Le ministre de l’Intérieur britannique signe la demande américaine d’extradition de Julian Assange

Le ministre britannique de l'Intérieur, Sajid Javid, s'est vanté jeudi d'avoir certifié une demande d'extradition américaine pour Julian Assange mercredi, un jour après que l'administration Trump ait officiellement demandé à Londres d'extrader le journaliste fondateur de WikiLeaks.

A la radio, Javid a lancé quelques paroles en l’air sur le fait que les tribunaux britanniques devraient approuver d'abord l'extradition, tout en exprimant clairement la détermination de la classe dirigeante britannique à remettre Assange à ses persécuteurs à Washington.

«D'abord, je suis très heureux que la police ait pu l'appréhender. A présent il est derrière les barreaux, à juste titre car il a enfreint la loi britannique», a-t-il déclaré à la BBC jeudi. «Une demande d'extradition des États-Unis sera devant les tribunaux demain, mais hier, j'ai signé l'ordonnance d'extradition...

«Cette décision relève en dernier ressort des tribunaux, mais le ministre de l’Intérieur a une part importante. Je veux toujours que justice soit faite et nous avons une demande d’extradition légitime, alors je l’ai signée.»

Il a prononcé ces paroles la veille de l'audience initiale de l'affaire Assange devant un tribunal d'instance à Londres. En reliant l'arrestation d'Assange le 11 avril et son emprisonnement immédiat au processus d'extradition, Javid n'a fait que souligner la conspiration des gouvernements américain, britannique et australien contre Assange, qui est un ressortissant australien.

Sous couvert d’accusations mineures qu’il se serait dérobé à la justice, la police a traîné Assange de son asile politique à l’ambassade équatorienne à Londres le 11 avril. Quelques heures plus tard, les procureurs américains ont déclaré qu'ils l'avaient accusé de complot pour avoir tenté d'accéder à un ordinateur classifié du gouvernement américain.

Tout comme Assange et les WSWS avaient averti dès 2010, Washington a ajouté 17 nouveaux chefs d'accusation, y compris des accusations en vertu de l'Espionage Act pour avoir reçu et publié des données classifiées, prétendument de concert avec Chelsea Manning, la courageuse lanceuse d’alerte et ex-analyste du renseignement. C’est une attaque frontale contre la liberté de la presse.

Ces accusations concernent la publication par WikiLeaks en 2010 de centaines de milliers de documents sur les crimes de guerre américains et alliés en Irak et en Afghanistan, la torture et les violations des droits de l'homme dans le camp de détention américain de Guantanamo Bay à Cuba, et les intrigues, la surveillance de masse et les coups d’état américains à travers le monde.

Dès l'arrestation d'Assange, le gouvernement britannique, à commencer par la Première ministre Theresa May, a salué l'opération de police. Javid lui-même a immédiatement tweeté pour prétendre faussement qu'il s'agissait de montrer que «personne n'est au-dessus de la loi».

C'est l’opposé qui est vrai. Londres et Washington bafouent les droits démocratiques fondamentaux, y compris le droit d'asile politique, la liberté de la presse et le droit à une procédure régulière. La santé d’Assange, incarcéré dans la tristement célèbre prison Belmarsh de Londres, se détériore sérieusement. En plus, comme l'a déclaré son père John Shipton cette semaine, on lui refuse toute possibilité de préparer sa défense contre l'extradition.

Londres fait tout son possible pour accélérer l'extradition vers les USA, foulant aux pieds un rapport du rapporteur spécial de l’ONU sur la torture, Nils Melzer. Citant les conclusions de médecins selon lesquels Assange subit une torture psychologique, Melzer a envoyé un rapport au Royaume-Uni, aux États-Unis, en Suède et en Australie, qui expose ses craintes sur l’avenir d’Assange.

«Mon inquiétude la plus urgente est qu'aux États-Unis, M. Assange soit exposé à un risque réel de violations graves de ses droits fondamentaux, dont sa liberté d'expression, son droit à un procès équitable et l'interdiction de la torture et d’autres peines cruelles, inhumaines ou dégradantes», a dit M. Melzer lors d’une déclaration concernant son rapport, qui n’a pas encore été publié.

Aux États-Unis, une parodie de justice se poursuit. Chelsea Manning est détenue indéfiniment, sans inculpation, pour la forcer à faire un faux témoignage contre Assange. WikiLeaks a aussi averti la semaine dernière que les États-Unis veulent relancer une tentative du FBI d’accuser faussement Assange de «piratage informatique» en Islande en 2011.

Ce traitement barbare d'Assange, suivi par les descentes policières sans précédent en Australie contre des journalistes la semaine dernière, a alarmé des millions de personnes dans le monde. Les journalistes et les travailleurs des médias de nombreux pays prennent la parole. Après des années de silence, les journalistes reconnaissent que la persécution d’Assange a préparé une offensive mondiale contre la liberté de la presse.

Cette semaine l'Association des journalistes allemands (DJV) a appelé les autorités britanniques à libérer Assange: «On accuse le fondateur de WikiLeaks de quelque chose qui ne devrait pas être une infraction pénale: complicité de trahison par la publication.» Tina Grudge, cheffe du syndicat des journalistes allemands (DJU), a souligné «une intervention massive contre la liberté de la presse garantie par la Constitution» si Assange était extradé vers les USA, car il y aurait un effet «dissuasif sur d’éventuels lanceurs d’alerte», et «de graves conséquences pour le travail des médias».

Tout comme l'administration Trump, Londres veut à tout prix voir Assange enfermé à vie, malgré la colère croissante des travailleurs, des étudiants, des jeunes et des défenseurs des libertés civiles.

La tentative de museler WikiLeaks et d'intimider tous les lanceures d’alerte sont directement liés à la préparation de crimes de guerre et d'abus antidémocratiques encore plus graves. Soutenus par leurs alliés, notamment la Grande-Bretagne et l'Australie, les États-Unis intensifient leur agression contre la Chine, l'Iran, le Venezuela et la Syrie dans le cadre de leurs efforts pour rétablir l'hégémonie mondiale qu'ils ont acquise pendant la Seconde Guerre mondiale.

Assange doit comparaître par liaison vidéo depuis la prison lors de l’audience d'extradition vendredi, si son état de santé le permet. A en juger de l'emprisonnement rapide d'Assange sans audience appropriée, les juges chercheront sans doute à accélérer le processus de son extradition.

Les avocats d'Assange s’opposeront à son extradition, probablement en arguant qu’il ne serait pas jugé équitablement aux États-Unis, les accusations contre lui portant sur des crimes «politiques».

Sur le plan juridique, Assange peut faire appel de toute décision du tribunal d'instance et retarder ainsi l'extradition de quelques mois. Une fois les procédures judiciaires terminées, cependant, Javid, ou le prochain ministre britannique de l'Intérieur, peut rapidement approuver l'extradition.

À ce stade final, le ministre de l'Intérieur doit certifier qu'Assange n'encourra pas la peine de mort et qu’Assange ne sera accusé que des infractions pour lesquelles il est extradé. Mais il y a des exceptions, et une fois qu'Assange sera emprisonné aux USA, ces assurances seront sans valeur.

Les partisans de WikiLeaks et des droits démocratiques organisent cette semaine des rassemblements internationaux contre le processus d'extradition américain et pour exiger la liberté d'Assange et de Manning.

En Australie, le Socialist Equality Party (SEP) organise une nouvelle série de rassemblements à Sydney, Melbourne et Brisbane. Il exige que le gouvernement australien remplisse ses obligations envers Assange en tant que citoyen en utilisant ses pouvoirs légaux et diplomatiques pour assurer son retour immédiat en Australie, avec une garantie contre l'extradition vers les États-Unis.

En France, le Parti de l’égalité socialiste organise le 23 juin une réunion publique à Paris pour défendre Julian Assange. Nous exhortons tous nos lecteurs à rejoindre la lutte mondiale menée par les Partis de l’égalité socialiste et le WSWS.

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