L’État français interdit les manifestations contre la police et l’homicide de Steve Caniço

Sur fond d’éruption de colère contre l’homicide par la police de l’animateur périscolaire Steve Maia Caniço pendant la Fête de la musique à Nantes, le régime d’Emmanuel Macron interdit aujourd’hui des manifestations et dénonce toute opposition aux violences policières.

Hier le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner a approuvé la décision du préfet de police à Nantes, Claude d’Harcourt, d’interdire les manifestations contre la mort de Caniço et les tentatives de l’État de couvrir le rôle de la police. «Je comprends parfaitement la volonté d'un hommage mais je ne connais pas d'hommage qui se fasse dans la violence», a affirmé le ministre. «Cela n’existe pas. Si certains veulent semer la violence, avant ou ailleurs, et récupérer cet évènement, c’est insupportable… »

Jeudi, d’Harcourt avait interdit les manifestations dans de larges sections de la ville. Sa déclaration relevait qu’un «appel à rassemblement» «circule actuellement sur les réseaux sociaux», affirmant sans fournir la moindre preuve qu’un tel évènement serait «renforcée par la présence des manifestants ultras et d’individus extrêmement radicaux de type ‘black bloc’ ». Selon lui, leurs « agissements illégaux excèdent le cadre de la liberté de manifestation et les caractéristiques d’un mouvement revendicatif ».

Cette politique officielle foule aux pieds les droits démocratiques. A partir seulement de vagues affirmations selon lesquelles des individus « de type black bloc » pourraient manifester, la police interdit dans les faits une manifestation sociale contre sa propre violence meurtière. D’Harcourt a aussi menacé de faire réprimer les manifestants par la police, en déclarant vendredi lors d’une conférence de presse que « le gouvernement et le ministre de l'intérieur nous a donné ce dont nous avions besoin ».

Les premières manifestations se déroulent déjà à travers la France. A Lille entre 250 et 500 personnes ont manifesté contre les violences policières vendredi soir. A Dijon, 200 personnes ont défilé avec des ballons blancs. «Ce qui est arrivé à Steve m'a beaucoup touché», a déclaré un manifestant à Dijon. «Ça aurait pu être n'importe qui, un de mes frères, un ami à moi. On a voulu lui rendre hommage"»

On a retrouvé le corps en décomposition de Steve Caniço dans la Loire mardi après-midi. On le supposait mort depuis la descente militarisée de la police contre la Fête de la Musique à Nantes contre un festival techno pacifique au matin du samedi 22 juin. Alors que la foule paniquée fuyait les balles de dèfense, les tasers, les chiens d’attaque et les bâtons de la police à travers une nuée de gaz lacrymogène, au moins 14 sont tombés du quai Wilson, où se déroulait le festival, dans la Loire. Caniçom qui ne savait pas nager, n’a jamais refait surface.

Macron donne un blanc-seing aux comportements les plus violents et barbares des forces de l’ordre afin d’intimider et au besoin d’étrangler la montée de l’opposition parmi les travailleurs. D’un côté, l’État rejette de manière éhontée les preuves largement reconnues, y compris des vidéos qui établissent la responsabilité de la police dans la mort de Caniço. De l’autre, il tente d’intimider les travailleurs et les jeunes avec l’appareil de répression dont il dispose.

Ainsi Macron, pour justifier l’action de la police, a déclaré aux reporters le 20 juillet que « il ne faut pas oublier le contexte de violences dans lequel notre pays a vécu », avant de conclure: « le calme doit revenir dans le pays ».

Philippe a cité la déclaration du rapport que « aucun élément ne permet d’établir un lien direct entre l’intervention des forces de l’ordre et la disparition de Steve Maia Caniço ». Le rapport a nié qu’il y ait eu une « charge » de la police ou un « bond offensif » contre les jeunes au festival de musique. Philippe a préféré tenter de rendre responsable de la mort de Caniço les organisateurs du festival, qui s’était déroulé dans le calme jusqu’à sa conclusion, que le police a attaquée. Il a déclaré qu’il y a « des interrogations sur la préparation de cet événement ».

Personne ne croit sérieusement à de telles déclarations qui étaient discréditées dès que’elles étaient faites. Un de ceux qui sont tombés dans la rivière, Jeremy, âgé de 24 ans, a dit à Médiapart: «J’avais les yeux qui me brûlaient, j’ai senti mon pied aller dans le vide. Je ne voyais rien, j’ai essayé de nager, je faisais du surplace. Je me suis accroché à une corde sur le côté, je ne voyais pas les autres tomber mais je les entendais».

89 personnes qui étaient présentes au festival de musique à Nantes ont porté plainte contre la police après la descente. Aucun de ces témoins oculaires n’a été interviewé par l’IGPN, qui s’est fié entièrement aux déclarations des policiers.

Un de ceux qui avaient porté plainte, Romain, un photographe de 33 ans, a déclaré mercredi qu'il avait passé des heures au commissariat et fait face à des « ordres et des contre-ordres » contradictoires de la part de la police pour pouvoir faire une déclaration à l'IGPN. Depuis, la police a dit qu'elle ne peut plus citer ses déclarations, prétendument parce qu'ils lui avaient demandé de leur fournir une autre déclaration par mail sur ce sujet—mail que Romain dit n'avoir jamais reçu.

Romain était présent avec sa compagne et sa petite sœur. « Je n’ai même pas vu d’uniforme de policiers au départ, » a-t-il dit. Ce qu’il avait pris d’abord pour un fumigène « a atterri à mes pieds. Tout de suite, on a suffoqué, on a compris qu’il s’agissait de lacrymo. Quand j’ai rouvert les yeux, tout le monde partait n’importe où. J’ai cherché ma compagne et j’ai vu sa robe verte qui se dirigeait vers la Loire. J’ai couru vers elle et je l’ai rattrapée par le bras à 50 cm de la Loire. On a fait demi-tour pour se mettre à l’abri. C’est terrible mais à ce moment-là, on a croisé des gens qui avançaient vers le fleuve, j’ai crié ‘N’avancez pas, il y a la Loire.’ On n’a rien pu faire, j’ai entendu les cris et le bruit des corps qui tombent dans l’eau. »

Des vidéos tournées sur des téléphones portables, rassemblées en une seule vidéo, montrent la police en train d’asperger les manifestants de gaz lacrymogène alors même que les jeunes avertissaient que la rivière était derrière le festival et que des personnes étaient déjà tombées dedans.

La classe politique tente d’étrangler l’éruption de la colère populaire contre la mort de Caniço en proposant des réformes de la police et des investigations prétendument «indépendantes» menées par l’État.

Martine Aubry du Parti socialiste a déclaré que «On ne peut pas être dans un pays où l'on doute de la police, ça n'est pas possible. C'est vraiment épouvantable que dans notre pays, il faille attendre autant de jours pour retrouver un corps et qu'on ait aujourd'hui autant d'interrogations auxquelles les enquêtes officielles ne répondent pas». Bref, ce qui inquiète le PS et mobilise ce sont les nombreux mouvement d’opposition indépendante qui existent parmi les travailleurs. Les mensonges du gouvernement sont si grossiers, toutefois, qu’ils menacent de décrédibiliser tous les appareils répressifs de l’État aux yeux des travailleurs et d’enflammer l’opposition.

C’est pour cela que le PS comme La France insoumise de Jean Luc Mélenchon n’ont proposé que des investigations parlementaires des évènements à Nantes, afin d’essayer d’étouffer l’opposition ouvrière aux violences policières, en en faisant organiser des investigations qui ne mèneront à rien.

Le PS et LFI sont des parties de l’appareil d’État profondément intégrés dans le milieu policier. Les deux ont apporté leur soutien au vaste développement de l’État policier en France ces quatre dernières années, y compris en votant l’état d’urgence proposé par le PS en 2015.