Poutine promulgue des lois russes de censure de l'Internet

Lundi, le président russe Vladimir Poutine a promulgué deux projets de loi qui intensifient considérablement la censure de l'Internet par le gouvernement et la répression contre la liberté d'expression. Le premier projet de loi prévoit la suppression et l'interdiction des sites et des blogs qui diffuseraient des «fausses nouvelles», ainsi que l'imposition d'amendes à leurs auteurs. Le second interdit le dénigrement présumé des symboles de l'État et du gouvernement, et l'incitation au «hooliganisme».

Les personnes accusées de diffuser des «informations peu fiables» sur des questions «socialement importantes» qui pourraient causer un préjudice aux individus ou des troubles sociaux peuvent se voir infliger une amende de 30.000 à 100.000 roubles (466 à 1553 dollars US) pour leur première violation de la loi – un montant qui dépasse ce qu'une partie importante de la population gagne dans un mois – et jusqu'à 400.000 roubles (6.211 dollars) pour des infractions répétées. Les personnes morales peuvent être facturées jusqu'à 1,5 million de roubles (23.292 dollars US).

Ce qui constitue une «information non fiable» n'est défini nulle part et sera décidé par le bureau du procureur général, qui supervisera l'application de la loi, ainsi que par l'agence publique Roskomnadzor (Surveillance des communications russe), la principale agence responsable de la surveillance et de la censure de l'Internet en Russie.

Les deux lois font partie d'une campagne internationale de la classe dirigeante pour réprimer l'Internet, qui est devenu la principale plate-forme de diffusion et de discussion de nouvelles et d'opinions qui vont à l'encontre des médias bourgeois officiels, ainsi que de l'organisation de manifestations et de grèves.

Le projet de loi avait été approuvé en première et deuxième lectures par le Parlement russe plus tôt cette année, au milieu d'une grève de quelque 12.000 routiers dans le sud de la Russie. La signature des projets de loi par Poutine est intervenue le jour même où le personnel médical de plusieurs hôpitaux de Novossibirsk a lancé une action de protestation contre leurs salaires de misère (environ 20.000 roubles par mois ou 314 dollars US avec heures supplémentaires) et les réductions en cours dans le secteur des soins de santé.

Si l'establishment politique américain et les médias capitalistes ont basé idéologiquement leur campagne de censure de l'Internet sur la lutte contre les prétendues «fausses nouvelles» en référence à «l'ingérence russe» dans les élections, le gouvernement russe et les médias d'État ont justifié la propre répression par Moscou de la libre expression sur l'Internet en citant la campagne internationale contre les «fausses nouvelles» ainsi que le conflit en Ukraine et la propagande manifeste des médias bourgeois occidentaux.

Face à l'escalade des tensions avec les puissances impérialistes américaines et européennes et à la montée des inégalités sociales, le gouvernement russe s'est efforcé ces dernières années de mettre en place ce qui constitue désormais un cadre global pour la surveillance de l'Internet et des utilisateurs individuels. Il a interdit l'utilisation de réseaux privés virtuels (VPN) qui masquent l'adresse IP Internet réelle des utilisateurs, leur permettant de surfer sur l'Internet sans être automatiquement identifiables; les wifis publics exigent une identification personnelle pour leur utilisation et le gouvernement a également obligé les entreprises exploitant des plateformes de médias sociaux à stocker leurs informations sur les utilisateurs sur des serveurs russes et à les rendre disponibles sur demande des services secrets. Entre-temps, une tentative en 2018 d'interdire la populaire application de messagerie Telegram, qui permet la communication cryptée, a largement échoué.

En plus de ces deux nouvelles lois sur la censure, le gouvernement russe se prépare activement à créer un Internet russe qui serait distinct du World Wide Web. En février, le Parlement russe a approuvé la première lecture d'un tel projet de loi. Le Kremlin a présenté la loi comme une réponse à la stratégie nationale américaine de cybersécurité qui a été adoptée en 2018, et Poutine a défendu la loi comme nécessaire pour garantir la «sécurité» des citoyens russes.

S'il ne fait aucun doute que les préparatifs de guerre ouverts des États-Unis et de l'OTAN contre la Russie sont une motivation majeure pour les efforts visant à créer un Internet russe séparé, la crainte de l'oligarchie russe que l'Internet puisse être utilisé par les travailleurs et les jeunes russes pour accéder aux informations et relier leurs luttes avec celles de la classe ouvrière dans le monde entier est au moins un facteur aussi important. La Russie est la grande économie la plus inégale du monde, les 1 % les plus riches possédant jusqu'à un tiers de la richesse nette du pays et les 50 % les plus pauvres de la population moins de 5%.

Les manifestations des gilets jaunes en France, ainsi que les grèves des travailleurs iraniens et, plus récemment, les manifestations et grèves de masse en Algérie ont été suivies de près en Russie, où plus de 90 % de la population s'est opposée au relèvement de cinq ans de l'âge de la retraite, qui a été adopté au pas de charge durant l'été et l'automne derniers.

La couverture médiatique américaine des nouvelles lois sur la censure en Russie, feignant l'indignation face à la répression du Kremlin, a été totalement hypocrite. Ainsi, le comité de rédaction du Washington Post les a dénoncées comme une «attaque autoritaire» contre «la valeur potentielle de l'Internet, et sa liberté même».

Le même Washington Post a été pleinement complice de la campagne de censure sur l'Internet aux États-Unis. Il a été l'un des partisans les plus véhéments d'une campagne contre les «fausses nouvelles» et, en novembre 2016, il a publié une «liste noire» de sites Web anti-guerre et de gauche, dont beaucoup, y compris le World Socialist Web Site, ont ensuite été rétrogradés par Google dans les résultats de recherche, et purgés par Facebook.

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