Alors que le président mexicain qualifie Mussolini de «grand leader».

Les entreprises et la police attaquent violemment les grèves qui continuent à Matamoros

La police anti-émeute a violemment percé les piquets de grève de trois usines en grève à Matamoros, au Mexique, dimanche, laissant quatre travailleurs blessés par des passages à tabac, dont deux ont dû être hospitalisés.

Ce sont les trois dernières usines maquiladora en grève dans la ville, suite à une vague de grèves sauvages déclenchées le 12 janvier au mépris des syndicats. Plus de 89 usines ont accepté les demandes d'une augmentation de 20 % et d'une prime de 32 000 pesos (1 670 dollars américains), popularisée sous le nom de «20/32».

Alors que les grèves dans ces usines ont été qualifiées d'«illégales» par les autorités locales, près de 600 travailleurs d'une usine d'embouteillage Coca-Cola de la ville - la deuxième plus grande d'Amérique latine - sont en grève sauvage depuis le 30 janvier pour les mêmes revendications.

Avant qu'une commission fédérale des relations de travail ne puisse statuer sur la légalité de la grève, Coca Cola a envoyé un groupe de voyous vendredi pour attaquer le piquet de grève et a même essayé d'entrer dans les installations occupées au moyen d'équipements lourds. Des bagarres ont éclaté et plusieurs travailleurs ont été blessés, mais l'assaut a été repoussé avec le soutien de dizaines de travailleurs des maquiladora voisines.

Selon la Confédération mexicaine des employeurs (Coparmex), des entreprises à travers la ville ont riposté contre les grèves, avec jusqu'à 6 500 licenciements à ce jour. Cherchant à récupérer ces concessions et à faire de Matamoros un exemple pour contenir la vague de grèves, les employeurs ont menacé de licencier 50 000 travailleurs. Les travailleurs les plus combatifs seraient placés sur des listes noires utilisées par les maquiladoras le long de la frontière.

INDEX, l'association des patrons des maquiladora a déclaré ce week-end que les grèves ont coûté aux entreprises jusqu'à 600 millions de dollars et que des «indemnités de licenciement» sont mises en réserve pour pouvoir licencier des milliers de personnes à la fois. L'escalade des mesures répressives contre les grèves qui se poursuivent marque une nouvelle étape dans la réponse de la classe dirigeante qui entraînera des représailles encore plus importantes et une violence de l’État contre toute résistance.

Les trois maquiladoras ont déclenché leur grève le 5 février dernier lorsque les travailleurs affiliés au Syndicat industriel des travailleurs des usines de Maquiladora et d'assemblage (SITPME), qui a rejeté leurs revendications et envoyé des voyous contre les grévistes de dizaines d'usines, ont décidé en assemblée générale de mener une «grève générale» contre le syndicat et les entreprises. La police est revenue lundi pour débloquer à nouveau les entrées et les compagnies prévoient de reprendre les opérations jeudi.

Après l'agression, le gouverneur de Tamaulipas, Francisco Javier García Cabeza de Vaca, a déclaré: «Le conflit de travail qui a éclaté au début de l'année et qui a maintenu certaines maquiladoras en grève dans la municipalité de Matamoros a fait un pas décisif vers une résolution au petit matin du dimanche, lorsque la police d'État de Tamaulipas est intervenue à la demande des entreprises mêmes pour récupérer les entreprises Avances Científicos de México, Mecalux Racks Metálicos et Flux Metals.»

Mecalux est une entreprise métallurgique basée à Barcelone, Flux Metals se décrit comme une «entreprise américaine de fabrication et d'usinage» et Avances Científicos appartient à la société américaine ThermoFisher Scientific. Ils emploient environ 700 travailleurs à Matamoros.

Contrairement à la volonté de lutte des travailleurs, Susana Prieto, avocate spécialisée en droit du travail qui se prétend leader du mouvement de grève, a réagi en ordonnant aux travailleurs de tout simplement placer leurs espoirs dans une action en justice pour saisir l'indemnité de départ que les entreprises leur refusent. Plus généralement, Prieto, qui est liée au Mouvement pour la régénération nationale (Morena) au pouvoir et aux syndicats «indépendants» soutenus par la fédération américaine AFL-CIO, s'efforce de canaliser toute résistance contre les représailles à l'échelle de la ville dans des impasses comme l'adhésion à ces syndicats alternatifs et la présentation des travailleurs comme candidats locaux. En 2016, elle a tendu le même piège à des milliers de travailleurs de Ciudad Juárez qui s'étaient rebellés contre les syndicats existants.

Lundi, un travailleur de pièces d'automobile de la maquiladora Inteva s'est adressé au WSWS Autoworker Newsletter (Bulletin du travailleur automobile du WSWS) pour dénoncer la trahison par Prieto des grèves qui continuent. «Elle ment, elle ne fait que mentir. Les travailleurs ont fait grève pour les 20/32 et maintenant elle agit comme si la grève était provoquée par les mises à pied et le refus de l'employeur de payer l'indemnité de départ. Ces hommes vont se retrouver sans rien et Susana les expose comme martyrs en sa faveur.»

Il a poursuivi: «J'avais remarqué qu'elle avait un comportement autoritaire où personne ne s'exprimait. Elle emmenait des gens dans le SME [Syndicat mexicain des électriciens] sans demander. Maintenant, je vois qu'il ne s'agit que d'une CTM [Confédération des travailleurs mexicains pro-entreprise] bis. J'ai peur qu'elle nous ait utilisés d'une manière si misérable. Je veux mettre en garde contre le danger auquel nous faisons face, mais j'ai peur d'être attaqué comme un traître.» Il a déclaré que sa femme avait été congédiée d'Autoliv: «Elle était une dirigeante de la grève à Autoliv et a formé un comité de la base, et le mercredi 16 janvier, lorsque les comités ont rencontré le syndicat et le conseil local du travail, l'avocate a calomnié tous les comités créés par les grévistes.»

Ces comités appelaient les travailleurs du Mexique et d'ailleurs dans le monde à soutenir leur lutte et à s'y joindre. Comme le WSWS l'avait prévenu dès la première semaine de grève, Prieto a été envoyé par l'establishment politique pour mettre à l'écart les comités indépendants de base formés par les travailleurs et pour les subordonner à l'appareil syndical et créer des illusions dans l'administration Morena, ou bien la CTM ou les syndicats dits «indépendants», afin d'isoler la grève et faciliter la répression et les représailles.

Cela se produit dans le contexte des efforts de l'impérialisme américain pour encourager le déplacement d'industries clés vers l'Amérique du Nord alors qu'il se prépare à intensifier ses oppositions économiques et militaires contre ses concurrents mondiaux. Bloomberg a rapporté la semaine dernière que «les importations américaines en provenance du Mexique ont connu leur plus forte augmentation en sept ans, car les politiques de Trump modifient les chaînes d'approvisionnement», citant la guerre commerciale américaine contre la Chine et le nouvel accord commercial régional.

Représentant une bourgeoisie mexicaine qui salive à la perspective de ces investissements, l'administration du président Andrés Manuel López Obrador (connu sous le nom d'AMLO) agit pour contrer ce que Bloomberg appelle le principal obstacle aux investissements mexicains: un «mouvement syndical plus agressif». Mme Prieto elle-même a reconnu que le déploiement de la police de l'État faisait partie des efforts déployés par le gouvernement fédéral pour écraser les grèves.

Jeudi, le Financial Times a averti que la rébellion de Matamoros risque de met en danger l'attrait du Mexique «en tant qu'endroit bon marché pour les usines américaines et canadiennes». En d'autres termes, tout nouvel investissement est subordonné à la stagnation des salaires ou à de nouvelles atteintes au niveau de vie. Les salaires réels au Mexique ont chuté de 80 % au cours des 30 dernières années.

Le danger pour les travailleurs a été résumé par AMLO le 21 mars, jour de l'anniversaire de l'ex-président Benito Juárez, lorsqu'il a déclaré: «Sa renommée était si grande, la gloire du président Juárez, qu'il était admiré à l'étranger. Mussolini a été nommé Benito parce que son père admirait Juárez, c'est la raison pour laquelle son nom était Benito Mussolini, un leader de dimension mondiale, un grand leader. Laissez ses critiques [de Mussolini] faire leur travail. Pourquoi devrais-je le faire?»

La classe dirigeante mexicaine et ses patrons impérialistes aux États-Unis et en Europe réagissent à la plus grande grève en Amérique du Nord au cours des trois dernières décennies en virant abruptement vers des formes autoritaires de gouvernement. Les capitalistes sont à nouveau contraints de désarmer politiquement les travailleurs enchaînant leurs luttes derrière la politique nationaliste et pro-capitaliste et les syndicats, y compris à travers des politiciens de pseudo-gauche tels que Susana Prieto.

Il ne faut pas que cela se produise. Les travailleurs de Matamoros veulent se battre, mais pour cela, ils doivent reformer ou consolider leurs comités de base en s'opposant à tous les syndicats, organiser une lutte pour la défense des grévistes de Coca-Cola, Mecalux, Flux Metals et Avances Científicos, ainsi que pour lutter contre les licenciements collectifs qui continuent. Toutes les usines qui violent leurs accords avec les travailleurs et exercent des représailles doivent être placées sous le contrôle démocratique des comités ouvriers.

Cette lutte contre les sociétés transnationales soutenues par les États mexicain et américain ne peut être menée qu'au niveau international. Les travailleurs de Matamoros doivent se joindre au Steering Committee of the Coalition of Coalition of Rank-and-File Committees (Comité directeur de Coalition des comités de base) aux États-Unis pour organiser une lutte internationale contre les licenciements massifs et les concessions en Amérique du Nord et ailleurs.

(Article paru en anglais le 2 avril 2019)

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