Les divisions internationales s’intensifient au sommet du G7 à Biarritz

La réunion du G7 à Biarritz ce week-end a marqué un nouveau stade de l’effondrement de l’ordre capitaliste d’après-guerre. Les grandes puissances impérialistes s’engagent dans une série de conflits du même type qui ont provoqué l’éruption il y a 80 ans de la 2e Guerre mondiale.

On a créé le G7 en 1975 en tant que mécanisme pour développer la collaboration et la coordination économique internationale face à ce qui était, jusque là, la récession la plus sérieuse de l’économie capitaliste mondiale depuis la grande dépression des années 1930.

Aujourd’hui, dans une situation bien plus sérieuse, l’économie mondiale est déchirée par une guerre commerciale, des signes de récession, et des craintes liées à l’instabilité du système financier international. Même la tentative d’organiser une discussion là-dessus provoque des conflits.

Même avant le début de la réaction, les responsables de l’administration Trump avait critiqué l’ordre du jour établi par Macron pour le sommet. Ils ont déclaré que l’agenda avait pour but de se concentrer sur des «questions secondaires» tels que le changement climatique et les évènements en Afrique afin de «fracturer le G7», isoler Washington et faire plaisir à l’électorat macronien.

Dans le Wall Street Journal, le chef du Conseil national économique national de la Maison Blanche, Larry Kudlow, a dit qu’une session formelle sur l’économie et le commerce n’avaient été incluses qu’à la dernière minute à l’insistence des États-Unis. Il y a ajouté que l’ordre du jour établi par Macron visait à produire «des platitudes politiquement correctes.»

Les tensions sont si fortes qu’avant le sommet, Macron a dit qu’il n’y aurait pas de communiqué traditionnel à la fin du sommet, car personne ne les lit plus sauf pour déterminer sur quoi ils n’étaient pas d’accord.

Avant le sommet, Trump a intensifié ces tensions en annonçant que son administration augmenterait les mesures commerciales visant la Chine, et que les «grandes compagnies américaines ont à présent l’ordre de commencer à chercher immédiatement une alternative à la Chine.»

Les médias américains et des sections de la classe politique ont tourné cet «ordre» en dérision, en déclarant qu’il n’avait pas l’autorité nécessaire pour imposer une telle directive, que l’on ne pourrait employer qu’en temps de guerre.

Trump a réagi en déclarant qu’il avait en fait cette autorité.

«Pour tous les reporters fake news qui ne savent rien de la loi sur les pouvoirs présidentiels, la Chine etc, essayez de voir l’Acte sur les Pouvoirs Économiques Internationaux (IEEPA) de 1977. Fin de discussion», a-t-il écrit sur Twitter.

Sur «Fox News Sunday», le secrétaire du Trésor américain Steven Mnuchin a dit que l’IEEPA autorise Trump à forcer les compagnies américaines à quitter la Chine en déclarant l’état d’urgence. Kudlow a soutenu cette position dans une entrevue au programme «State of the Nation» de CNN, tout en disant que «pour l’heure il n’y a rien dans les cartes» qui pousserait Trump à le faire.

Mais manifestement on prépare une action sous les termes de l’IEEPA, ce que des commentateurs traitent d’ «option nucléaire». Trump a menacé de le faire en mai, quand la Maison Blanche a dit qu’elle imposerait des droits de douane au Mexique si ce pays ne stoppait pas les flux de migrants et de réfugiés vers les USA.

Dimanche matin, la presse prétendait qu’en disant qu’il «hésitait» à imposer des droits de douane contre la Chine, Trump avouait qu’il regrettait son escalade de la semaine dernière. Un porte parole de la Maison Blanche a vite réfuté cette interprétation en insistant que la réponse du président à cette question avait été «très mal interprétée.»

«Le président Trump a répondu par l’affirmative, car il regrette ne pas avoir augmenté davantage les droits de douane», a déclaré le porte-parole.

La Chine n’est pas la seule cible de la guerre commerciale américaine. Trump a dit que si la France impose un impôt sur les firmes technologiques américaines, Washington visera les vins français «comme jamais auparavant.» Le président du Conseil de l’Europe, Donald Tusk, qui participe aux discussions du G7, a dit que l’UE réagirait «du tac au tac» si Trump mettait sa menace à exécution.

Si on n’en discute pas pour l’heure, Washington continue à menacer d’imposer des droits de douane aux exportations d’automobiles européennes, pour des raisons de «sécurité nationale», si l’UE n’adoucit pas sa position sur les exportations agricoles américaines. Cette question pourrait revenir à l’ordre du jour si Washington intensifie la pression sur l’UE après l’annonce, la veille du sommet, d’un accord commercial partiel avec le Japon qui avait été sujet à la même menace.

Ces conflits n’émergent pas seulement entre les États-Unis et les autres membres du G7. Le premier ministre britannique Boris Johnson tente d’aligner le Royaume-Uni sur les Etats-Unis sur fond de conflit sur le Brexit. Il a menacé de ne pas payer une portion importante des 39 milliards de livres qu’on estime que la Grande Bretagne devrait payer dans le cadre de cette séparation.

Des divisions déchirent aussi l’Union européenne, suite à la menace par Macron de ne pas signer l’accord commercial entre l’UE et le groupe Mercosur (Brésil, Argentine, Urugay, Paraguay). Le prétexte était le refus supposé du président brésilien Jair Bolsonaro d’agir contre les feux de forêt en Amazonie. Macron a accusé Bolsonaro d’avoir menti sur cette question.

Mais l’action de Paris a provoqué l’opposition de Berlin, dont les constructeurs automobiles devraient bénéficier de l’accord, qui n’est toujours pas approuvé par les parlements de l’UE. La chancelière allemande Angela Merkel a dit que refuser de conclure l’accord commercial ne «serait pas la bonne réponse à ce qui se passe au Brésil maintenant.»

Evoquant l’état des relations internationales alors que le sommet commençait, Tusk a dit que ce serait «une épreuve difficile de l’unité et de la solidarité du monde libre et de ses dirigeants.»

«Ces dernières années ont démontré qu’il est de plus en plus difficile pour nous de trouver un langage commun, mais le monde a davantage et non pas moins besoin de notre coopération. C’est peut-être la dernière chance de retrouver notre communauté politique», a-t-il dit.

Tout ce qui ressort de ce sommet suggère que les dirigeants ont raté cette épreuve. Si le premier rôle revient à Trump, il n’est que la personnification la plus maniaque des forces internationales qui poussent à l’éruption de conflits généralisés et à la formation de camps rivaux de grandes puissances comme dans les années 1930.

Mercredi, parlant pendant deux heures et demie aux journalistes, Macron a souligné l’atmosphère de crise grandissante dans laquelle s’organise ce sommet. Il a évoqué une crise profonde à la fois de la démocratie représentative et de l’inégalité, qu’il a traité de crise du capitalisme.

Mais le président français n’avait pas de solutions à proposer. Il s’est plutôt concentré sur sa volonté de renforcer le pouvoir de l’Europe et de la France. Évoquant le danger d’une bipolarisation du monde entre les États-Unis et la Chine, qui laisseraient les autres États vassalisés, il a dit qu’il ne voulait cela ni pour l’Europe ni pour la France.

Ses remarques et les évènements au sommet lui-même soulignent à quel point les tensions et les rivalités mondiales ont déjà développé en direction d’une autre conflagration à une échelle qui dépasserait de loin celle d’il y a 80 ans.

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