Malgré la mauvaise santé d'Assange, le tribunal suédois rejette un report de l'audience

Un tribunal de district suédois a rejeté cette semaine une demande des avocats de Julian Assange visant à retarder l’audience du 3 juin sur de fausses allégations d’inconduite sexuelle. Le tribunal a rendu la décision en dépit du fait que le fondateur de WikiLeaks est trop malade pour consulter ses avocats. En outre, il n’a pas reçu de traduction en anglais du mandat d’arrêt ou d’éléments de preuve à l’appui contre lui.

L’audience doit décider si la Suède détiendra officiellement Assange in absentia.

La décision du tribunal suédois suit de près l’annonce par les États-Unis de 17 nouvelles accusations d’espionnage contre Assange. Le cumul des charges pourrait entraîner une peine d’emprisonnement de 170 ans. Si les accusations portées par les États-Unis visent à abolir la liberté de la presse et la liberté d’expression, la tentative d’extradition de la Suède vise elle, à noircir le nom d’Assange et à trouver un autre itinéraire pour l’expédier dans une prison américaine.

Per Samuelson, l’un des avocats suédois de la défense d’Assange, a déclaré mardi à Reuters qu’il avait demandé que l’audience soit reportée après avoir rencontré Assange vendredi à la prison de Belmarsh. L’une des raisons de cette demande, dit-il, était que «l’état de santé d’Assange vendredi était tel qu’il n’était pas possible de mener une conversation normale avec lui».

«Je voulais dire par là qu’elle devrait être reportée jusqu’à ce que j’aie eu le temps de le rencontrer de nouveau et de passer en revue les questions de manière apaisée», a ajouté Samuelson. «J’ai suggéré de ne pas fixer de date précise, mais le tribunal de district a décidé maintenant qu’il n’en sera rien».

Selon des informations non confirmées de la presse suédoise et danoise, Assange a été transféré à l’hôpital de la prison.

Stefania Maurizi, journaliste italienne qui collabore étroitement avec Assange et WikiLeaks depuis dix ans, a tweeté mardi matin: «Suite aux articles de presse sur la santé de Julian Assange, je viens d'apprendre qu'il est très malade et qu'il est très inquiet. C'est un véritable scandale de voir comment sa santé a été minée par la détention arbitraire de la Suède et du Royaume-Uni. Je NE me tairai PAS».

Renata Avila, une avocate de premier plan spécialisée dans les droits de l’homme et la technologie qui a également travaillé avec WikiLeaks, a écrit: «Il avait besoin d’une aide urgente après son expulsion de l’ambassade. Au lieu de cela, on ne lui a pas permis de recevoir un traitement médical adéquat».

Avila a noté que le journaliste azerbaïdjanais Emin Huseynov avait passé environ un an à l’ambassade de Suisse à Bakou pour échapper aux persécutions politiques. Après cela, il lui avait fallu «au moins un mois de traitement pour revenir à la normale». Faisant allusion à la détention prolongée d’Assange à l’ambassade d’Équateur à Londres, Avila a commenté «Imaginez cela après 7 ans! Brutal».

En 2016, le Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire a déterminé qu’Assange avait été détenu arbitrairement à l’ambassade d’Équateur. Son séjour dans l’ambassade avait continué suite à des menaces de la police britannique de l’arrêter sur de fausses infractions aux conditions de sa liberté sous caution et devant la perspective de son extradition aux États-Unis.

Pendant son séjour à l’ambassade, Assange a été privé de la lumière directe du soleil et n’a pas pu recevoir de soins médicaux appropriés, dont un traitement pour une grave infection dentaire. Les médecins qui l’ont examiné à plusieurs reprises ont averti que la détention d’Assange causait des dommages potentiellement irréversibles à sa santé.

Depuis sa condamnation par un juge britannique peu après son arrestation le 11 avril, Assange est détenu dans des conditions très dures à la prison de Belmarsh. Il est limité à deux visites personnelles par mois. Ses communications sont soumises à de sévères restrictions.

Les conditions auxquelles il est confronté condamnent de façon accablante ceux qui ont déclaré pendant des années, y compris une foule de journalistes du Guardian, qu’Assange pouvait sortir de l’ambassade et bénéficier d’un traitement humain aux mains des autorités britanniques.

Le rejet de la demande de report de l’audition en Suède jette aussi une lumière supplémentaire sur la vendetta juridique internationale à laquelle Assange est soumis.

Selon les publications suédoises TT et Upsala Nya Tidning, Samuelson a déclaré qu’il ne pouvait communiquer avec Assange que par le biais de visites personnelles à Belmarsh. Il doit organiser ces visites bien à l’avance ou via des conférences depuis un cabinet juridique de Londres. Il ne peut pas contacter Assange depuis la Suède.

L’avocat aurait également déclaré que la Suède procéderait à l’audience du 3 juin devant le tribunal de district d’Upsalla, malgré que le mandat d’arrêt contre Assange et les élément de preuves à l’appui ne seront pas traduits en anglais avant le 10 juin.

Selon Upsala Nya Tidning, la procureur-en-chef adjointe de Suède Eva-Marie Persson avait joyeusement déclaré qu’il était seulement nécessaire qu’Assange soit informé du contenu du mandat. Il n’avait pas besoin d’en recevoir une copie dans une langue qu’il pouvait lire.

Ce rejet des droits juridiques fondamentaux d’Assange souligne le caractère politiquement motivé de la procédure suédoise. Persson avait déjà insisté pour que l’audience soit convoquée le 22 mai, avant même qu’Assange ait eu l’occasion de parler à ses avocats.

Les procureurs suédois ont rouvert l’«enquête préliminaire» au début du mois, après l’avoir abandonnée deux fois au cours des huit dernières années. Ils n’ont pas indiqué que de nouveaux éléments de preuve avaient été obtenus.

Les avocats de WikiLeaks ont déjà publié de nombreux documents pour démontrer que les allégations contre Assange avaient été concoctées. Des SMS de l’une des prétendues «victimes» en 2010, par exemple, déclaraient : «Je ne voulais pas porter d’accusations contre JA» et «c’est la police qui a inventé les accusations».

En 2017, les procureurs suédois ont abandonné l’enquête. Ils n’avaient jamais porté d’accusations officielles. Les allégations selon lesquelles ils n’ont pas pu poursuivre l’affaire parce qu’Assange se trouvait à l’ambassade d’Équateur à Londres étaient une fraude. Depuis 2010, les autorités suédoises ont inculpé par contumace un certain nombre de personnes se trouvant à l’étranger.

Les documents obtenus par la journaliste italienne Maurizi dans le cadre de demandes d’accès à l’information en 2017 et 2018 ont encore plus discrédité l’enquête. Ils ont démontré que le British Crown Prosecution Service (CPS) avait insisté en 2010 et 2011 pour que les autorités suédoises rejettent l’offre d’Assange de l’interroger en Grande-Bretagne ou par liaison vidéo, plutôt que de demander un mandat d’arrêt pour son extradition.

Ils ont également montré que les Suédois avaient envisagé d'abandonner l'enquête dès 2013. Le CPS britannique a insisté pour qu'ils continuent, l'avocat principal du CPS qui s'est occupé du dossier d'Assange les mettant en garde :« Ne vous avisez pas de vous dégonfler!!! »

D’autres courriels, dont un du FBI américain, adressé à la procureure suédoise Marianne Nye, ont été supprimés sans explication. Le FBI a joué un rôle central dans la campagne américaine visant à détruire WikiLeaks.

La campagne politique et juridique internationale sans précédent menée contre Assange souligne l’urgence pour les travailleurs, les étudiants et les jeunes de se porter à la défense du fondateur de WikiLeaks. Sa persécution vise à créer un précédent pour la suppression de l’opposition populaire croissante à la guerre, à l’inégalité et à l’autoritarisme.

Le WSWS appelle tous les défenseurs des droits démocratiques en Grande-Bretagne à assister à la prochaine audience d’Assange sur la demande d’extradition américaine, le jeudi 30 mai au Westminster Magistrates Court de Londres. Contactez-nous pour vous impliquer dans la lutte cruciale pour la liberté d’Assange.

(Article paru d’abord en anglais le 29 mai 2019)

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