La dépouille de Steve Caniço retrouvée dans la Loire à Nantes

Lundi soir, on a découvert la dépouille de Steve Maia Caniço, mort noyé dans la Loire lors d’une violente descente policière contre un festival de musique techno, quai Wilson à Nantes le 22 juin.

Hier, les analyses dentaires ont confirmé que le corps repêché dans la Loire était le sien. Cécile de Oliveira, l’avocate de la famille Caniço qui s’est constituée partie civile, a déclaré que «C’est bien le corps de Steve qui a été retrouvé.» Son corps, découvert par Nicolas Le Bodo, le pilote d’une navette fluviale, flottait près d’un ponton à plus d’un kilomètre de l’endroit où on l’avait vu pour la dernière fois, le soir de la Fête de la musique. Ceci n’est pas surprenant, selon de Oliveira, «au vu de la complexité des effets des marées et des courants de la Loire.»

Sa mort est imputable à l’intervention violente de la police, et plus largement du climat d’impunité policière cultivée par la bourgeoisie depuis l’instauration de l’état d’urgence en France en 2015. La réaction des milieux officiels constituent un avertissement sur la nature meurtrière de d’État policier qu’établit l’aristocratie financière à travers l’Europe. Elles interpellent les travailleurs non seulement en France mais à travers l’Europe et au-delà.

L’État tente froidement de nier ou d’obscurcir le rôle de l’intervention de la police dans la mort de Caniço, un jeune animateur périscolaire connu et apprécié pour sa douceur et les amitiés qu’il nouait avec les enfants. Le premier ministre Édouard Philippe a carrément déclaré que les faits à sa disposition n’établissaient pas «de lien entre l'intervention de forces de police et la disparition». Il a proposé une investigation focalisée sur «les conditions d’organisation de l’événement par les pouvoirs publics, mairie et préfecture, ainsi que les organisateurs privés».

Pierre Sennès, le procureur de la République à Nantes, a refusé expressément hier de certifier l’identité du défunt. Il a toutefois annoncé que «l’information judiciaire en recherche des causes de la disparition» de Caniço venait d’être «clôturée par le magistrat instructeur». Il a ouvert «une information judiciaire contre X du chef d’homicide involontaire.»

Ce qui motive ces déclarations est une volonté non pas d’éclaircir comment l’intervention de police a ôté la vie à une personne innocente, mais d’étouffer les faits tout en encourageant les forces de l’ordre à continuer leurs violences meurtrières contre la montée de l’opposition sociale. Déjà, le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner a décoré les policiers qui ont tué Zinab Redouane ou tabassé Geneviève Legay lors d’interventions contre les «gilets jaunes». Macron avait déjà déclaré que le plus important dans ce dossier est que «le calme doit revenir dans le pays».

Pourtant, les faits accablants pour les policiers et les hauts responsables qui les couvrent sont déjà connus et largement diffusés sur les réseaux sociaux ainsi que dans la presse.

Caniço était présent au festival techno contre lequel une unité de police est intervenue brutalement avec tirs de Tasers, de balles de défense et de lacrymogènes quand le festival pacifique s’est prolongé une demie heure après sa fin programmée à 4h. Comme l’établit une vidéo de l’intervention publiée par Libération, la foule criait «Attention, il y a la Loire derrière» alors que les policiers ont commencé à tirer. La police a chargé quand même.

Même des dirigeants des forces de sécurité ont mis en cause la décision d’intervenir, prise par le commissaire qui commandait les forces de l’ordre. Le dirigeant régional Pays de la Loire du syndicat SGP-Police, Philippe Boussion, a traité cette décision d’ «ordre aberrant», car on «n’intervient pas à 4 h 30 du matin avec vingt policiers au milieu d’un millier de personnes potentiellement alcoolisées pour une opération à la finalité très relative.»

Les proches de Steve l’ont aperçu pour la dernière fois peu avant l’intervention de la police, en train de se reposer entre deux sound-system. Parmi les 14 personnes qui sont tombées dans la Loire lors d’un mouvement de panique de la foule face aux charges de police, une seule n’est pas remontée à la surface. Steve ne savait pas nager et, peu après l’intervention de la police, son téléphone ne répondait plus. C’était la seule personne disparue lors du festival techno.

La police est intervenue quand les DJ ont fait jouer une chanson punk, Porcherie des Bérurier noir. Selon Jérémie Bécue, opérateur en industrie chimique tombé dans la Loire lors de l’assaut de la police, c’est quand les DJ ont décidé de «remettre une dernière chanson, un chant antifa que tout le monde connaît», que « les gaz lacrymogènes sont partis. Alors que rien n’avait volé. Aucun projectile … Les policiers ont gazé sans sommation. »

Vu que la police constitue une base électorale du néo-fascisme, la question se pose si l’intervention était le résultat d’une décision consciente de réprimer l’expression de sentiments antifascistes.

L’homicide d’un innocent, et la décision des plus hauts responsables le couvrir, provoquent la colère et nourrit une prise de conscience politique parmi des masses de gens en France. Alexane, une livreuse amie de Steve Caniço, a déclaré: «Quand j’étais enfant, on m’a élevée avec l’image de la France comme pays des droits de l’Homme et de la liberté. Mais plus je grandis, et plus je trouve cette image faussée. Les autorités, les élus, tout va bien pour eux. Nous, citoyens lambda, on fait un pas de travers et on s’en prend plein la gueule.»

La déclaration de Macron l’année dernière, selon laquelle le dictateur fasciste Philippe Pétain était un «grand soldat», n’était pas simplement une falsification de l’histoire. Elle exprimait aussi le caractère de la politique menée par Macron, sur fond d’une montée internationale de la lutte des classes. La répression des «gilets jaunes» en France, d’électeurs pacifiques lors du référendum d’indépendance catalane en octobre 2017, et des manifestants au G20 à Hambourg souligne que l’aristocratie financière construit des États policiers violents à travers l’Europe.

Ceci est directement liée à la montée des inégalités et des tensions sociales. Suivant la politique de tous les régimes capitalistes d’Europe, Macron répudie la retraite par répartition, le statut des fonctionnaires, le financement de la Sécurité sociale et d’autres acquis du 20e siècle afin d’enrichir les classes possédantes et renforcer l’appareil militaire national.

Macron admire Pétain parce qu’il a dirigé un régime qui a mis en application, à une échelle de masse, le type de répression dont l’aristocratie financière compte se servir à présent pour réprimer l’opposition des travailleurs à la régression sociale qu’elle compte leur imposer.

Le Parti socialiste (PS) et sa périphérie tentent pour l’heure de écupérer la colère provoquée par la mort de Steve Caniço. Johanna Rolland, la maire PS de Nantes, a exigé « des réponses précises et publiques » aux questions soulevées par l’opération de police «au cours de laquelle, juge-t-elle, il a été fait un usage de la force qui apparaît disproportionné.» De même, des élus la France insoumise, formation liée aux syndicats de police, se sont pris en photo avec des affiches «Où est Steve?».

L’homicide de Steve Caniço a démontré que la montée des violences militaro-policières et de l’austerité sociale est liée à des problèmes sociaux, politiques et historiques bien plus profonds que le toilettage en surface des politiques policières proposé par des formations comme le PS ou LFI. La lutte contre les violences policières est inséparable de la lutte des travailleurs pour renverser le capitalisme et établir des gouvernements ouvriers à travers l’Europe et dans le monde, basés sur la réorganisation socialiste de la société.

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