Le gouvernement libéral du Canada s'attaque aux droits des réfugiés

Dans une attaque majeure contre la démocratie et les droits de la personne, le gouvernement Trudeau a introduit subrepticement des modifications réactionnaires à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés dans son projet de loi budgétaire de 392 pages, la Loi d'exécution budgétaire. Ces modifications feront en sorte qu'il sera beaucoup plus difficile pour les migrants fuyant la guerre et la persécution de trouver asile au Canada, et elles s'accompagnent d'une promesse libérale de dépenser un milliard de dollars supplémentaires pour la sécurité frontalière au cours des cinq prochaines années.

En vertu de ces modifications, les demandeurs d'asile qui ont déjà présenté une demande d'asile dans un pays avec lequel le Canada a conclu une «entente d'échange d'information» se verront automatiquement refuser l'asile. Ils se verront refuser le droit à une audience complète et, dans la plupart des cas, seront rapidement renvoyés dans leur pays d'origine. Les pays en question – l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni et les États-Unis – constituent, avec le Canada, le réseau d'espionnage «Five Eyes» dirigé par les États-Unis, qui assure une surveillance de masse de la population mondiale.

Étant donné que les États-Unis sont le seul de ces quatre partenaires avec lequel le Canada partage une frontière, la loi a pour effet pratique d'habiliter les autorités à expulser sommairement les demandeurs d'asile qui traversent la frontière canado-américaine pour échapper à la chasse aux sorcières anti-immigrante de Trump.

Ce changement législatif réactionnaire fait suite aux déclarations du ministre de la Sécurité frontalière, Bill Blair, et de l'ambassadeur du Canada aux États-Unis, David McNaughton, qui ont révélé que le gouvernement libéral a entamé des discussions en coulisse avec Washington pour combler les «lacunes» de l'Entente sur les tiers pays sûrs (STCA). Cet accord canado-américain de 2002 permet au Canada de renvoyer aux États-Unis toute personne qui cherche à obtenir le statut de réfugié et qui est entrée au Canada en passant par les États-Unis, au motif que c’est aux États-Unis qu’elle aurait dû présenter sa demande d'asile.

Même si l'administration Trump attaque et vilipende les immigrants, en particulier ceux des pays à prédominance musulmane et d'Amérique latine, le gouvernement Trudeau s’oppose fermement aux demandes des organisations de réfugiés et de défense des droits de la personne voulant abolir l'accord, affirmant au contraire que les États-Unis demeuraient un «refuge sûr» pour les réfugiés.

La STCA s'applique lorsque les migrants entrent au Canada aux points de contrôle frontaliers officiels. C'est pourquoi, au cours des deux dernières années, selon les données de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, quelque 40.000 demandeurs d'asile ont tenté de contourner les points de contrôle officiels en traversant la frontière canadienne à pied, parfois dans des conditions très dangereuses.

Le gouvernement Trudeau se vante que la plupart de ces nouveaux arrivants «irréguliers» au Canada se voient refuser le statut de réfugié et sont systématiquement expulsés. Il avait néanmoins initialement résisté aux demandes des conservateurs, des médias et des sections d'extrême droite de la classe dirigeante, qui exigeaient d’abroger le droit, enchâssé dans la loi canadienne et internationale, de revendiquer le statut de réfugié et de se voir accorder les règles et les protections du processus de détermination du statut de réfugié du Canada.

Maintenant, démasquant les libéraux qui se disaient «proréfugiés», le gouvernement Trudeau met effectivement en application la demande des conservateurs de déclarer la frontière canado-américaine «point de contrôle officiel», afin que tous ceux qui traversent «irrégulièrement» puissent être assujettis aux dispositions de l'Entente sur les tiers pays sûrs et être sommairement exclus.

En violation flagrante du droit canadien, la «réforme» du droit des réfugiés des libéraux signifierait que les demandeurs d'asile qui ont déjà présenté une demande d'asile aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en Australie ou en Nouvelle-Zélande, quel que soit le statut actuel de leur demande, ne seraient plus admissibles à une audience complète. De plus, ils ne pourront pas interjeter appel devant un tribunal indépendant doté de protections procédurales, comme c'est le cas actuellement (en vertu de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié). Au lieu de cela, ils seront automatiquement traduits devant un agent d'immigration pour être expulsés en procédure accélérée.

Leur seul recours sera le «droit» de présenter un «examen écrit des risques avant renvoi», dans lequel ils pourraient expliquer en quoi l'expulsion les menace de persécution et de violence d'État. Selon l'avocat des droits de l'homme Kevin Wiener, ceux qui utilisent ce processus pour annuler leur expulsion imminente ne réussissent que dans 3% des cas.

La Loi d'exécution du budget impose également des limites quant au moment où les demandeurs peuvent demander que leur cas soit examiné pour des motifs d'ordre humanitaire.

De nombreux avocats et défenseurs des droits des réfugiés – y compris certains qui ont appuyé Trudeau aux dernières élections fédérales – ont exprimé leur indignation face aux mesures des libéraux et envisagent déjà d'intenter des poursuites judiciaires. Janet Dench, directrice générale du Conseil canadien pour les réfugiés (CCR), un organisme-cadre représentant plus de 100 groupes d'aide aux réfugiés, a déclaré que les changements proposés aux lois sur l'asile constituent «une attaque dévastatrice contre les droits des réfugiés au Canada».

Un énoncé du CCR souligne: «De nombreux demandeurs d'asile, qui pourraient avoir besoin de la protection du Canada parce qu'ils sont des réfugiés, se verront refuser l'accès au système de détermination du statut de réfugié du Canada. Cela s'applique même si la personne n'a jamais fait l'objet d'une audience sur sa demande dans l'autre pays et qu'elle est venue au Canada pour des raisons contraignantes (par exemple, pour rejoindre des membres de sa famille)».

L'Association canadienne des avocats spécialisés dans le droit des réfugiés a sévèrement critiqué ce qu'elle a qualifié de réforme «profondément troublante» qui privera les gens de «protections cruciales et durement gagnées des droits de la personne».

Les efforts de M. Trudeau pour fermer la frontière canado-américaine aux demandeurs d'asile sont planifiés depuis longtemps et sont étroitement coordonnés avec l'administration Trump. Le ministre de la Sécurité frontalière du Canada, Bill Blair, a déclaré qu'il avait reçu un mandat du premier ministre en septembre dernier pour entamer des pourparlers avec la secrétaire du ministère de la Sécurité intérieure, Kirstjen Nielsen, afin de modifier l'Entente sur les tiers pays sûrs. Il a récemment déclaré à la CBC: «Je peux vous dire que nous avons travaillé très fort au cours des derniers mois pour réduire considérablement le nombre de personnes qui traversent nos frontières de façon irrégulière.»

Bien que le Canada et les États-Unis n'aient apparemment pas encore entamé de négociations officielles au sujet de la STCA, un porte-parole de M. Blair a déclaré que depuis sa nomination au poste de ministre l'été dernier, il «a rencontré de nombreux intervenants, notamment des membres du Congrès américain, des fonctionnaires des douanes et de la protection des frontières et du Département de la sécurité intérieure, pour discuter dès que possible de la modernisation de la STCA».

L'appui enthousiaste des conservateurs et des médias aux modifications proposées à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés souligne leur caractère réactionnaire. «Après avoir passé les trois dernières années à diaboliser et à attaquer personnellement les conservateurs sur cette question, Justin Trudeau a effectivement admis qu'il n'avait pas réussi à défendre l'intégrité de notre système d'octroi de l'asile», s'est réjouie la députée conservatrice Michelle Rempel. Pendant des années, les conservateurs ont attisé la xénophobie et critiqué les prétendues politiques d'accueil des réfugiés de Trudeau pour avoir créé un «gâchis» à la frontière et un afflux «d'étrangers illégaux» au Canada.

En fait, le gouvernement libéral a mené des politiques anti-réfugiés de plus en plus sévères, tout en collaborant étroitement avec Washington dans sa lutte contre les immigrants et dans le renforcement de la surveillance et du contrôle aux frontières.

Tandis que Trudeau a utilisé les réfugiés syriens dans une manœuvre électorale en 2015, son gouvernement a réduit le nombre de personnes qu'il autorise à s'établir au Canada et n'offre pratiquement aucun soutien à ceux qui sont déjà ici. Beaucoup doivent compter sur les organismes de bienfaisance et les banques alimentaires uniquement pour se nourrir et se loger.

L'an dernier, au nom de la «sécurité» des frontières du Canada, le gouvernement libéral a ordonné à l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) d'adopter un nouvel objectif annuel de 10.000 expulsions, soit une augmentation de 35%.

Des centaines de personnes en attente d'expulsion, y compris des enfants, sont détenues dans des conditions semblables à celles des demandeurs d'asile et des migrants qui ont été jetés dans les centres de détention de Trump par des agents fascisants des services de l'immigration et des douanes (ICE).

Le nombre de réfugiés acceptés au Canada n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan, compte tenu des millions de personnes déplacées dans le monde par les guerres, l'instabilité économique et la répression étatique. L'impérialisme canadien a joué un rôle de premier plan dans bon nombre des conflits les plus dévastateurs, soutenant des guerres dirigées et fomentées par les États-Unis qui ont détruit des sociétés entières, notamment dans les Balkans, en Afghanistan, en Libye, en Syrie et en Irak.

La collaboration du gouvernement libéral avec Trump et sa propre répression des immigrants ont renforcé les forces les plus à droite dans les cercles dirigeants. Depuis son arrivée au pouvoir en juin dernier, le premier ministre populiste de droite de l'Ontario, Doug Ford, n'a cessé d'attiser le chauvinisme anti-immigrant, blâmant les réfugiés pour les terribles conditions sociales créées par des décennies d'austérité imposées par les gouvernements progressistes-conservateurs, libéraux et néo-démocrates.

Au Québec, la Coalition de droite Avenir Québec, qui a fait campagne lors des élections de l'an dernier sur une plateforme xénophobe, a déposé un projet de loi visant à réduire le nombre d'immigrants acceptés dans la province et utilise la «clause dérogatoire» pour interdire aux enseignants et autres employés publics en «position d'autorité» de porter des signes religieux. Les principales cibles et victimes de cette interdiction discriminatoire seront les femmes musulmanes.

(Article paru en anglais le 18 avril 2019)

Loading