Assange fait face à des menaces permanentes à l'ambassade de l'Équateur à Londres

Au cours du week-end, le gouvernement équatorien a publié une déclaration niant qu’il allait expulser «de manière imminant» Julian Assange de son ambassade à Londres. Cela fait suite à l’opposition croissante à ses menaces d’éliminer l’asile politique du fondateur de WikiLeaks, y compris de la part d’organismes des Nations Unies et d’autres organisations internationales.

Cette déclaration faisait suite à l’avertissement de WikiLeaks, vendredi dernier. WikiLeaks a dit qu’il avait reçu des informations d’une «source de haut niveau» au sein de l’État équatorien. Informations selon lesquelles le gouvernement du président Lenín Moreno allait expulserait Assange de son ambassade, où il avait demandé l’asile politique en 2012, dans «quelques heures ou quelques jours».

Fait significatif, la déclaration équatorienne ne nie pas qu’elle s’apprêtait à expulser Assange du bâtiment. Elle n’a donné aucune garantie quant à son placement forcé en garde à vue par la police britannique à un moment donné à l’avenir. Elle a seulement précisé que cela n’aurait pas lieu «dans l’immédiat». Comme l’ont noté les partisans de WikiLeaks, «imminent» est un mot vague qui peut être interprété de différentes manières.

La déclaration ne rejette pas non plus les commentaires du ministre des affaires étrangères du pays, José Valencia, selon lesquels son gouvernement avait le droit de mettre fin «unilatéralement» à l’asile politique, même si une telle action est contraire au droit international.

Il a fait deux fois référence au fait que WikiLeaks a tweeté des rapports sur les «documents de l’INA» qui impliquent le gouvernement Moreno dans la corruption, le parjure et la fraude. Le régime a utilisé ces documents comme prétexte pour intensifier les attaques contre Assange. Il a affirmé sans fondement qu’Assange était responsable de leur divulgation à un législateur de l’opposition équatorienne en février dernier.

Assange est en dangers tous les jours. L’entrée de deux policiers britanniques armés dans l’ambassade dimanche matin a souligné ce fait. On ne sait pas ce qu’ils ont fait dans le bâtiment pendant les quelques minutes qu’ils ont passées à l’intérieur.

Les partisans de WikiLeaks qui protestent continuellement pour la défense d’Assange devant l’ambassade ont témoigné du grand nombre de policiers britanniques et de ce qui semble être des agents secrets dans le quartier.

Ce matin, Cassandra Fairbanks, journaliste en ligne, a filmé une voiture banalisée, qui de manière inexplicable avait une lumière, fixée près d’une de ses roues, qui pointait sur l’ambassade. Elle a twitté que l’un des agents avait quitté le véhicule et a demandé aux journalistes rassemblés de quelles publications ils venaient, avant de «rapporter les résultats au central».

Ces activités policières menaçantes font suite à l’allégation de WikiLeaks, ce week-end, selon laquelle les gouvernements britannique et équatorien s’étaient déjà mis d’accord sur une «stratégie» pour l’expulsion d’Assange.

Le document indiquait clairement que la police britannique arrêterait immédiatement le fondateur de WikiLeaks. Leur motif serait de fausses accusations de s’être soustrait à sa liberté sous caution. De surcroît, cela faciliterait les procédures d’extradition vers les États-Unis. L’État américain met en cause Assange pour son rôle dans l’exposition par WikiLeaks des crimes de guerre américains, la surveillance de masse et les intrigues diplomatiques illégales.

De nouvelles informations ont émergé sur ces machinations sordides. C’est ces dernières qui ont conduit à l’intensification des menaces d’expulsion d’Assange de l’ambassade.

Le premier Rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à la vie privée, Joseph Cannataci, a publié un calendrier de ses tentatives pour rencontrer Assange. Il suggère qu’un facteur important dans les efforts du gouvernement équatorien pour mettre fin à l’asile du fondateur de WikiLeaks était que le bâillonnement et la surveillance d’Assange sont scrutés de plus en plus par l’ONU et la communauté internationale.

Selon Cannataci, il a reçu, le 29 mars, une notification par courriel et des documents probants concernant une plainte déposée par Assange et son équipe juridique, alléguant que le régime avait violé sa vie privée. Les avocats de WikiLeaks ont précédemment affirmé que le régime Moreno espionnait Assange, au nom des agences de renseignement américaines.

Les tentatives de Cannataci pour rencontrer Assange ce jour-là ont été infructueuses, car l’ambassade n’a ni répondu à ses appels ni ne l’a rappelé.

Dans la nuit du 31 mars, Cannataci a envoyé un courriel aux autorités équatoriennes pour demander une rencontre avec Assange. Il n’a reçu aucune réponse au cours du 1er avril.

Le 2 avril, l’ambassadeur équatorien en Grande-Bretagne, Jaime Marchan, a répondu qu’il avait fait transmettre la demande de rencontre aux autorités de la capitale d’Équador. Peu après, Cannataci a reçu une plainte de Moreno, accompagnée d’une lettre signée par le ministre des Affaires étrangères José Valencia, qui affirme qu’Assange avait «violé» la vie privée du président équatorien.

Le même jour, Moreno a accordé un entretien hystérique, affirmant qu’Assange avait personnellement «piraté» le contenu de ses comptes iPhone et Gmail, qui font partie des documents de l’INA, et que le fondateur de WikiLeaks était responsable du scandale de corruption qui engloutit son gouvernement.

Marchan n’a pas explicitement accusé réception de la demande de Cannataci pour un rendez-vous avec Assange le 3 avril et n’a pas répondu à cette demande, ce qui l’a empêché d’aller de l’avant. Dans les jours qui ont suivi, WikiLeaks a affirmé avoir reçu des informations selon lesquelles Assange était sur le point d’être expulsé de l’ambassade.

Cette chronologie présente une image accablante d’un régime corrompu et déchiré par la crise. Ce gouvernement cherche à dissimuler ses violations des droits de l’homme d’un éditeur et journaliste réfugié par des mensonges, des évasions et de sales intrigues. Cela explique pourquoi, plusieurs semaines après la publication des documents de l’INA, de hauts fonctionnaires ont soudainement commencé à prétendre qu’Assange était responsable de ces fuites. Le régime Moreno sait qu’Assange n’a rien à voir avec la fuite, car il a coupé son accès Internet et ses communications en mars 2018.

Il ne fait aucun doute que le gouvernement mène ces machinations en étroite collaboration avec le gouvernement américain, qui a des liens étroits avec le régime Moreno.

Les menaces équatoriennes coïncident avec l’emprisonnement de Chelsea Manning par l’Administration Trump. Le gouvernement américain a arrêté la courageuse dénonciatrice. Auparavant, elle avait divulgué à WikiLeaks les journaux de guerre de l’armée américaine en Irak et en Afghanistan et des centaines de milliers de câbles diplomatiques en 2010. L’Administration avait tenté de l’obliger à donner un faux témoignage contre Assange devant un grand jury. Je juge l’a emprisonné indéfiniment pour avoir refusé de le faire.

Cela indique que l’Administration Trump n’a pas d'arguments juridiques en faveur de l’extradition d’Assange qui pourraient résister à un examen judiciaire. La dénonciation continue des intrigues illégales des autorités équatoriennes et britanniques compliquera également leurs tentatives de mettre fin à l’asile d’Assange.

La détermination de WikiLeaks à défendre Assange et à vaincre la conspiration contre lui a trouvé une expression puissante dans une interview avec l’une de ses avocates, Jennifer Robinson, sur l’émission «Sunrise» de Channel Seven en Australie, hier matin.

Robinson a noté qu’Assange s’était vu accorder l’asile par le gouvernement équatorien précédent. Le motif était: «pour avoir publié des informations sur les crimes de guerre, les violations des droits de l’homme et la corruption par les gouvernements du monde entier». Elle a rappelé qu’Assange avait reçu le Prix Sydney pour la paix et un prix Walkley pour un journalisme exceptionnel en 2011.

Robinson a mis en garde qu’il s’agissait d’une «situation grave» qu’«un journaliste australien risque d’être poursuivi aux États-Unis» pour ses activités de publication. «Si c’était l’Égypte ou la Turquie, le gouvernement australien le critiquerait et défendrait ses citoyens», a-t-elle dit, tout en demandant: «Pourquoi le gouvernement australien ne le fait-il pas dans ce cas?».

Robinson a déclaré qu’Assange avait été contraint de demander l’asile à l’ambassade équatorienne en 2012, parce que le gouvernement travailliste de l’époque ne l’avait pas protégé. Elle a appelé le gouvernement australien à intervenir pour assurer le passage sûr d’Assange en Australie avec une garantie contre l’extradition vers les États-Unis.

Fait significatif, l’un des animateurs de l’émission a déclaré que le gouvernement australien «clairement doit en faire plus». Son collègue s’est dit préoccupé par la détérioration de l’état de santé d’Assange.

Pour garantir la demande élémentaire décrite par Robinson, c’est nécessaire à construire un mouvement politique de masse des travailleurs, des étudiants, des jeunes et de tous les défenseurs des libertés civiles. Ceci afin de forcer le gouvernement australien à assumer ses responsabilités envers Assange. Cette lutte cruciale est inséparable de la lutte plus large contre le virage des gouvernements internationaux vers la censure de l’Internet et l’autoritarisme. Cela dans un contexte d’hostilité de masse croissant à la guerre et à l’inégalité, et de recrudescence de la lutte des classes.

(Article paru d’abord en anglais le 8 avril 2019)

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