Assange dénonce sa détention illégale dans une fuite de document du tribunal

Dimanche, Cassandra Fairbanks, une journaliste sur Internet, a publié un article contenant un témoignage inédit de Julian Assange lors d’une audience en octobre dernier.

Le fondateur de WikiLeaks et ses avocats avaient lancé une action en justice, demandant une injonction urgente pour bloquer un protocole du gouvernement équatorien. Le protocole a été imposé au début du mois lui interdisait de faire toute déclaration politique et imposait une série d’autres restrictions sur son droit d’asile. Dans une décision hautement politique, l’affaire a été classée à la fin de l’année dernière.

Peu après la publication de l’article de Fairbanks sur le site Internet de droite «Gateway Pundit», une transcription complète de la déclaration du fondateur de WikiLeaks a été mise en ligne de manière anonyme. Un lien vers le document a été tweeté par WikiLeaks, confirmant ainsi son authenticité.

La publication du témoignage s’est déroulée dans un contexte de dangers accrus pour Assange.

Vendredi, WikiLeaks a rapporté qu’une source de haut niveau au sein du gouvernement équatorien avait annoncé qu’Assange serait expulsé de l’ambassade du pays à Londres «dans les heures ou les jours qui viennent» et remis à la police britannique. Si le régime équatorien a nié qu’il allait «de manière imminente» expulser Assange, il n’a donné aucune garantie qu’il ne le ferait pas à l’avenir.

Le témoignage d’Assange en octobre est d’autant plus important qu’il s’agit de la seule déclaration longue du fondateur de WikiLeaks depuis que l’Équateur lui a coupé l’accès à Internet et les communications en mars 2018.

S’exprimant par liaison vidéo le 29 octobre, Assange a commencé par décrire l’impact de sa détention prolongée dans le bâtiment de l’ambassade.

«Cela fait six ans que je suis dans cette ambassade sans lumière du soleil. J’ai été isolé de la plupart des gens pendant sept mois, y compris des communications électroniques, du téléphone, etc., et de mes jeunes enfants», a-t-il déclaré.

«Cela a été une expérience difficile et cela a aussi nui à ma capacité de travailler, de gagner ma vie et à mes principes fondamentaux pour lesquels j’ai lutté toute ma vie. Ces principes sont: de défendre le droit à la liberté d’expression, le droit des gens de savoir, le droit à la liberté de la presse et le droit pour tous de participer à leur société et à la société en général».

Assange a noté qu'en raison de l'interdiction de ses communications, il n'avait pas été en mesure de «participer aux débats autour de moi». Il en a résulté «un climat de diffamation et de fausses nouvelles auquel on pouvait s’y attendre pour quelqu'un qui a été dans le métier de dénoncer de très grandes et très puissantes organisations corrompues ou des organisations qui violent les droits de l'homme».

Le fondateur de WikiLeaks a exprimé sa tristesse que de hauts représentants du gouvernement équatorien aient dénigré sa personne. Le juge qui présidait l’audience l’a immédiatement interrompu. En vertu des dispositions draconiennes du protocole, Assange n’était pas autorisé à faire des déclarations qui critiquaient les actions du régime devant les tribunaux.

Assange a ensuite expliqué qu’il avait demandé l’asile politique en Équateur en 2012 «après avoir publié des informations sur les crimes américains en Irak et en Afghanistan, la révélation la plus importante de ces deux guerres, et sur les câbles diplomatiques américains».

Il a noté que la source présumée des documents, Chelsea Manning, avait été «saisie, brutalement traitée dans une prison américaine, et finalement condamnée à 35 ans» sous le gouvernement Obama. Dans le même temps, les États-Unis et leurs alliés avaient entamé une enquête mondiale sur WikiLeaks. «Même mon propre pays, l’Australie, a participé à mon avis de manière inappropriée à cette enquête», a déclaré Assange.

Le fondateur de WikiLeaks a expliqué qu’il s’était tourné vers l’Équateur parce que ni le Royaume-Uni ni la Suède ne garantissaient qu’il ne serait pas extradé vers les États-Unis, où il risque de faire face à des accusations montées de toutes pièces pour ses activités de publication.

L’enquête suédoise sur les allégations d’inconduite sexuelle concoctées contre Assange a été abandonnée sans qu’aucune accusation ne soit portée. Malgré cela, la Grande-Bretagne a maintenu la menace d’arrêter Assange sur la base de fausses accusations de mise en liberté sous caution et a refusé de fournir toute garantie contre l’extradition vers les États-Unis. Les autorités britanniques ont dépensé 13,6 millions de livres pour espionner Assange et «assiéger cette ambassade».

Le fondateur de WikiLeaks a ensuite lu une série de dispositions de la Constitution équatorienne qui consacrent la liberté de la presse, la liberté d’expression et le droit à une communication sans entrave.

Il s’est ensuite tourné vers la décision du gouvernement équatorien de mettre fin à ses communications en mars 2018. Il a déclaré que le régime avait «joué un jeu où il a essayé de présenter ces très graves restrictions à ma dignité humaine comme s’il s’agissait d’Internet. Ce n’est pas le cas. Cela limite tous mes appels téléphoniques».

Trois brouilleurs ont été installés dans le bâtiment pour supprimer les communications électroniques d’Assange.

Assange a déclaré: «Le fait qu’un gouvernement contrôle un espace particulier ne signifie pas qu’il peut violer sa Constitution. Qu’il peut violer les droits prescrits par l’ONU. Qu’il peut s’engager dans une punition sans procédure...»

«Il ne faut pas qu'un journaliste qui donne son opinion sur un réseau social soit effectivement considéré comme un crime et qu'il soit expulsé et emprisonné, d'abord au Royaume-Uni, puis aux États-Unis pour 45 ans à perpétuité. Cela ne peut pas être le cas.»

Assange plus tard a énoncé puissamment: «Aucun journaliste, aucun citoyen ne devrait accepter que ce dont il parle puisse être défini au jour le jour par des raisons d’opportunisme politique.»

Il a fait référence à une scission au sein du parti au pouvoir en Équateur. Une faction dirigée par Lenín Moreno s’est opposée aux partisans du Président d’alors, Rafael Correa, qui avait accordé l’asile à Assange. Lenín Moreno a pris la présidence en 2017. Le fondateur de WikiLeaks a noté que le gouvernement avait été «affaibli» et avait «commencé à s’appuyer sur les États-Unis et le Royaume-Uni». Cela avait conduit à une «influence indue des États-Unis».

Le procureur général de l’Équateur a stoppé Assange et l’a dénoncé de façon hystérique pour avoir «fait des insinuations malveillantes et perverses sur ce que fait l’Équateur».

Quand Assange a été autorisé à reprendre, il a examiné en détail l’étroite collaboration entre le régime Moreno et l’Administration Trump. Il s’agissait notamment d’une réunion entre Moreno et le vice-président américain Mike Pence en juin dernier, au cours de laquelle la Maison-Blanche a déclaré avoir eu une «conversation constructive» sur Assange.

Le fondateur de WikiLeaks a expliqué: «Ce qui se passe n’a rien à voir avec le Protocole. Ce qui s’est passé depuis le 28 mars est beaucoup plus grave. C’est le gouvernement équatorien qui se positionne pour violer l’asile. Se positionner en termes de discours public».

Assange a déclaré que les tentatives visant à mettre fin à son asile étaient «venues avec» la publication par WikiLeaks, début 2017, de «Vault 7», une série de documents de la CIA américaine exposant ses opérations mondiales de piratage et d’espionnage.

«Alors ne jouons pas à des jeux ici», a dit Assange. «L'État équatorien, pour diverses raisons politiques, cherche à violer la loi et à mener une campagne publique afin de rendre acceptable la remise d'un journaliste persécuté aux États-Unis sous la pression, bien documentée, du gouvernement américain.»

Assange a conclu son témoignage en déclarant que les restrictions qui lui avaient été imposées étaient «profondes» et «humiliantes». Il a déclaré: «Et cela doit cesser. Maintenant».

Les propos intraitables d’Assange prennent encore plus d’importance dans le contexte des menaces accrues de l’expulser de l’ambassade.

Le discours sera sans doute considéré par les historiens comme une puissante défense des principes démocratiques par un journaliste et éditeur persécuté. Assange a fait entendre l’hostilité de millions de travailleurs et de jeunes à l’égard de l’autoritarisme et de la guerre de la part des gouvernements internationaux.

Cela démontre l’urgence de mobiliser le soutien généralisé qui existe pour le fondateur de WikiLeaks afin de garantir sa liberté et de défendre tous les droits démocratiques.

(Article paru d’abord en anglais le 9 avril 2019)

Loading