Le Rapporteur spécial de l'ONU dit que l'extradition d'Assange par les États-Unis constituerait une violation du droit international

L’avertissement lancé hier par WikiLeaks selon lequel Julian Assange risquait d’être expulsé de l’ambassade de l’Équateur à Londres a eu une réaction puissante. Une large opposition s’est manifestée contre les plans illégaux qui visent à mettre fin à son asile politique.

Nils Melzer, le Rapporteur spécial de l’Organisation des Nations Unies sur la torture a publié une déclaration appelant le gouvernement équatorien du Président Lenín Moreno à «s’abstenir d’expulser M. Assange... ou de cesser ou de suspendre son asile politique de toute autre manière».

Melzer a averti que si Assange était renvoyé de l’ambassade, il risquait «que les autorités britanniques l’arrêtent par et que les États-Unis l’extradent». Il a ajouté qu’«une telle réponse pourrait l’exposer à un risque réel de violations graves de ses droits humains, notamment sa liberté d’expression, son droit à un procès équitable et l’interdiction des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants».

De hauts responsables équatoriens ont cherché à éluder toute question concernant les affirmations de WikiLeaks selon lesquelles une source de haut niveau au sein de l’appareil d’État du pays aurait indiqué que l’expulsion d’Assange du bâtiment de l’ambassade aurait lieu «dans quelques heures ou quelques jours».

Vendredi, devant l’ambassade d’Équateur, l’ambassadeur du pays en Grande-Bretagne, Jaime Marchan, a déclaré à la presse qu’il n’y eut «aucun changement dans la situation de Señor Julian Assange» et qu’il était «offensé» par les informations qui indiquent le contraire.

Marchan, qui a joué un rôle central dans la création d’un environnement hostile pour Assange au sein de l’ambassade, s’est alors fait demander: «Va-t-il être libéré dans les deux prochaines heures?» Il a répondu: «Nous n’allons certainement pas nous prononcer là-dessus».

Le ministre des affaires étrangères du pays, José Valencia, a déclaré sur Twitter que les déclarations de WikiLeaks étaient «infondées» et que son gouvernement ne «ferait pas un commentaire courant» sur les «rumeurs» qu’il trouvait «insultantes».

Valence a alors effectivement confirmé l’avertissement de WikiLeaks en déclarant: «L’asile diplomatique est un pouvoir souverain d’un État qui a le droit de l’accorder ou de le retirer unilatéralement lorsqu’il le considère comme justifié».

La suggestion selon laquelle l’asile politique peut être accordé et retiré, en fonction de l’occasion politique et des intérêts immédiats des gouvernements nationaux, tourne en dérision le droit international. L’asile politique est soit inviolable, soit inexistant. Le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a confirmé le statut de réfugié politique d’Assange à plusieurs reprises, ainsi que d’autres organisations internationales qui défendent les droits de l’homme.

Valencia ajouta de manière pathétique que toute décision prise par son gouvernement serait exécutée de manière «souveraine et indépendante des autres pays».

Nonobstant les affirmations du ministre des affaires étrangères, l’opinion publique mondiale reconnaît déjà que le régime Moreno fonctionne comme un vassal du gouvernement américain. En Équateur, la majorité de la population considère le gouvernement comme un laquais corrompu de l’impérialisme américain. Le gouvernement jouit d’un taux d’approbation de moins de 20 pour cent.

Universellement, on considère le prétexte de la tentative d'expulsion d'Assange de l'ambassade comme une tromperie monumentale.

Le gouvernement équatorien a, au cours de la semaine dernière, fait des affirmations totalement infondées. Il a mis en cause Assange pour la fuite des données iPhone et Gmail de Moreno à un législateur de l’opposition en février dernier qui serait le produit d’une conspiration montée par Assange et WikiLeaks. Ils savent très bien que la publication de ces documents, et des documents connexes, qui impliquent le régime dans des affaires de corruption, de pots-de-vin et de parjure, n’a rien à voir avec Assange. D’ailleurs, le gouvernement équatorien avait déjà coupé l’accès d’Assange à Internet et ses communications en mars 2018.

Les commentaires évasifs et trompeurs des hauts responsables équatoriens résultent du fait qu’ils sont, avec leurs complices des gouvernements américain et britannique, engagés dans une tâche sordide.

Ils cherchent à présenter leur projet d’abroger illégalement l’asile politique du journaliste et éditeur, comme un exercice légitime et approprié. Cependant, le seul «crime» d’Assange a été de dénoncer les guerres prédatrices, les intrigues diplomatiques et les opérations de surveillance de masse des grandes puissances.

WikiLeaks a exposé plus en détail les machinations de l’ambassade qui visent à forcer Assange à quitter l’ambassade. WikiLeaks a publié hier ce qu’elle a déclaré être le résumé d’une «stratégie de presse» approuvée par les gouvernements équatorien et britannique.

En vertu de l’accord secret, le gouvernement britannique «prendrait l’initiative» après l’expulsion d’Assange. Le régime équatorien déclarera qu’Assange a violé les «conditions d’asile» contenues dans un protocole illégal qu’il a publié en octobre dernier, lui interdisant de faire toute déclaration politique, y compris sur son propre sort.

Le gouvernement britannique déclarerait alors qu’il ne permettrait pas à l’Administration Trump de «tuer» Assange en cas d’extradition vers les États-Unis et se ferait le défenseur d’une «procédure régulière». L’Équateur présenterait ceci comme une «concession» et dirait que l’octroi initial de l’asile au fondateur de WikiLeaks visait seulement à l’empêcher d’être condamné à la peine de mort.

L’accord rassemble plutôt un accord entre bandes criminelles, qui vise à mener une opération d’enlèvement extrajudiciaire en violation de toutes les lois nationales et internationales.

Des millions de travailleurs et de jeunes s’opposeront à toute mesure de ce type.

La population mondiale considéra une tentative d’extradition d’Assange vers les États-Unis à juste titre comme illégale et illégitime. L’équipe juridique de renommée internationale de WikiLeaks contestera âprement la tentative d’extradition devant les tribunaux.

L’année dernière, les procureurs américains ont révélé, apparemment par erreur, qu’ils avaient déjà déposé des accusations contre Assange. C’était probablement à la suite de la publication par WikiLeaks en 2010 des journaux de guerre de l’armée américaine en Irak et en Afghanistan et de centaines de milliers de câbles diplomatiques, révélant des crimes de guerre et des intrigues diplomatiques sur le plan mondial.

L’Administration Trump a toutefois signalé qu’elle ne disposait d’aucun argument en faveur de la poursuite d’Assange qui pourrait résister à un examen judiciaire en vertu du droit britannique, américain ou international, ouvrant la voie à une longue bataille juridique et politique sur toute demande d’extradition.

Au cours des trois dernières semaines, le gouvernement américain a retenu Chelsea Manning, qui a divulgué les documents de 2010 à WikiLeaks, pour tenter de la forcer à donner un faux témoignage contre Assange. La courageuse lanceuse d'alerte a refusé de participer à cette parodie de justice.

Le large soutien en faveur d’Assange et Manning parmi les travailleurs, les étudiants et les jeunes contraste fortement avec le silence de tous les partis politiques officiels aux États-Unis, en Grande-Bretagne et en Australie.

Jeremy Corbyn, qui, avant de devenir chef du Parti travailliste britannique, prétendait défendre Assange, n’a rien dit à propos de l’agression accrue contre le fondateur de WikiLeaks.

En Australie, le gouvernement libéral-national de Scott Morrison, l’opposition du Parti travailliste, les Verts et les syndicats sont restés silencieux. Derrière cela est la collaboration prolongée de tout l’establishment politique dans la vendetta menée par les États-Unis contre Assange, qui est un citoyen australien.

Cela démontre qu’un mouvement pour libérer Assange et Manning doit venir de la classe ouvrière. Les partis capitalistes de tous les pays sont engagés dans la censure en ligne, une accélération de la guerre et l’éviscération des droits démocratiques et donc ont la même orientation que les gouvernements américain et britannique.

Les travailleurs doivent être conscients que les luttes sociales et politiques de masse dans lesquelles ils s’engagent sont inséparables de la défense des courageux journalistes et dénonciateurs, qui sont persécutés. Le but de tous ces régimes est d’établir un précédent pour la suppression de toute opposition au militarisme, à l’austérité et à la dictature.

Les WSWS et les Partis de l’égalité socialiste (SEP) du monde entier se sont engagés à jouer un rôle central dans cette lutte cruciale.

Le SEP en Grande-Bretagne a appelé à une participation maximale aux manifestations organisées devant l’ambassade de l’Équateur à Londres. Le SEP australien a publié avant-hier une déclaration dans laquelle il réitère son exigence que le gouvernement australien s’acquitte de ses responsabilités envers Assange. Il doit obliger le gouvernement britannique à lui permettre de quitter le pays et de retourner en Australie, avec une garantie contre l’extradition vers les États-Unis.

(Article paru d’abord en anglais le 6 avril 2019)

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