L’État licencie des travailleurs SNCF et RATP accusés de délit d’opinion

Sous couvert d’une loi contre le terrorisme passée sous la présidence de François Hollande en 2016, la SNCF et la RATP placent leurs salariés sous surveillance du ministère de l’Intérieur. Ils visent ainsi à justifier des licenciements motivées par rien de plus qu’une suspicion de radicalisation politique.

Le Monde rapporte ce qui est arrivé à un travailleur de la RATP témoignant sous un nom d’emprunt Hocine qu’il y a dix-sept mois, une cadre de la RATP le convoque à l’issue de sa journée de travail pour lui apprendre qu’il était suspendu de ses fonctions de chauffeur de bus en Ile-de-France. Quelques jours plus tard, la sentence tombait, par le biais d’une lettre adressée au domicile de ses parents, chez qui il habite: « Nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement [pour cause réelle et sérieuse].»

L’explication avancée était la suivante : «Vous avez fait l’objet d’une enquête par le ministère de l’intérieur [qui] a débouché sur l’émission d’un avis d’incompatibilité vous concernant.»

Selon ce journal, «les entreprises de transport public peuvent demander à la police des investigations sur des candidats à l’embauche et sur des salariés déjà en poste désireux de changer d’affectation ou dont le comportement inquiète. Ces opérations dites de ‘criblage’ visent à déterminer si l’attitude de la personne ‘donne des raisons sérieuses de penser qu’elle est susceptible, à l’occasion de ses fonctions, de commettre un acte portant gravement atteinte à la sécurité ou à l’ordre publics’.»

Le Service national des enquêtes administratives de sécurité (Sneas), s’appuie sur divers fichiers relatifs «à la prévention du terrorisme ou des atteintes à la sécurité et à l’ordre publics». Dans ces listings figurent les noms d’individus soupçonnés de radicalisation religieuse ou engagés dans des mouvements considérés par l’État comme d’extrême gauche ou d’extrême droite. Le Sneas donne ensuite un avis négatif ou positif sans explication à l’employeur, qui peut ensuite lancer une procédure de licenciement contre son salarié.

Quand Hocine a réclamé des éclaircissements, son interlocutrice «ne savait pas quoi répondre». Comme le souligne Le Monde, l’avis du Sneas n’était pas motivé. Ce qui veut dire qu’arbitrairement, l’État a considéré Hocine comme étant dangereux. Hocine dénonça cette procédure et affirma à cette cadre: «Je ne suis pas un terroriste, je vous ai donné mon casier judiciaire, il n’y a rien dessus.»

Un des avocats des travailleurs licenciés, Me Thierry Renard dénonce un système arbitraire, comparable «aux lettres de cachet», en faisant allusion à cette pratique de l’Ancien Régime qui permettait aux rois d’emprisonner leurs sujets sans procès. «Mes clients ne peuvent pas se défendre puisqu’ils ignorent les raisons pour lesquelles ils ont été virés», observe Me Renard. Sous le couvert de la lutte contre le terrorisme, ajoute-t-il, des libertés fondamentales sont violées.

Ces procédures qui bafouent des droits démocratiques fondamentaux ont déjà visé des dizaines de travailleurs en France.

Selon un rapport des députés Eric Diard (Les Républicains, Bouches-du-Rhône) et Eric Poulliat (La République en marche, Gironde) la SNCF a déclaré «avoir reçu un peu plus de 20 avis négatifs pour 2 125 recrutements et 2 avis négatifs pour 300 mutations internes». De son côté, à la fin 2018, la RATP avait transmis au ministère de l’intérieur quelque 5.800 dossiers, donnant lieu, au final, à 124 avis d’incompatibilité (134 autres cas étant toujours en cours d’examen, «à cette date»).

Ces licenciements sont un avertissement politique. L’instauration d’un État policier accordant d’immenses pouvoirs à la police et au renseignement vise les droits démocratiques et sociaux les plus essentiels des travailleurs. Le but est de les intimider, alors que l’opposition sociale et politique monte rapidement à travers la population, en instaurant un régime fasciant qui punirait en tant que délit d’opinion toute opposition jugée indésirable aux inégalités sociales et aux violences militaro-policières produites pas la politique de la classe dirigeante.

L’État veille manifestement à créer un régime où des larges couches de travailleurs doivent craindre de perdre leur poste s’ils étaient suspectés d’avoir des opinions jugés intempestifs par le gouvernement, sur simple dénonciation anonyme par les forces de l’ordre.

Plusieurs cas comme celui de Hocine sont rapportés par Le Monde. Ceux-ci ont débouché sur plusieurs procédures judiciaires engagées par les travailleurs soi-disant radicalisés. Plusieurs fois les tribunaux ont dû reconnaitre l’absence de preuve d’une telle radicalisation comme ce fut le cas avec Marc, un chauffeur de bus congédié pour avis d’incompatibilité. La cour a ordonné sa réintégration dans l’entreprise.

Les licenciements abusifs à la RATP et à la SNCF soulignent le mensonge sur lequel est établie la lutte contre «le terrorisme». Les lois contre le terrorisme et l’état d’urgence ne servaient pas à lutter contre les réseaux islamistes, que les puissances impérialistes dont la France utilisent en fait pour mener des sales guerres néocoloniales en Libye puis en Syrie. Ces réseaux islamistes menaient ensuite des attentats en France avec la complicité passive des agences de renseignement, au prix de centaines de morts.

Les attentats servaient de prétexte à la destruction des droits démocratiques afin de préparer la répression des mouvements d’opposition à la politique d’austérité du gouvernement. Celui-ci a violemment attaqué les manifestations la loi travail du PS et puis les réformes ferroviaire et des universités par Macron. Le mouvement des «gilets jaunes» contre les inégalités sociales a fait l’objet en particulier de la plus large vague d’arrestations en France métropolitaine depuis l’Occupation nazie.

Dans un contexte de résurgence internationale de la lutte des classes, le gouvernement se sait isolé et haï. Aux abois, il cherche à contrôler les opinions de larges masses de travailleurs qu’il intimide en menaçant les travailleurs de licenciement s’ils auraient des opinions qui lui déplairaient. Le but de plus en plus ouvertement assumé de l’aristocratie financière est d’étouffer la montée de la colère contre les inégalités sociales produites par le capitalisme.

Ainsi, un récent document de stratégie du renseignement français dit craindre une insurrection contre le pouvoir en place: «La montée en puissance des mouvements et réseaux à caractère subversif constitue un facteur de crise d’autant plus préoccupant qu’ils visent directement à affaiblir voire à ruiner les fondements de notre démocratie et les institutions républicaines par la violence insurrectionnelle».

L’effondrement des normes démocratiques bourgeoises sont la réaction de l’élite dirigeante face à la crise du capitalisme et à la montée de la lutte des classes. La lutte pour défendre les droits démocratiques et contre les menaces physiques et les licenciements arbitraire d’un régime fascisant passe par une lutte politique de la classe ouvrière internationale contre Macron et l’Union européenne.

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