La démission du premier ministre italien Conte déclenche une crise gouvernementale

Le premier ministre italien Giuseppe Conte a remis sa démission au président Sergio Mattarella mardi soir, mais reste en fonction à titre intérimaire jusqu'à ce qu'un successeur soit choisi par le Parlement. Le 65e gouvernement de la République italienne a ainsi pris fin.

Conte, qui est en fonction depuis juin 2018 et qui n'est membre d'aucun parti, a démissionné avant un vote de censure. Le chef du parti de droite radicale Lega, Matteo Salvini, a rompu la coalition avec le Mouvement des cinq étoiles (M5S) il y a deux semaines dans l'espoir de devenir lui-même premier ministre par des élections anticipées. Sur la base de sondages favorables, le chef de la Lega espérait former un gouvernement avec les Fratelli d'Italia, le successeur direct du parti fasciste italien de Benito Mussolini.

Il n'est pas du tout certain que Salvini atteindra son but, surtout à court terme. Le Parti démocratique (PD), parti d'opposition, et le Mouvement des cinq étoiles ont tous deux indiqué la possibilité de former un gouvernement conjoint pour éviter de nouvelles élections. Ensemble, les deux partis obtiendraient une faible majorité.

Le chef du PD Nicola Zingaretti a déclaré après une réunion de la direction du parti: «Nous sommes extrêmement ouverts à examiner les conditions d'un "gouvernement de changement" au service de notre pays à une époque si difficile au niveau démocratique, économique et social.»

Il y a eu des signaux similaires en provenance de M5S. Selon les médias italiens, son chef, le vice-premier ministre Luigi di Maio, a déjà contacté Zingaretti pour discuter de la possibilité d'un gouvernement conjoint et stable. Toutefois, on peut se demander si un tel gouvernement verra le jour. Jusqu'à présent, les deux partis se sont battus avec acharnement.

La prochaine étape est laissée à la discrétion du président Mattarella, âgé de 78 ans, qui vient lui-même du PD. Si aucune nouvelle coalition n'est formée, il pourrait également nommer un gouvernement d'experts, ce qui nécessiterait également une majorité parlementaire. Si Mattarella opte pour de nouvelles élections, ce qui est considéré comme peu probable, elles doivent avoir lieu dans les 60 jours. Une dernière possibilité serait que la Léga et le Mouvement des cinq étoiles reprennent leur coalition.

La tâche la plus immédiate du prochain gouvernement est de présenter d'ici le 15 octobre un budget conforme aux directives de l'Union européenne en matière de déficit, ce qui nécessitera des coupes massives aux dépens de la classe ouvrière. Si le PD et le M5S se chargent de cette tâche, Salvini et Lega, qui seraient alors théoriquement dans l'opposition, pourraient être encore renforcés.

Il y a eu un débat au Sénat avant la démission de Conte. Ce dernier dans un discours de 50 minutes, a réglé ses comptes avec son ministre de l'Intérieur Salvini, avec qui il avait travaillé étroitement jusqu'à il y a deux semaines. Il a accusé Salvini, qu'il appelait «caro Matteo» (cher Matteo), de rechercher personnellement le pouvoir et d’être irresponsable et l'a critiqué pour avoir provoqué sans raison une «crise grave» qui «a de graves conséquences pour le pays, la vie économique, financière, politique et sociale».

Salvini, pour sa part, avant d'y répondre, est passé, dans un geste démonstratif, du banc du gouvernement aux bancs du groupe de la Lega. De là, il a attaqué avec férocité le gouvernement dont il faisait lui-même partie depuis quatorze mois. Sous les applaudissements tonitruants des fascistes et des députés de la Lega, il s’est vanté d'avoir fermé les ports italiens aux migrants, déclarant qu'il allait «refaire la même chose»! Lui, Salvini, agit «sans crainte, fier et souverain» et n'était «pas dépendant de Merkel ni de Macron».

Dans le débat de mercredi au Sénat, il n'y a eu qu'une seule voix qui parlait du sort des réfugiés de la mer. Il s'agissait de l'ancienne commissaire européenne aux droits de l'homme et députée européenne du Parti radical Emma Bonino, une femme de 71 ans atteinte d'un cancer. Mais Bonino ne représentait pas non plus une perspective progressiste. En fin de compte, elle n'a fait appel qu'au président Mattarella pour qu'il prenne une décision sage.

Alors que la séance du Sénat se poursuivait, une scène sur l'île de Lampedusa a montré de manière frappante les conséquences de la politique anti-réfugiés. Là, à quelques centaines de mètres de la côte, la situation sur le navire de secours des réfugiés «Open Arms» s'est aggravée, et plusieurs personnes qui espéraient un port sûr depuis près de trois semaines dans le désespoir ont sauté dans la mer pour nager vers la rive. Enfin, en fin de soirée, le navire a pu ramener à terre les 83 derniers migrants, tandis que le bureau du procureur responsable d'Agrigente confisquait le navire.

Les relations du gouvernement avec les réfugiés sont symptomatiques des dangers qui menacent l'ensemble de la population. Cela s'applique non seulement à la Lega de Salvini, mais à tous les partis, y compris les démocrates (PD) de l'opposition. Avec sa politique d'austérité de droite pendant qu'il était au pouvoir, le PD a tracé la voie à suivre pour le gouvernement qui a maintenant échoué. En ce qui concerne la politique des réfugiés, c'est surtout le prédécesseur de Salvini, le ministre de l'Intérieur du PD, Marco Minniti, qui, il y a trois ans, en coopération avec les garde-côtes libyens, a bloqué la voie méditerranéenne et l'a transformée en charnier.

La réponse de l'opposition PD au Sénat a été une attaque contre Salvini et Conte depuis la droite. L'ancien premier ministre Matteo Renzi (PD) a déclaré que le gouvernement laissait derrière lui un fiasco économique et qu'il s'agissait maintenant principalement d'approuver le budget. C'est la seule façon d'éviter une augmentation de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Ne pas voir cela, et provoquer une crise gouvernementale en ce moment équivaut à un coup d'État et est «un jeu aux dépens des Italiens», a dit Renzi. L'Italie est confrontée à une récession, a-t-il poursuivi, et «la population en souffrira».

Renzi n'a laissé aucun doute sur le fait que son parti était prêt à imposer un budget d'austérité conforme aux exigences de l'UE. «Toute l'Europe nous regarde», s'est écrié Renzi. Le fait qu'un tel budget nécessiterait des économies de 30 milliards d'euros montre clairement quelle «souffrance» il est lui-même prêt à imposer à la population.

Afin de détourner l'attention de cette politique de droite, Renzi a accusé le ministre de l'Intérieur de la Lega d'être trop proche de la Russie. Au lieu de l'euro, il voulait «peut-être même introduire le rouble». Il a poursuivi en demandant au chef de la Léga: «Dans votre propre intérêt, clarifiez enfin vos relations avec les Russes.»

L'ancien commissaire européen et ancien premier ministre Romano Prodi a fait une proposition encore plus à droite pour résoudre la crise, une alliance appelée «Maggioranza Orsola» (majorité Ursula). Il entendait par là une grande coalition de tous les partis qui avaient voté au Parlement européen pour l'ancienne ministre allemande de la Défense Ursula von der Leyen à la mi-juillet en tant que nouvelle présidente de la Commission européenne: le Mouvement des cinq étoiles, les démocrates et Forza Italia du magnat des médias milliardaire et trois fois premier ministre Silvio Berlusconi.

On ne saurait montrer plus clairement que tous les partis sont d'accord pour prendre une orientation d'extrême droite dans le sens de la guerre et de la politique d'austérité. Von der Leyen est un excellent exemple de la politique militaire européenne: en tant que ministre allemande de la Défense, elle avait déjà activement soutenu les changements de politique étrangère et de sécurité du gouvernement Merkel, notamment le renforcement militaire et l'envoi de l'armée allemande dans de nombreuses opérations outremer, et en réponse à la crise des réfugiés, elle souhaite renforcer plus rapidement qu'auparavant l'agence européenne Frontex, l'agence européenne de protection côtière et frontalière.

(Article paru en anglais le 22 août 2019)

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