours sur l'état de l'Union, qu'il s'agissait aussi de mettre fin à la menace du socialisme aux États-Unis mêmes.

Trump et Bolsonaro ont tous deux fait de l'élimination du socialisme – le noyau politique des mouvements fascistes – l'objectif central de leur gouvernement. Ils ont vitupéré contre le socialisme à une conférence de presse tenue quelques jours seulement après le massacre perpétré par Brenton Tarrant en Nouvelle-Zélande. Tarrant a affiché un manifeste saluant Trump comme le « symbole d'une identité blanche retrouvée » et déclarant son désir de mettre sa botte sur le cou de tous les « marxistes ».

L'étreinte mutuelle de Trump et Bolsonaro à la Maison-Blanche est symbolique de l'élévation des partis d'extrême droite et de l'encouragement de forces fascisantes par les gouvernements capitalistes et les partis bourgeois officiels partout dans le monde. Elle souligne le fait que la croissance du fascisme en Europe, en Asie, en Amérique latine et aux Etats-Unis n'est pas le résultat d'une vague de soutien massif venu d’en bas, mais bien plutôt du parrainage et de l'encouragement par des gouvernements soi-disant « démocratiques » qui sont, en fait, contrôlés de haut en bas par les oligarques de la grande entreprise.

Cette promotion de la politique d'extrême droite dans le monde entier était incarnée par la présence de l'idéologue de droite Steve Bannon, ex-vice-président de Goldman Sachs et officier de marine, en tant qu'invité d'honneur à un dîner avec Jair Bolsonaro lundi soir. Bannon entretient des liens étroits avec le fils de Bolsonaro, Eduardo, membre du Parlement brésilien et représentant latino-américain du consortium politique créé par Bannon, connu sous le nom de « Mouvement » et dont l'objectif est de promouvoir les partis politiques d'extrême droite dans le monde.

« Certains membres à la droite de l'équipe de Bolsonaro se considèrent comme des disciples du mouvement de Bannon et les représentants de Bannon pour le Brésil et l'Amérique latine », a déclaré à McClatchy un ancien responsable de l'administration Trump.

A la conférence de presse, Jair Bolsonaro et Trump se sont tous deux engagés à soutenir une litanie fasciste de « dieu, famille et nation », comme l'a exprimé Trump. « Le Brésil et les États-Unis se tiennent côte à côte dans leurs efforts pour partager les libertés et le respect des modes de vie traditionnels et familiaux, le respect de Dieu, notre créateur, contre l'idéologie du genre des attitudes politiquement correctes, et les fausses nouvelles, » a déclaré Bolsonaro:

Les deux présidents ont menacé de recourir à la force militaire contre le Venezuela, diabolisant le président Nicolas Maduro en tant que dictateur socialiste. (Il dirige un régime capitaliste, mais sa politique étrangère penche vers la Chine et la Russie, pas vers l'impérialisme américain).

Trump a réitéré le mantra selon lequel « toutes les options sont sur la table » contre le Venezuela. On a demandé à Bolsonaro s'il autoriserait les soldats américains à utiliser le sol brésilien comme base pour des opérations militaires contre le Venezuela. Plutôt que de rejeter cette perspective comme une violation de la souveraineté brésilienne et vénézuélienne, il a refusé de répondre, invoquant la nécessité de maintenir le secret opérationnel et l'élément de surprise.

L'un des accords bilatéraux signés par Trump et Bolsonaro permettrait aux États-Unis d'utiliser la base brésilienne de lancement d'Alcantara Aerospace pour leurs satellites. Le Brésil a également annoncé la fin de l'obligation de visa pour les visiteurs américains. Ces deux actions ouvrent la voie à l'intégration du Brésil aux opérations du Pentagone, en particulier la guerre des drones et le déploiement de forces d'opérations spéciales.

Avant de se rendre à la Maison-Blanche, Bolsonaro a effectué une visite inopinée au siège de la CIA à Langley, en Virginie, une démarche extraordinaire pour le président d'un pays qui a été soumis pendant 21 ans à la torture et au meurtre sans retenue par une dictature militaire installée dans un coup d'État soutenu par la CIA.

La glorification de la dictature militaire brésilienne par Bolsonaro montre les terribles implications pour la classe ouvrière de la montée de l'extrême droite dans le monde. Trump a salué les « valeurs communes » entre son gouvernement et celui d'un ancien officier militaire qui loue un régime qui a emprisonné, torturé et assassiné des dizaines de milliers de travailleurs et d'étudiants. Il y a vingt ans, Bolsonaro a dit à un journaliste que le Congrès brésilien devait être fermé et que le pays ne pouvait être changé que par une guerre civile qui compléterait « le travail que le régime militaire n'a pas fait en tuant 30 000 personnes »

Les classes dirigeantes capitalistes se tournent à nouveau vers la dictature et le fascisme en réponse à l'intensification de la crise économique mondiale, à la désintégration de l'ordre international d'après-guerre et à la croissance des guerres commerciales et des conflits géostratégiques et, surtout, à la résurgence de la lutte des classes au niveau mondial. Pétrifiés par la perspective d'une opposition de masse de la classe ouvrière et la montée d'un sentiment anticapitaliste et socialiste, ils réactivent toute la saleté idéologique et politique du XXe siècle comme le racisme, l'antisémitisme et la politique du « sang et du sol ». Ils recrutent activement des fascistes et des racistes et les intègrent dans les agences militaires et policières de l’État, pour être lancés contre une classe ouvrière insurgée.

Ces développements montrent que l’alternative n’est pas socialisme ou réformisme, mais bien socialisme ou barbarie, la descente dans le fascisme et la guerre mondiale.

Il serait politiquement criminel de sous-estimer le danger que représente pour la classe ouvrière la croissance des mouvements d'extrême droite et fascistes et l'élévation des partis et des politiciens d'extrême droite au gouvernement – comme c'est déjà le cas en Allemagne, en Italie, en Hongrie, en Pologne, en Autriche, au Brésil et dans d’autres pays. Pour vaincre ce danger, il faut avant tout tirer les leçons de l'histoire.

Toute l'histoire du XXe siècle montre que le fascisme et la guerre ne peuvent être empêchés par des appels à la classe dirigeante ou à une politique de type « front populaire », qui subordonne la classe ouvrière à de prétendues sections « progressistes » de la bourgeoisie. La seule façon d'arrêter le fascisme et de prévenir la guerre impérialiste est de mobiliser la classe ouvrière à l'échelle internationale pour renverser le capitalisme.

(Article paru en anglais le 20 mars 2019)

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