L’arrestation de Julian Assange, éditeur de WikiLeaks, suscite l’indignation dans le monde entier

Jeudi matin, après l’arrestation du journaliste et éditeur de WikiLeaks Julian Assange à l’ambassade d’Équateur à Londres, l’indignation monte. Une foule de policiers britanniques a traîné Assange hors de l’ambassade et l’a jeté dans une cellule de prison après que le président équatorien Lenin Moreno a illégalement annulé son asile politique.

Après près de sept ans d’emprisonnement à l’ambassade, Assange risque un an dans une prison britannique et l’extradition vers les États-Unis. La rapporteure spéciale des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires, Agnes Callamard, a mis en garde que la décision d’expulser Assange et son extradition éventuelle vers les États-Unis le met en danger de « graves violations des droits humains ».

Des centaines de personnes à Sydney et Melbourne ont participé aux manifestations organisées par le Parti de l’égalité socialiste dans le pays d’origine d’Assange, l’Australie, pour dénoncer l’arrestation d’Assange et exiger sa libération. Les rassemblements du Parti de l’égalité socialiste ont été retransmis en direct sur Facebook où des milliers de personnes les ont suivis en quelques heures. Une manifestation a également eu lieu devant l’ambassade britannique à Washington, DC.

Ben Wizner, directeur de projet à la Ligue américaine des droits de l’homme, a averti que: « toute poursuite par les États-Unis contre M. Assange pour les activités de publication de WikiLeaks serait sans précédent et inconstitutionnelle. Elle ouvrirait la porte à des enquêtes criminelles contre d'autres médias. De plus, poursuivre un éditeur étranger pour violation des lois américaines sur le secret créerait un précédent particulièrement dangereux pour les journalistes américains. Ces derniers violent régulièrement les lois étrangères sur le secret afin de fournir des informations vitales pour l’intérêt public. »

Le journaliste américain indépendant Chris Hedges a écrit que l’arrestation de l’éditeur « éviscère toute prétention à l’État de droit et aux droits d’une presse libre ». Le journaliste et documentariste australien John Pilger déclarait que l’expulsion forcée d’Assange de l’ambassade et la complicité du gouvernement équatorien étaient des « crimes contre la justice naturelle la plus élémentaire ». Cela constituait un avertissement pour tous les journalistes.

Jeudi, un juge de première instance britannique a condamné Assange pour avoir violé les conditions de sa mise en liberté sous caution. Ces conditions étaient fixées à la suite de fausses allégations d’agression sexuelle en Suède. Les procureurs suédois ont abandonné ces charges depuis longtemps. Les juges n’ont pas encore fixé la date pour déterminer sa peine.

Puis, dans une démarche qui a confirmé les craintes qui ont poussé Assange à se réfugier à l’ambassade équatorienne, il était emprisonné pour avoir violé les conditions de sa mise en liberté sous caution. Ensuite, la levée des scellés d’une inculpation pénale qui le visait par l’Administration Trump démontre l’enchaînement d’un complot. L’acte d’accusation a été déposé par les procureurs il y a plus d’un an, le 6 mars 2018.

« Depuis 2010, nous avons averti que Julian Assange ferait l’objet de poursuites et d’extradition vers les États-Unis [...] Malheureusement, aujourd’hui, nous avons eu raison », a déclaré Jennifer Robinson, l’avocate d’Assange, lors d’une conférence de presse après sa rencontre avec lui jeudi après-midi en garde à vue. « Je viens de rencontrer M. Assange dans les cellules de la police. Il tient à remercier tous ses partisans pour leur soutien continu et il a dit: « Je vous l’avais bien dit. »

Assange devra maintenant attendre en prison jusqu’au 2 mai pour une audience d’extradition qui déterminera s’il peut être transporté par avion aux États-Unis pour y être jugé.

Le ministère américain de la justice l’accuse de complot en vue de commettre une intrusion informatique. Selon le ministère, cette intrusion violait de la loi américaine de 1986 sur la répression des fraudes et infractions dans le domaine informatique (Computer Fraud and Abuse Act). Le ministère alléguait que l’éditeur avait tenté sans succès d’aider la dénonciatrice Chelsea Manning à craquer un mot de passe qui lui aurait permis de dissimuler son identité. Selon le ministère elle aurait pu l’utiliser lors qu’elle accédait à des informations confidentielles sur un réseau informatique du ministère de la défense.

L’accusation découle des historiques des chats en ligne non publiés qui seraient en possession du gouvernement américain. Le ministère affirme que ces chats étaient entre Manning et un individu au sein de WikiLeaks qui utilisait les pseudonymes «Ox» et «préassociation», et qui, pour le gouvernement, était Assange. Sur la base des conversations contenues dans ces historiques secrets, le gouvernement prétend qu’Assange a cherché à s’engager dans une conspiration criminelle avec Manning pour « collaborer à l’acquisition et à la diffusion des documents classifiés ».

L’ « Electronic Frontier Foundation» a publié un communiqué. Le communiqué déclare que l’acte d’accusation d’Assange était « à la base, une attaque contre la publication de matériel divulgué. C’était l’acte le plus récent dans un effort de presque dix ans pour punir une lanceuse d'alerte et l’éditeur de son matériel divulgué [...] Si Assange se fait effectivement extrader, le gouvernement peut émettre des actes qui annulent et remplacent les actes d’accusation. Il ne devrait pas le faire. Les fuites sont un élément essentiel de la libre circulation de l’information qui est essentielle à notre démocratie. Le journalisme américain a un rôle essentiel à jouer sur les fuites de documents, y compris sur les informations classifiées. »

Manning a divulgué un grand nombre d’informations secrètes qui exposent les crimes de guerre américains en Irak et en Afghanistan à WikiLeaks en 2010. Ceux-là comprenaient la fameuse vidéo Collateral Murder, qui montre une attaque à l’hélicoptère à Bagdad qui a tué au moins 12 civils, dont 2 journalistes Reuters. Des médias du monde entier ont publié les documents exposés par WikiLeaks dont le New York Times et le Guardian.

Massimo Moratti, directeur adjoint d’Amnesty International de la recherche en Europe, a publié une déclaration dans laquelle il demande au Royaume-Uni de refuser d’extrader Assange «ou de lui transférer de tout autre manière» aux États-Unis, alors qu’il y a «un risque très réel qu’il puisse être victime de violations des droits de l’homme, notamment de conditions de détention qui violent l’interdiction absolue de la torture et autres mauvais traitements et de procès équitable suivi d’exécution possible, en raison de ses activités avec WikiLeaks.»

L’assurance donnée par le gouvernement britannique au gouvernement Moreno qu’Assange ne serait pas extradée vers un pays où il pourrait être torturé ou risquer la peine de mort est sans valeur.

Bien que l’accusation de complot puisse entraîner une peine d’emprisonnement maximale de cinq ans, on ne peut pas exclure que le gouvernement américain ait d’autres actes d’accusation en attente. Il pourrait les desceller une fois qu’Assange sera détenu par les États-Unis, notamment pour espionnage qui est passible de la peine capitale. L’Administration Obama a soumis Manning à la torture à la cellule d'isolement, la poussant à plusieurs reprises à tenter de se suicider.

Manning est en prison depuis le 8 mars à Alexandrie, en Virginie, après avoir refusé de témoigner devant un grand jury convoqué pour porter de fausses accusations contre Assange, dont 28 jours en isolement. Ses avocats ont fait appel jeudi en s'appuyant sur la révélation de l’accusation contre Assange, arguant que l’obliger à témoigner aurait été « un dédoublement des preuves déjà en la possession du grand jury ». En outre, cela prouve que le maintien en détention n’était pas coercitif, mais « purement punitif », en violation de la loi.

(Article paru d’abord en anglais le 12 avril 2019)

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