La faillite de la campagne LO-NPA aux élections européennes

Pour les élections européennes de ce dimanche, Lutte ouvrière (LO) et le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) ont fait campagne ensemble. Cette campagne, bousculée par le mouvement des «gilets jaunes» contre Macron et l’éruption de grèves à l’international en dehors du contrôle des syndicats, et qui faisait le silence sur la menace d’une guerre impérialiste contre l’Iran qui plane sur le monde, a pris les allures d’une débandade.

On est bien loin des présidentielles de 2002, quand ces deux partis, LO et le NPA qui s’appelait alors la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), obtenaient ensemble 10 pour cent des voix. A présent, malgré une colère sociale bien plus explosive, LO s’attend à un score d’à peine 1 pour cent. Le NPA quant à lui a déclaré qu’il n’avait pas «pas les moyens financiers de présenter une liste lors des élections européennes.» Les deux partis n’ont pas pu s’entendre sur une plateforme commune pour les européennes, mais le NPA a quand même décidé de soutenir les listes de LO.

Ceci souligne l’importance de la lutte du Comité international de la IVe Internationale (CIQI) pour fonder sa section française, le Parti de l’égalité socialiste (PES), contre les partis faillis de la petite-bourgeoisie post-soixantehuitarde. Les bureaucrates syndicaux et les universitaires qui dirigent LO et le NPA se parent encore de propositions creuses pour des augmentations. Mais ils ne cachent pas leur hostilité envers les luttes indépendantes comme celle des «gilets jaunes», qui a débordé le «dialogue social» réactionnaire entre les syndicats et le patronat.

L’éditorial de LO du 8 avril proclame: «Pour préserver nos conditions d’existence, il faut augmenter les salaires, les pensions et les allocations, et les indexer sur les prix. Contre le chômage, il faut interdire les licenciements et créer des emplois, en répartissant le travail entre tous, sans perte de salaire. ... Il faudra de puissantes luttes collectives du monde du travail pour inverser le rapport de force et imposer les exigences du camp des travailleurs. Mais dans ces élections, nous pourrons au moins l’affirmer en votant pour la liste Lutte ouvrière conduite par Nathalie Arthaud et Jean-Pierre Mercier.»

Ces appels lancés par des partis à la botte des appareils syndicaux pour mobiliser les travailleurs sont pétris de mauvaise foi. D’abord, ils laissent de côté les questions internationales auxquelles est confronté le prolétariat. Il y a non seulement les dangers de guerre en Iran ou ceux liés à la militarisation de l’UE, mais aussi l’explosion de luttes ouvrières à travers le monde—enseignants américains, plantations de thé sri-lankaises, fonctionnaires portugais ou enseignants polonais—avec lesquelles il faut construire une unité en lutte, dépassant le cadre national étriqué des syndicats.

Et quand une puissante lutte collective des travailleurs et de couches opprimées des classes moyennes s’est développée en France contre Macron – les «gilets jaunes» – LO, le NPA et les appareils syndicaux y ont été hostiles. Le NPA a traité les «gilets jaunes» de «foire poujadiste» et même d’ «ennemis les plus farouches du mouvement ouvrier.» En même temps, les appareils syndicaux où LO et le NPA ont leurs troupes cassaient des grèves de routiers et de dockers appelées par solidarité avec les «gilets jaunes».

Quant à Mercier, c’est le syndicaliste qui a dirigé en 2013 la fermeture de PSA-Aulnay, en organisant une petite grève symbolique de la CGT dans l’usine sans mobiliser plus largement les autres lieux de travail contre la fermeture d’Aulnay. Isolée et abandonnée des ouvriers qui n’avaient aucune confiance en elle, cette grève a rapidement abouti à rien.

Et pendant la campagne européenne, la féministe et prof de gestion Arthaud ne n’est pas privée du plaisir de prendre les «gilets jaunes» de haut pour les attaquer. Le 9 mai, à un meeting à Dijon, elle a dit: «Je ne serai jamais ‘gilet jaune’, je suis communiste révolutionnaire. Je veux renverser la bourgeoisie, et ça va bien au delà des revendications des ‘gilets jaunes’. Les ‘gilets jaunes’ sont en train de se faire avoir par des mesurettes, par une baisse d’impôts. Nous, on est allé discuter avec des ‘gilets jaunes’. On leur a dit que si c’est pour dire ‘Macron démission’, ça ne sert à rien.»

La déclaration d’Arthaud que c’est une «communiste révolutionnaire» qui se tient sur la gauche des «gilets jaunes», et qui veut renverser la bourgeoisie, n’est qu’une fraude politique. LO est un outil politique de sections des appareils syndicaux et de forces politiques proches du PS inspirées par le mouvement étudiant d’après 1968. Leurs dirigeants sont très conscients du fait qu’ils sont achetés par la bourgeoisie et hostile envers toute lutte indépendante, comme celle des «gilets jaunes».

Ainsi, lors des luttes contre la loi travail du PS en 2016, le WSWS a pu interviewer Arlette Laguiller, la porte-parole et candidate présidentielle historique de LO. Les journalistes du WSWS lui ont demandé comment elle voyait le fait que les appareils syndicaux français où travaille LO sont financés à 95 pour cent par le patronat et par l’État.

«C’est sûr que ça serait plus sain si les partis, les syndicats tout le monde était financé par les cotisations des adhérents, c’est quand même vrai aussi. Mais voilà», a-t-elle répondu en haussant les épaules. Interrogée sur les raisons du divorce entre les travailleurs et les appareils syndicaux, elle a répondu: «Je crois que pas mal de luttes ont été trahies. Il y a beaucoup de travailleurs qui ont des ressentiments via-à-vis des luttes qu’ils ont menées où finalement les syndicats ont fait reprendre alors qu’on n’avait pas obtenu satisfaction.»

Nul besoin d’être spécialiste du marxisme pour savoir que des communistes révolutionnaires tels que Vladimir Lénine ou Léon Trotsky n’auraient eu que du mépris pour des personnages pareils. Un gouffre de classe les sépare des travailleurs, dont ils ont trahi les luttes.

Le NPA est le fruit du ralliement des étudiants soixantehuitards tels qu’Alain Krivine ou Daniel Bensaïd à la tendance pabliste qui avait rompu avec le CIQI en 1953. Les pablistes avançaient la perspective antitrotskyste et fausse que le stalinisme et le nationalisme bourgeois fourniraient une direction révolutionnaire au prolétariat international – une ligne qu’ils ont tentér d’imposer antidémocratiquement en expulsant la majorité de la section française.

LO descend d’un groupe autour de Robert Barta qui avait refusé de rallier la IVe Internationale lors de sa fondation en 1938 par Léon Trotsky, au prétexte réactionnaire que la IVe Internationale était petite bourgeoise – toute ouvrière lutte devant être selon eux ancrée dans le sol national. Dissous peu après la Libération puis reconstitué par des forces proches de la Nouvelle Gauche et des futurs fondateurs du PS aux années 1950, ce groupe s’est parfois réclamé du trotskysme. Mais il n’a jamais rompu avec un syndicalisme nationaliste et petit-bourgeois.

Presque 30 ans après que la bureaucratie stalinienne a dissous l’Union soviétique en 1991, alors que les syndicats étouffent les luttes contre l’État policier mis en place par le PS et Macron, la faillite de ces tendances est patente.

En 2002, ils ont refusé l’initiative proposée par le CIQI pour un boycott actif du second tour entre Jacques Chirac et Jean-Marie Le Pen, et la construction d’un mouvement des travailleurs contre le prochain président. LO et le NPA se sont rangés derrière la campagne des médias et du PS pour un vote Chirac, au prétexte que celui-ci ferait barrage au néo-fasciste Le Pen. Deux décennies plus tard, la bourgeoisie place l’extrême droite et le militarisme au centre de la politique officielle non seulement en France, mais dans toute l’UE.

Non seulement l’extrême-droite est au pouvoir dans une dizaine de pays européens, dont l’Italie, mais Macron – qui s’est présenté comme meilleur opposant de Marine Le Pen – salue le dictateur fasciste Philippe Pétain tout en réprimant violemment les «gilets jaunes». La nécessité d’unifier à travers l’Europe les luttes ouvrières en une lutte révolutionnaire pour le pouvoir se pose de manière de plus en plus urgente. Le CIQI met en avant la perspective trotskyste des Etats-Unis socialistes d’Europe.

Dans cette campagne, LO a repris à son compte le mot d’ordre des Etats-Unis socialistes d’Europe. Mais ce n’est qu’en fait qu’un enfumage cynique, car LO et le NPA tentent d’y insuffler le contenu d’une défense de l’UE capitaliste existante, comme le démontrent les discussions des deux partis sur leur campagne commune.

Dans son article «Élections européennes. Discussion NPA-LO: c’est difficile», le NPA rapporte que LO a contesté la proposition du NPA de critiquer les traités fondateurs de l’UE. LO a paraît-il objecté à toute notion de «rupture» avec l’UE, ce avec quoi le NPA est tombé d’accord sous prétexte de lutte contre le nationalisme. «Leur argument fort», écrit le NPA, était qu’à une époque précédente, «il fallait combattre le préjugé selon lequel l’UE était progressiste, alors que maintenant il faut se battre contre les préjugés réactionnaires.»

Mais le mensonge selon lequel l’UE combattrait le nationalisme est tout aussi réactionnaire et faux que celui selon lequel le nationalisme serait une alternative à l’UE. Alors qu’elle laisse noyer les réfugiés en Méditerranée, soutient la remilitarisation de l’impérialisme allemand, travaille avec le régime d’extrême-droite italien et applaudit la répression violente des manifestations en France par la police, l’UE sert visiblement de matrice à l’éclosion du nationalisme à travers l’Europe. S’étant trompés en pensant que Chirac mènerait une lutte contre le nationalisme en 2002, LO et le NPA se trompent à nouveau applaudissant les vertus «internationalistes» de l’UE, appareil des puissances impérialistes européennes.

Il est impossible de lutter contre le militarisme et le néo fascisme en dehors de la mobilisation internationale des travailleurs en lutte sur un programme socialiste. La réfutation des partis petit-bourgeois réactionnaires est d’une importance primordiale pour les luttes de la classe ouvrière à travers l’Europe et au-delà. Elle démontre la nécessité absolue pour les travailleurs en lutte de s’organiser en comités d’action, indépendamment des appareils syndicaux. Elle démontre aussi le nécessité urgence de construire le CIQI en tant que direction révolutionnaire de la classe ouvrière.

Ce n’est qu’à travers sa lutte dans la classe ouvrière pour une perspective révolutionnaire qu’il est possible de transférer le pouvoir politique aux organisations créées par les travailleurs en lutte, à l’échelle nationale et continentale—c’est-à-dire de bâtir les Etats-Unis socialistes d’Europe.

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