Les négociations commerciales sino-américaines entrent dans la phase finale

Une équipe de négociateurs chinois dirigée par le vice-Premier ministre Liu He se rendra à Washington la semaine prochaine pour des négociations qui pourraient être décisives pour un accord commercial.

Ces pourparlers font suite à un bref voyage à Beijing cette semaine de Robert Lighthizer, représentant américain au Commerce, et de Steven Mnuchin, secrétaire au Trésor, qui n’a pas réussi à faire avancer de manière significative la conclusion d’un accord.

L'un des principaux points d'achoppement est l'accord sur la procédure selon laquelle les droits de douane imposés par les États-Unis sur des marchandises chinoises d'une valeur de 250 milliards de dollars seraient enlevés si l’on parvenait à un accord commercial. La position de la Chine est que si un accord est conclu, les droits de douane devraient alors être supprimés.

Cependant, les États-Unis ont insisté pour qu'au moins certains droits de douane perdurent. Ils ne commenceraient à les supprimer que lorsqu’ils estimeront que la Chine est en conformité avec tout accord en vigueur. Dès le départ, les États-Unis ont clairement indiqué qu'il n'y aurait pas d'accord sans mécanisme de «mise en application». Ils ont également revendiqué le droit de réimposer des droits de douane, sans que la Chine ne puisse riposter, s’ils estiment qu’un accord est en train d'être abrogé.

Les négociateurs chinois ont clairement indiqué que tout accord dans lequel les États-Unis ont le droit unilatéral d'imposer des sanctions tarifaires est inacceptable. Cela ressemblerait aux «traités inégaux» imposés aux 19e et 20e siècles par les puissances impérialistes. Tout mécanisme d’application doit fonctionner dans les deux sens.

À ce stade, il semble que l’administration Trump soit disposée à supprimer les droits de douane de 10 pour cent sur les marchandises chinoises d’une valeur de 200 milliards de dollars, tout en conservant les droits de douane de 25 pour cent sur 50 milliards de dollars de biens qui représentaient son premier coup dans la guerre commerciale. La Chine avait réagi à ces tarifs en imposant des taxes sur des marchandises également d’une valeur de 50 milliards de dollars, principalement des produits agricoles, que les États-Unis exigent à être supprimées.

C'est une question clé pour la présidence de Trump, qui dépend du soutien politique des régions agricoles touchées par les tarifs chinois.

Selon un article paru dans le Wall Street Journal, une option envisagée serait une réduction proportionnelle des tarifs. L'argument est que les 50 milliards de dollars représentent environ 10 pour cent des produits chinois destinés aux États-Unis. Comme la Chine importe moins des États-Unis, elle devrait laisser en place des droits de douane couvrant 10 pour cent de ses importations. Cela signifie que la Chine réduirait ses droits de douane pour couvrir 13 milliards de dollars de biens, au lieu de 50 milliards de dollars.

Une autre pomme de discorde est la question des allégations de cyber-vol et d’intrusion chinois dans les réseaux commerciaux, des activités qui doivent cesser, selon les États-Unis. Un reportage du Financial Times suggère que les États-Unis ont assoupli leur position initiale et que l'administration Trump, soucieuse de parvenir à un accord, est «susceptible d'accepter un engagement moins contraignant pour Pékin, comme une alternative».

Pékin soutient que les accusations de cyber vol commis par l’État sont sans fondement. Il affirme avoir respecté un accord conclu avec l'administration Obama selon lequel aucun des deux gouvernements ne «s'engagerait ou soutiendrait sciemment» le vol de propriété intellectuelle en ligne.

Si l'administration Trump accepte un engagement oral de Pékin, il y a des fortes chances que cela soit contesté par des sections clés de l’armée et des services de renseignement, ainsi que des faucons anti-chinois des partis démocrates et républicains.

Dans un discours prononcé le 26 avril rapporté par le Financial Times, Christopher Wray, directeur du FBI, a déclaré: «Aucun pays ne représente une menace plus importante et plus grave en matière de collecte de renseignements que la Chine. La Chine a été le premier à adopter une approche sociétale pour voler de l’innovation. […] Nous avons des enquêtes sur l'espionnage économique menées par les 56 bureaux extérieurs [du FBI] qui pointe le doigt invariablement à la Chine, dans presque tous les secteurs.»

La question de la propriété intellectuelle fait partie des demandes des États-Unis en faveur de «réformes structurelles» radicales de l'économie chinoise, notamment la fin des subventions accordées par l'État aux industries clés dans le cadre du programme «Made in China 2025».

Faisant état de ces pourparlers, le Wall Street Journal a déclaré que «la probabilité que la Chine cède du terrain sur la question controversée des subventions à ses entreprises publiques diminue.» C'est parce qu'elle considère que «le soutien du gouvernement est essentiel pour aider les entreprises chinoises à progresser sur la voie de la chaîne de valeur et devenir des leaders de la prochaine génération dans l’industrie, l’intelligence artificielle et d’autres domaines.»

L'article mentionnait «des personnes proches des négociations», affirmant que Beijing s'engagerait probablement à veiller à ce que les entreprises respectent la concurrence loyale, mais ne s'engagerait pas à fournir les détails des subventions de l’État réclamées par les États-Unis.

Cela fait maintenant cinq mois que Trump et le président Xi Jinping ont convenu de négocier un accord commercial, engageant un processus qui a impliqué d'innombrables heures de discussions et la production de milliers de pages de documents. Cependant, ce processus ne se poursuivra pas indéfiniment.

S'exprimant lors d'une conférence financière à Los Angeles mardi, Mick Mulvaney, chef de cabinet par intérim de Trump, a indiqué que le résultat serait bientôt déterminé.

«Cela ne durera pas éternellement», a-t-il déclaré. «À un moment donné de la négociation, vous vous dites "nous sommes sur le point de percer, alors nous allons continuer". D'autre part, à un moment donné, vous levez les bras au ciel et dites: "Cela n’aboutira jamais." Vous saurez d'une manière ou d'une autre dans les prochaines semaines.»

Même si un accord est conclu, il ne mettra pas fin aux conflits commerciaux. Le chroniqueur du Financial Times, Edward Luce, a publié cette semaine un commentaire intitulé, «La Chine, les États-Unis et le commerce dans un monde de chacun pour soi». Il a souligné que tout accord déclencherait une reprise des marchés avec l’évitement du spectre d'une chute dans les relations sino-américaines, mais cela se ferait «au détriment de la stabilité future».

En effet, tout accord sera en dehors du cadre de l'Organisation mondiale du commerce, qui a été le principal mécanisme de règlement des différends dans un processus indépendant des pays impliqués. Cela ne s'appliquerait plus.

«Le mécanisme d'application de l'accord à venir fournira aux présidents démocrates et républicains un ensemble irrésistible d'outils punitifs à utiliser contre la Chine. Il n'y aura pas d'OMC pour veiller à leur intégrité. Il n'y aura pas non plus de séparation naturelle entre la politique commerciale et la diplomatie. M. Trump a invoqué la sécurité nationale américaine pour justifier des droits de douane sur les importations de métaux en provenance d'Europe et du Canada. Pratiquement toutes les activités chinoises peuvent également être bloquées pour ces mêmes raisons.»

Il a également évoqué l’utilisation comme arme de l’état de droit illustrée par l'arrestation de Meng Wanzhou du conseil d’administration de Huawei en vertu d'un mandat d'arrêt américain l'année dernière, ainsi que par la détention de deux ressortissants canadiens par la Chine.

«À première vue, concluait Luce, l'accord commercial imminent ressemblera probablement à une victoire pour M. Trump. Une réflexion plus pesée révélera les dégâts infligés à l'ordre international fondé sur les règles créé par l'Amérique.»

(Article paru en anglais le 4 mai 2019)

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