Les États-Unis intensifient la menace de recours à la force contre l'Iran

Les deux principaux architectes de l'intensification de la guerre de l'impérialisme américain contre l'Iran sont en train d'effectuer une série de visites à l'étranger visant à pousser l'Europe à se ranger derrière la campagne d'agression de Washington et à renforcer l'axe anti-iranien soutenu par les États-Unis, composé des émirats pétroliers sunnites du Golfe Persique, menés par l'Arabie saoudite.

John Bolton, le conseiller américain pour la sécurité nationale, s'est rendu mercredi à Abu Dhabi, la capitale des Émirats arabes unis, pour lancer des allégations non fondées contre l'Iran et menacer d'une «réponse très ferme» par les États-Unis et leur machine de guerre.

C'est Bolton qui a annoncé le renforcement militaire contre l'Iran plus tôt ce mois-ci, avec l'envoi du groupe de frappe naval dirigé par le porte-avions USS Eisenhower et d'une escadre de bombardiers comprenant des B-52 à capacité nucléaire.

Depuis ce premier renforcement annoncé début mai, Washington a déployé un groupement tactique amphibie transportant des avions de guerre et des marines américains, une batterie de missiles Patriot et, à la fin de la semaine dernière, le déploiement de 1500 soldats supplémentaires pour renforcer les quelque 50.000 soldats déjà déployés dans une série de bases qui encerclent l'Iran. Le ministre américain de la défense, Patrick Shanahan, a déclaré que le dernier déploiement consiste en l'envoi de 900 soldats supplémentaires en Arabie saoudite et au Qatar, ainsi que de 600 hommes affectés à une batterie de missiles Patriot qui devait quitter la région en rotation mais qui sera maintenue en place.

Le Pentagone, quant à lui, a élaboré des plans pour le déploiement de 120.000 soldats dans la région, un nombre similaire à celui déployé avant l'invasion de l'Irak en 2003.

M. Bolton, qui, avant sa nomination au poste de conseiller à la sécurité nationale, avait fréquemment appelé à un changement de régime à Téhéran et rédigé une chronique pour le New York Times intitulé «To Stop Iran's Bomb, Bomb Iran» (Pour arrêter la bombe iranienne, bombardons l'Iran) a déclaré aux journalistes d'Abu Dhabi que la politique américaine sous le gouvernement Trump ne constituait pas un changement radical.

Le conseiller américain pour la sécurité nationale a blâmé l'Iran pour une attaque de sabotage présumée contre quatre navires au large des Émirats arabes unis, dont deux pétroliers appartenant à des Saoudiens, ainsi que pour une attaque par drone contre des stations de pompage de l'oléoduc est-ouest d'Aramco de la compagnie saoudienne Aramco, attaque revendiquée par les rebelles houthis en représailles à la guerre qui équivaut quasiment à une génocide, menée par Riyadh contre le Yémen. Il a également affirmé qu'il y avait eu une autre tentative d'attaque – qui n'avait pas précédemment été rapportée ni par les États-Unis ni par l'Arabie saoudite - sur le port pétrolier saoudien de Yanbu.

N'apportant aucune preuve, Bolton déclara que le prétendu sabotage des pétroliers saoudiens et des deux autres navires était le résultat de «mines navales presque certainement de l'Iran».

Le même Bolton en 2002 et 2003 insistait avec beaucoup plus que la «presque certitude» que le gouvernement de Saddam Hussein stockait des " armes de destruction massive " quand, en tant que sous-secrétaire d'État à la maîtrise des armements et aux affaires de sécurité internationale dans l'administration Bush, il était un des principaux défenseurs d'une guerre d'agression contre l'Irak.

Le ministère iranien des affaires étrangères a dénoncé Bolton comme un «belliciste» et a rejeté ses remarques comme une «accusation ridicule».

L'objectif transparent de Washington est de présenter l'Iran comme l'agresseur. C'est dans des conditions où l'impérialisme américain mène ce qu'il décrit comme une campagne de «pression maximale» contre ce pays de 83 millions d'habitants, une montée en puissance militaire incessante, tout en imposant de larges sanctions équivalant à un état de guerre, dans le but principal de réduire à zéro les exportations de pétrole de l'Iran et de créer des bouleversements sociaux en ruinant l'économie du pays.

Il y a un an, les États-Unis ont réimposé et intensifié les sanctions après avoir unilatéralement abrogé le Plan d'action global conjoint (Joint Comprehensive Plan of Action - JCPOA), connu sous le nom d'Accord nucléaire iranien, conclu en 2015 entre l'Iran, les États-Unis, les puissances européennes, la Russie et la Chine. En vertu de cet accord, Téhéran a fortement limité son programme nucléaire tout en se soumettant à un régime d'inspections intrusives en échange de la levée des sanctions et de la normalisation des relations économiques.

Récemment, Téhéran a annoncé une suspension de 60 jours de son engagement à plafonner sa production d'uranium enrichi et d'eau lourde afin de faire pression sur les puissances européennes pour qu'elles tiennent leur promesse de lancer un Instrument de soutien aux échanges commerciaux (INSTEX) pour contourner les sanctions américaines en facilitant les échanges avec l'Iran sans utiliser le dollar.

Si le quadruplement signalé de son taux de production d'uranium à 3,67 % laisserait Téhéran en conformité avec la JCPOA, l'augmentation l'amènerait bientôt à dépasser le plafond de 300 kilogrammes d'uranium faiblement enrichi stocké. En vertu du JCPOA, Téhéran est censée vendre tout uranium enrichi, ce qu'elle a fait à la Russie, mais elle ne peut plus le faire en raison des sanctions américaines.

Avec un cynisme absolu, M. Bolton a déclaré au sujet de l'action de l'Iran: «Il n'y a aucune raison pour eux de faire quoi que ce soit à moins que cela ne fasse partie d'un effort visant à réduire le temps nécessaire à la production des armes nucléaires». Il a ajouté: «C'est un problème très grave s'ils continuent à le faire.»

Il a prétendu que les actions de Téhéran avaient justifié la rupture de l'accord par Washington: «Il s'agit là d'une preuve encore plus flagrante que cela n'a pas entravé leur désir continu d'avoir des armes nucléaires. Cela n'a certainement pas réduit leurs activités terroristes dans la région dont nous venons de parler, ni leur comportement malveillant dans leur utilisation des forces conventionnelles.»

Téhéran a toujours nié avoir jamais cherché à mettre au point des armes nucléaires.

Le voyage de M. Bolton au Moyen-Orient a eu lieu à la veille d'un trio de conférences qui ont été convoquées jeudi en Arabie saoudite - l'Organisation des pays islamiques, la Ligue arabe et le Conseil de coopération du Golfe - dans le but flagrant d'exploiter la ville sainte islamique pour aligner les États membres derrière les intérêts prédateurs de la Famille Saoud qui sont poursuivis en alliance avec Washington contre l'Iran.

Pendant ce temps, le secrétaire d'État américain Mike Pompeo effectue une tournée en Europe dans le but d'intimider ses gouvernements pour qu'ils se subordonnent à l'effort de guerre de Washington contre l'Iran. Cela comprend des arrêts en Allemagne, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, ainsi qu'une visite à Montreux, en Suisse, pour la réunion annuelle du groupe opaque Bilderberg, afin de partager les plans de guerre de Washington avec un groupe de milliardaires et de hauts fonctionnaires qui ont juré de garder le secret sur ce qu'il révèle.

Avant l'arrivée de Pompéo, Washington a lancé une menace crue contre toute tentative de l'Europe de contourner les sanctions américaines écrasantes contre l'Iran.

L'agence de presse Bloomberg a rapporté dans une lettre envoyée le 7 mai par Sigal Mandelker, sous-secrétaire du département du Trésor chargé du terrorisme et du renseignement financier, que toute personne associée à Instex, le véhicule européen créé pour maintenir le commerce avec Téhéran en évitant le dollar américain et les institutions financières, pourrait être soumise à de sévères sanctions et interdit du système financier américain.

«Je vous demande instamment d'examiner attentivement les sanctions potentielles encourues par Instex», a écrit M. Mandelker dans la lettre adressée au président d'Instex, Per Fischer. «S'engager dans des activités qui vont à l'encontre des sanctions américaines peut avoir de graves conséquences, y compris une perte d'accès au système financier américain.»

Pendant ce temps, le régime de sanctions américain contre l'Iran s'est concentré sur un seul superpétrolier chinois, le «Pacific Bravo», qui a pris un chargement de pétrole brut sur l'île iranienne de Kharg et est reparti vers la Chine.

Washington a averti Hong Kong que s'il autorisait le navire à accoster ou à assurer son entretien, il pourrait faire l'objet de sanctions sévères pour violation du blocus américain contre l'Iran.

Le ministère chinois des affaires étrangères a publié une déclaration rejetant ces menaces. «Les transactions énergétiques normales entre l'Iran et la communauté internationale, y compris la Chine, qui s'inscrivent dans le cadre du droit international, sont raisonnables, légales et doivent être respectées et protégées», a-t-il déclaré.

De même, le Bureau du commerce et du développement économique de Hong Kong a répondu qu'il «appliquait strictement les sanctions décidées par les Nations Unies», qui n'imposent «aucune restriction sur l'exportation de pétrole en provenance d'Iran».

Cette impasse expose les véritables racines de la guerre contre l'Iran. Elles ne résident pas seulement dans le bellicisme maniaque de Bolton ou de Pompéo, mais dans la volonté de l'impérialisme américain de compenser le déclin de son hégémonie économique en s'emparant des pompes à pétrole du Moyen-Orient, du Venezuela et de la planète entière afin de dicter les conditions à son rival émergent, la Chine.

Étant lié aux rivalités de «grandes puissances» qui sont au centre de l'escalade du militarisme américain, un affrontement militaire avec l'Iran pourrait déclencher une troisième guerre mondiale menée avec des armes nucléaires. Une telle catastrophe mondiale ne peut être évitée que par la mobilisation politique indépendante de la classe ouvrière contre la guerre et sa source, le système capitaliste mondial.

(Article paru en anglais le 31 mai 2019)

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