Le gouvernement de l’Ontario s’attaque à l’éducation publique

Le gouvernement progressiste-conservateur populiste de Doug Ford a dévoilé un plan qui, au nom d’une «réforme» de l'éducation, entraînera des coupes brutales dans le système d'éducation publique de l'Ontario.

Cette attaque, qui fait partie d’un assaut plus général contre les services publics et sociaux afin de financer d’importants transferts de fonds à l’élite des affaires, entraînera une augmentation de plus de 25% de la taille des classes dans les écoles secondaires ontariennes, et d’un peu moins dans les écoles primaires.

La ministre de l'Éducation, Lisa Thompson, a annoncé jeudi dernier que la moyenne d'effectifs des classes du secondaire serait augmentée au cours des quatre prochaines années de l'équivalent de six élèves, passant de 22,1 à 28,1. Pour les élèves de la 4e à la 8e année, la moyenne d’effectifs par classe sera élevée à 24,5 élèves. En outre, le gouvernement a l'intention de réviser le programme d'éducation sexuelle de la province, qui a fait l'objet de dénonciations féroces de la part de la droite religieuse et de ses alliés d'extrême droite, et de changer la façon dont on enseigne les mathématiques pour se concentrer davantage sur l'apprentissage par cœur.

Thompson a fait la déclaration absurde selon laquelle pas un seul enseignant ne va perdre son emploi à la suite des changements apportés par son gouvernement. En réalité, le caractère réel de la réforme avait été souligné deux semaines avant son annonce, lorsque la vice-ministre de l'Éducation, Nancy Naylor, avait adressé une lettre aux responsables des commissions scolaires pour les exhorter à imposer un gel immédiat de l'embauche. «Il est conseillé aux commissions scolaires de reporter les processus annuels de recrutement des postes vacants pour les retraites et autres congés liés aux enseignants et autres personnels jusqu'à ce que le ministre de l'Éducation fournisse une mise à jour du secteur le ou avant le 15 mars», a écrit Naylor selon un reportage de la CBC du 1er mars.

En d'autres termes, le gouvernement réduira brusquement les coûts en procédant par «attrition naturelle», c'est-à-dire en refusant de pourvoir aux postes vacants à la suite de départs à la retraite d'enseignants ou d'autres départs de la profession. Cela obligera les enseignants à accepter des charges de travail plus importantes. Il va sans dire que la qualité de l’enseignement en souffrira, en particulier pour les élèves qui ont besoin de l’aide supplémentaire de l’enseignant en raison de difficultés d’apprentissage ou de conditions économiques ou familiales défavorables.

Selon la Fédération des enseignantes et des enseignants des écoles secondaires de l’Ontario (FEESO), l’augmentation de la taille moyenne des classes entraînera la suppression de 3.630 postes d’enseignant de première ligne dans les écoles qu’elle représente. Le président de la FEESO, Harvey Bischof, a également averti que la nouvelle politique pourrait donner lieu à des classes allant jusqu'à 40 élèves dans des matières de base, comme les mathématiques, tout en rendant plus difficile pour les écoles d'offrir des matières spécialisées nécessitant des classes moins nombreuses.

L'Ontario English Catholic Teachers’ Association prévoyait que 5.000 postes supplémentaires seraient perdus dans le système «d'écoles séparées» soutenu par le gouvernement, ce qui porterait à près de 10.000 le nombre total de suppressions de postes d'enseignants dans la province.

Selon Bischof, l'annonce de Thompson s'apparentait à un «coup de massue» dans les écoles de l'Ontario. Dans sa réponse officielle, la FEESO a déclaré que «le gouvernement a déclaré la guerre au système d'éducation publique de l'Ontario».

Cependant, les syndicats n'ont aucune intention de se battre pour mobiliser la force industrielle et politique indépendante de la classe ouvrière pour défendre l'éducation publique et s'opposer au programme d'austérité de la grande entreprise et de l'establishment politique.

Bischof a déclaré que la FEESO «ne va absolument pas être dans une position où nous allons abandonner les plafonds d'effectifs de classe que nous avons obtenus au cours d’années de négociations», une référence au fait que les plafonds actuels sont inscrits dans les conventions collectives des enseignants en Ontario, qui doivent être renégociées à l’automne.

Mais, comme le savent les enseignants par amère expérience, de telles assurances ne valent rien et sont en réalité une supercherie destinée à empêcher les enseignants d'organiser une véritable résistance.

Chaque fois que des enseignants ont cherché à lutter contre l'austérité du gouvernement, notamment lors des mobilisations de masse du milieu des années 90 contre la «révolution du bon sens» des conservateurs de Harris, les syndicats sont intervenus pour étouffer leur opposition et réprimer la lutte des classes.

En 2012-2013, par exemple, les syndicats de l'éducation, qui ont dépensé des millions de dollars lors d'élections successives pour soutenir l'élection des gouvernements libéraux, ont torpillé la lutte contre le régime de coupes salariales du gouvernement McGuinty dans le secteur public. Deux des syndicats d'enseignants ont signé des contrats conformes aux exigences du gouvernement. La FEESO et la Fédération des enseignantes et des enseignants de l'élémentaire de l'Ontario ont immédiatement capitulé lorsque le gouvernement a réagi à la menace de grèves limitées en criminalisant les grèves des enseignants. Au milieu de tout cela, les syndicats d’enseignants ont convenu avec les libéraux, dans les coulisses, d’affaiblir les droits à la retraite des enseignants, dans un accord sur lequel on empêcha les membres de la base de voter.

À l'automne 2015, les syndicats d'enseignants ont à nouveau été complices de la négociation de contrats de concession ne prévoyant pas de réelles augmentations de salaire pour les enseignants.

Les féroces attaques imposées par les libéraux, qui ont dévasté les services publics dans toute la province, et le soutien apporté par les syndicats à ce programme de droite, ont ouvert la voie à l'arrivée de Ford et de ses conservateurs au pouvoir en juin dernier. Depuis son entrée en fonction, Ford a lancé une attaque frontale contre la classe ouvrière, sabrant dans l'aide sociale et dans le Régime d'aide financière aux étudiants de l'Ontario (RAFEO), annulant une modeste augmentation du salaire minimum, portant atteinte aux normes du travail et jetant les bases de dizaines de milliards de coupes dans l'éducation, les soins de santé et dans les infrastructures publiques et sociales.

Aucun syndicat, qu'il s'agisse des syndicats d'enseignants, d'Unifor ou de la Fédération du travail de l'Ontario (FTO), n'a même organisé une manifestation de masse contre cet assaut, et a encore moins cherché à galvaniser l'opposition de la classe ouvrière. En effet, les bureaucrates privilégiés et bien nantis qui dirigent les appareils syndicaux sont terrifiés par le fait que même la plus petite manifestation de résistance puisse déclencher une montée en force de la classe ouvrière qui pourrait rapidement échapper au contrôle politique et organisationnel des syndicats.

La FTO, comme le montre le compte à rebours des élections provinciales bien en évidence sur la première page de son site Web, demande aux travailleurs d'attendre trois ans de plus jusqu'en juin 2022 pour avoir la possibilité d'élire un gouvernement «progressiste», c'est-à-dire un gouvernement de coalition libéral-néo-démocrate ou gouvernement majoritaire dirigé par l’un des deux.

Ceci montre la détermination des syndicats à empêcher l'éruption d'un défi de masse de la classe ouvrière au gouvernement Ford et à son programme d'austérité. Cela fait également partie de leurs efforts pour détourner l’opposition croissante aux conservateurs derrière le NPD, qui est maintenant l’opposition officielle à Queen's Park. C'est le même NPD qui a soutenu un gouvernement libéral minoritaire pendant plus de deux ans jusqu’en mai 2014, lui permettant d'imposer ses coupes au secteur public et deux budgets d'austérité.

Partout au pays où le NPD a été au pouvoir, il a réduit les dépenses publiques, brisé des grèves, imposé des contrats lourds de concessions aux travailleurs du secteur public et maintenu les politiques de réduction des impôts et d'équilibre budgétaire répondant aux besoins de l’élite financière.

Pour s'opposer à l'austérité, combattre les attaques de Ford et défendre l'éducation publique, les enseignants doivent reconnaître qu'ils sont engagés dans une lutte politique qui exige la mobilisation politique indépendante de la classe ouvrière. Ils doivent tirer les leçons des luttes menées par les enseignants aux États-Unis et dans le monde, ainsi que par les travailleurs de l'automobile et d'autres couches de la classe ouvrière, qui se sont révoltés contre les bureaucrates syndicaux afin de faire valoir leurs intérêts de classe.

À cette fin, les enseignants devraient former des comités d'action de la base, indépendants et opposés aux syndicats, afin de mobiliser l'ensemble de la classe ouvrière contre les attaques du gouvernement de l'Ontario sur les services publics et les droits des travailleurs. Pour repousser le féroce programme de droite pro-patronal de Ford, les enseignants doivent unir leur lutte à celles des travailleurs de toute la province, du Canada et de l'étranger sur la base d'un programme socialiste qui met les besoins des travailleurs avant le profit capitaliste.

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