Tous les regards sont tournés vers le sommet du G20 sur la réunion Trump-Xi

La question clé du sommet G20 de deux jours qui débute aujourd’hui à Osaka, au Japon, ne figure pas à l’ordre du jour officiel. Elle sera le résultat des discussions entre le président américain Donald Trump et le président chinois Xi Jinping en dehors des réunions plénières du G20.

La réunion parallèle est largement considérée comme la dernière chance de relancer les négociations commerciales qui ont échoué début mai. Trump a accusé les Chinois de revenir sur leurs engagements antérieurs et a menacé d’imposer des droits de douane de 25 pour cent sur 300 milliards de dollars supplémentaires de produits chinois. Avec les droits de douane précédents, les nouvelles mesures couvriraient la quasi-totalité des importations chinoises aux États-Unis.

La réunion Trump-Xi d’une heure et demie, prévue pour samedi matin, n’annoncera pas un accord commercial. De grandes divergences existent encore entre les deux parties sur des questions essentielles. Toutefois, un accord pour reprendre les discussions au plus haut niveau entre les fonctionnaires pourrait se faire.

L'on a évoqué cette possibilité lundi lorsque le principal négociateur commercial chinois, le vice-premier ministre Liu He, et son homologue américain, le représentant commercial américain Robert Lighthizer, ont eu une conversation téléphonique.

Aucun détail de la conversation n’a filtré. Le ministère chinois du Commerce a publié une brève déclaration qui disait que l’appel c’était à la demande des États-Unis et qu’il s’agissait d’un «échange d’opinions sur des questions économiques et commerciales».

Depuis l’échec des pourparlers, la perspective d’un accord a considérablement diminué. La question d’un «mécanisme d’exécution» demeure. Les États-Unis exigent qu’on leur permette de conserver leurs droits de douane jusqu’à ce qu’ils déterminent que la Chine se conforme à tout accord. La Chine insiste pour que tous les tarifs punitifs soient supprimés.

Un autre point d’achoppement sera l’interdiction imposée par les États-Unis qui empêche l’entreprise technologique chinoise Huawei d’acheter des composants et des logiciels à des fournisseurs américains — une mesure conçue pour paralyser ses activités mondiales.

Un rapport du Wall Street Journal, citant un responsable chinois, a déclaré que la Chine insistait pour que les États-Unis lèvent l’interdiction de Huawei dans le cadre de tout accord. Dans un briefing hier, un porte-parole du ministère chinois du Commerce a appelé les États-Unis à «annuler immédiatement les mesures de répression et de sanction contre Huawei et d’autres entreprises chinoises».

Toute avancée dans cette direction est extrêmement improbable. Des sections clés de l’armée et des agences de renseignement américaines, ainsi que leurs porte-parole au sein des partis Démocrate et Républicain, considèrent ces interdictions comme essentielles. Ils invoquent des raisons de «sécurité nationale» afin de maintenir la suprématie américaine dans la haute technologie.

L’un des principaux faucons Démocrates anti-Chine, le leader de la minorité au Sénat, Chuck Schumer, a exigé que Trump ne cède pas aux exigences chinoises. Il a déclaré que le président «ne peut pas s’adoucir maintenant et accepter un mauvais accord qui ne parvient pas à réformer les politiques économiques rapaces de la Chine. Notamment: il s’agit du cyber-espionnage, des transferts forcés de technologie et pire que tout, le refus d’accès au marché».

Du côté républicain, le sénateur Marco Rubio a déclaré que les fonctionnaires du ministère du Commerce lui avaient dit que Trump ne modifierait pas la position américaine sur Huawei dans le cadre de tout accord commercial. Il l’a dit au Wall Street Journal: «Ce n’est pas vraiment une question commerciale, mais premièrement une question de sécurité nationale. Deuxièmement, c’est un signal d’alarme à l’intention des États-Unis sur la façon dont nous devons contrer la politique industrielle chinoise.»

Le résultat le plus probable, mais en aucun cas certain, de la réunion Trump-Xi est un accord pour reprendre les négociations. En même temps, Trump pourrait retenir les mesures tarifaires additionnelles et éventuellement réduire les nouvelles mesures menacées à 10 pour cent.

Cependant, pour reprendre la rhétorique employée par Trump au sujet des menaces militaires contre l’Iran, les mesures supplémentaires de guerre commerciale contre la Chine sont «chargées et armées». Les discussions aux États-Unis sur l’opportunité des nouveaux tarifs menacés, impliquant des soumissions des entreprises concernées, sont terminées et les nouvelles mesures peuvent être imposées rapidement.

Si la Chine est l’une des priorités de l’agenda «l’Amérique d’abord», elle n’est en aucun cas la seule cible. Dans les jours qui ont précédé le sommet, Trump s’en est pris à de supposés alliés américains.

Le président a déclaré cette semaine à la chaine «Fox Business» que l’alliance de défense américano-japonaise était déséquilibrée. Si le Japon était attaqué, les États-Unis entreraient et «méneraient la Troisième Guerre mondiale» mais «si nous sommes attaqués, le Japon n’a pas besoin de nous aider du tout. Ils peuvent le regarder sur une télévision Sony.»

L’attaque contre le Japon est liée à une intervention récente du Premier ministre japonais Shinzo Abe pour tenter d’apaiser les tensions en Iran. Trump cherche à utiliser le G20 pour faire pression en faveur d’un soutien international d’actions renforcées et de sanctions accrues contre l’Iran. Actions que les États-Unis ont déjà lancées depuis leur abrogation unilatérale du traité nucléaire de 2015.

Les signes de la pression exercée par Washington sur le Japon sont également évidents dans un projet de communiqué du sommet, que le Japon est en train de rédiger en tant que pays hôte. Selon un rapport du Financial Times, le projet omettait les références au «réchauffement climatique» et à la «décarbonisation» et minimisait l’accord de Paris sur le climat, dont les États-Unis se sont retirés. Selon le rapport, ces omissions étaient «une tentative d’apaiser» les États-Unis.

Les États-Unis exigent que le Japon fasse d’importantes concessions commerciales, soutenues par la menace d’imposer des droits de douane de 25 pour cent sur les voitures et les pièces automobiles pour des raisons de «sécurité nationale».

Cette menace plane également sur l’Union européenne. Elle a subi des pressions dans les négociations commerciales bilatérales en juillet dernier lorsque Trump s’est vanté que la possibilité de mesures tarifaires et que le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker se rendre à Washington et accepter des négociations. Mais les négociations n’ont guère progressé en raison de l’insistance des États-Unis pour que l’agriculture soit incluse, une question que l’UE maintient hors des négociations.

Dans la perspective du G20, Trump a fait exploser l’Europe sur deux fronts: la politique de concurrence et les valorisations monétaires.

Cette semaine, il a dénoncé Margrethe Vestager, commissaire européenne chargée de la concurrence. Cela faisait suite à l’ouverture d’une procédure antitrust contre le fabricant de puces américain Broadcom, l’accusant de recourir à des «restrictions contractuelles» avec les fabricants de décodeurs de télévision pour exclure ses concurrents.

Vestager a également pris des mesures contre Amazon, Apple et Google pour abus de position dominante et évasion fiscale. Trump a dit à la chaine «Fox Business» que Vestager «déteste les États-Unis peut-être plus que toute autre personne que j'ai rencontrée.» Trump a déclaré: «Ce qu’elle fait à notre pays ! Elle poursuit toutes nos sociétés.»

Plus tôt ce mois-ci, Trump a pris pour cible le président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, l’accusant de manipulation de devises. C’était après que Draghi ait annoncé un nouvel assouplissement de la politique monétaire, faisant baisser l’euro par rapport au dollar.

Trump est revenu sur la question des devises dans son entretien avec Fox. Il s'en est de nouveau pris à la Réserve fédérale américaine, qualifiant sa politique monétaire de «folle». Le président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, faisait un «mauvais travail». Trump déclaré: «Il doit baisser les taux d’intérêt pour qu’on puisse concurrencer la Chine. S’ils dévalorisent et qu’on ne peut pas, on n’est plus sur un pied d’égalité.»

Trump a affirmé que si la Réserve fédérale abaissait les taux d'intérêt et reprenait l'assouplissement quantitatif, l'indice Dow de Wall Street serait supérieur de 10.000 points.

Le virage de Trump vers les questions monétaires indique que la guerre économique menée contre la Chine et le reste du monde s’élargit. Depuis la crise financière mondiale de 2008, le G20 a souligné que les dévaluations monétaires doivent être évitées à tout prix. Aujourd’hui, ils sont ravivés par le président américain.

Fait significatif, comme dans le cas de la Chine, Trump reçoit l’appui du Parti démocrate.

Plus tôt ce mois-ci, la candidate démocrate à la présidence Elizabeth Warren a appelé à une politique de «gestion active» du dollar américain. Faisant écho à Trump, elle a déclaré que la gestion de la monnaie américaine «promouvrait les exportations et la fabrication intérieure». Elle a reproché aux investisseurs étrangers et aux banques centrales d’avoir «renforcé la valeur de notre monnaie pour leur propre avantage».

L’effet de l’intensification de la guerre commerciale mondiale a été mis en évidence par la société danoise, A.P. Moller-Maersk. Cette société possède environ 20 pour cent de la capacité totale de conteneurs de transport. Il a déclaré que le conflit entre les États-Unis et la Chine pourrait réduire d’un tiers cette année la croissance des volumes mondiaux transportés par des conteneurs.

Un analyste de conteneurs de transport l’a dit au Wall Street Journal: «L’optimisme que nous avions il y a quelques semaines quand nous pensions qu’un accord commercial serait signé entre les États-Unis et la Chine s’est évaporé.»

L’Ordre économique international depuis la Seconde Guerre mondiale s’effondre. Un rapport préparé par l’Organisation mondiale du commerce pour le sommet du G20 le souligne. Il indique que le nombre de mesures de restriction des échanges imposées entre octobre 2018 et mai 2019 était trois fois et demie supérieure à la moyenne depuis qu’il a commencé à surveiller la politique commerciale en 2012.

(Article paru d’abord en anglais le 28 juin 2019)

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