Les craintes d'une récession mondiale font chuter Wall Street

Les marchés boursiers américains ont connu leur plus forte chute de l'année mercredi, alors qu'il y avait des signes évidents d'une crise financière croissante et d'un ralentissement de l'économie mondiale, avec des perspectives accrues d'une récession. Les indices boursiers de Wall Street ont ouvert en baisse significative et ont continué à baisser tout au long de la journée. Le Dow Jones a reculé de 800 points, soit 3 %, le S&P 500 a chuté de 2,9 % et l'indice Nasdaq des titres technologiques a chuté de plus de 3 %.

Une confluence de facteurs a contribué à la chute du marché: les signes évidents d'une contraction mondiale ; la baisse continue des rendements obligataires ; la reconnaissance croissante du fait que la stimulation monétaire des banques centrales mondiales ne va pas entraîner une reprise de l'économie mondiale ; une crise financière en Argentine ; la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine ; l'instabilité politique en Europe comme en témoignent la crise Brexit et la chute du gouvernement italien ; et la montée des oppositions sociales dans la classe ouvrière, dont témoignent les 10 semaines de manifestations et manifestations à Hong Kong.

Le jour de Bourse s'est ouvert sur la nouvelle que l'économie allemande s'était contractée de 0,1 % au deuxième trimestre, après un ralentissement similaire en Grande-Bretagne, mettant les deux économies en route pour une récession, marquée par deux trimestres consécutifs de croissance négative. La baisse en Allemagne a été un revirement brutal par rapport au premier trimestre, où l'économie allemande avait connu une croissance de 0,4 pour cent.

Cette baisse s'explique principalement par la contraction des exportations, ce qui reflète les incertitudes liées à la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine et l'intensification de la lutte pour les marchés de l'industrie automobile, dont l'économie allemande est fortement dépendante. Il n'y a aucun signe de reprise et une enquête auprès des analystes financiers publiée mardi a montré que le climat économique avait chuté à son plus bas niveau depuis la crise financière de la zone euro en 2011.

Le marché de l'emploi est en baisse aux États-Unis. Seuls 1000 nouveaux emplois ont été créés en juin, contre 44.000 en moyenne au cours des cinq dernières années, car une série de grandes entreprises ont commencé à introduire le travail à temps partiel.

L'impact des conflits commerciaux sur la production s'est également reflété dans les données de la Chine qui ont montré que la production industrielle à valeur ajoutée n'a augmenté que de 4,8 % en juillet, contre une hausse de 6,3 % en juin et une croissance inférieure aux prévisions du marché de 5,9 %.

L'une des évolutions les plus significatives des bouleversements de mercredi a été l'émergence d'une courbe de rendement inversée sur les marchés obligataires. Il s'agit d'une situation dans laquelle le rendement de la dette publique à long terme est inférieur à celui des obligations à court terme. Ce phénomène est considéré comme l'un des indicateurs les plus précis de la récession, car les investisseurs recherchent un «refuge sûr» dans les obligations à plus long terme, poussant leur prix à la hausse et réduisant ainsi leur rendement.

Mercredi, l'écart entre le rendement de la dette publique à deux ans et à dix ans aux États-Unis et au Royaume-Uni est entré en territoire négatif. C'est la première fois que cela se produit aux États-Unis depuis 2007, à la veille de la crise financière mondiale et de la récession.

Partout dans le monde, les banques centrales intensifient leur stimulation monétaire ou s'apprêtent à le faire. La Réserve fédérale américaine a réduit son taux de 0,25 point de pourcentage le mois dernier et devrait le faire à nouveau en septembre, alors que les marchés financiers s'attendent de plus en plus à une baisse de 0,5 %. La Banque centrale européenne a également indiqué qu'elle s'apprête à introduire plus de stimulation monétaire le mois prochain, soit en réduisant davantage les taux, soit en étendant son programme d'achat d'actifs.

Mais il est clairement reconnu que les diverses formes de stimulation monétaire pratiquées par les banques centrales du monde entier depuis la crise financière de 2008, introduites en prétendant qu'elles stimuleraient à terme la croissance économique, ont peu ou pas d'effet sur l'économie réelle et que les banques centrales «poussent sur une corde»: une expression développée pour la première fois dans la Grande Dépression des années 1930, qui indique l'échec de la politique monétaire.

«La Fed n'a pas le remède contre un ralentissement économique ou une récession», a déclaré au Wall Street Journal Kristina Hopper, stratège en chef des marchés chez Invesco, une importante société d'investissement mondiale. «Mais je pense que la Fed a l'antidote contre le plongeon boursier», a-t-elle poursuivi, exprimant la demande des élites financières d'injecter encore plus d'argent dans le système financier, quelles qu'en soient les conséquences.

Bien que cela puisse donner un coup de fouet à court terme aux marchés pour l'oligarchie financière, cela accroît l'instabilité du système financier mondial, comme en témoigne le fait qu'un quart de toutes les obligations dans le monde, d'une valeur de quelque 15 mille milliards de dollars, se négocient maintenant à des rendements négatifs, ce qui signifie que si un investisseur les détenait jusqu'à échéance, il subirait une perte.

Les conséquences de cette instabilité et l'impact des facteurs politiques ont été démontrés en Argentine lundi dernier lors d'un plongeon massif du marché après que le président argentin Mauricio Macri, considéré comme «libéral économique», eut été largement battu lors des élections primaires tenues ce week-end. Le principal indice boursier a chuté de 37 % en pesos et de 48 % en dollars en raison de la baisse de la valeur de la monnaie, ce qui en fait le deuxième plus important recul sur une journée sur l'un des 94 marchés suivis par Bloomberg depuis 1950.

Le Financial Times a rapporté que, selon ses calculs, les fonds obligataires gérés par Michael Hasenstab de la firme américaine Franklin Templeton, qui avait fortement investi dans la dette argentine, avaient perdu près de 1,8 milliard de dollars en une seule journée.

Plus tôt cette semaine, l'administration Trump a tenté de freiner la chute des marchés en annonçant un assouplissement de l'introduction de nouveaux tarifs sur des produits chinois supplémentaires d'une valeur de 300 milliards de dollars.

Le représentant américain au Commerce Robert Lighthizer, qui s'est largement opposé à l'imposition des nouvelles taxes, a annoncé que les droits de douane, qui doivent entrer en vigueur le 1er septembre, seraient reportés au 15 décembre pour certains articles comme les téléphones cellulaires, les ordinateurs portables et les jeux vidéo. D'autres éléments seraient entièrement retirés de la liste pour des raisons de «santé publique, de sécurité nationale et d'autres facteurs». Dans l'ensemble, l'extension s'appliquera à des biens d'une valeur d'environ 156 milliards de dollars.

La remise à une date ultérieure des mesures tarifaires, qui est survenue après ce que le président américain Trump a qualifié de conversation téléphonique «productive» entre les représentants commerciaux américains et chinois, a donné un coup de fouet aux marchés, le Dow Jones ayant augmenté de 1,44 % mardi.

Mais cela n'a duré que 24 heures alors que les marchés ont plongé mercredi en raison de la détérioration des perspectives de l'économie mondiale et de la reconnaissance que repousser la date de la mise en vigueur de ces mesures n'a rien fait pour surmonter les principaux obstacles à tout accord commercial entre Washington et Beijing. D'autres négociations face à face sont prévues, du moins provisoirement, pour le mois prochain, mais il n'est nullement certain qu'elles se tiennent.

Outre la reconnaissance croissante du fait que les mesures financières adoptées au fil des décennies depuis l'éclatement de la crise financière mondiale se sont épuisées et créent en fait les conditions d'un nouvel effondrement à une échelle encore plus grande, il existe une crainte profonde, dans les cercles dirigeants, de l'opposition croissante dans la classe ouvrière.

Le rejet inattendu du président argentin Macri a fait frissonner les marchés parce qu'il était basé sur une opposition massive au programme d'austérité dicté par le capital financier mondial.

De même, la poursuite des manifestations à Hong Kong et l'implication croissante de la classe ouvrière, alimentée par une opposition croissante aux inégalités sociales, suscitent de plus en plus d'inquiétude. Avec les manifestations de masse à Porto Rico et en Afrique du Nord, conjuguées à l'aggravation de la colère sociale aux États-Unis, en Europe et ailleurs, les manifestations de Hong Kong indiquent l'émergence d'un mouvement de la classe ouvrière contre tout le cadre du pouvoir capitaliste.

(Article paru en anglais le15 août 2019)

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