Un rassemblement de masse à Hong Kong est interdit alors que les troupes chinoises font une démonstration de force

Craignant l’intensification des tensions sociales et politiques en Chine, le régime stalinien de Beijing a accéléré ses préparatifs pour réprimer le mouvement de masse de près de trois mois à Hong Kong. Jeudi, l'administration de Beijing à Hong Kong a interdit un grand rassemblement prévu pour samedi, alors que des milliers de soldats supplémentaires étaient déployés sur le territoire.

Depuis le 9 juin, des millions de manifestants à Hong Kong exigent le retrait complet de la loi sur l'extradition qui pourrait être utilisée pour livrer des militants politiques à Beijing. Leurs «cinq revendications» incluent également la fin de l'intensification de la violence policière et des accusations contre les manifestants, ainsi que des élections au suffrage universel, une exigence démocratique fondamentale qui a été longtemps refusée sous le régime colonial britannique d'avant 1997.

Les manifestations, auxquelles participent surtout des jeunes, sont motivées par les préoccupations sous-jacentes des étudiants et de la classe ouvrière concernant l'aggravation des inégalités sociales, les bas salaires et le manque de logements abordables et d'emplois décents. La rébellion de Hong Kong fait partie d'une résurgence mondiale de la classe ouvrière, qui comprend des grèves en Chine continentale, des votes de grève écrasants des travailleurs américains de l'automobile, d'énormes manifestations à Porto Rico et le mouvement anti-austérité des gilets jaunes en France.

Le rejet jeudi par la police de Hong Kong d'une demande du Front civil des droits de l’homme (CHRF), de tenir un rassemblement le samedi est la première fois qu'une telle interdiction est appliquée à un événement d'une journée entière par cette organisation. Les précédents rassemblements convoqués par la coalition ont été énormes et pour la plupart pacifiques. Mais la police affirme maintenant que la manifestation de samedi pourrait devenir violente et a déclaré qu’elle pourrait arrêter quiconque y participerait. «Si vous participez à l'assemblée publique déjà interdite... vous pourriez être emprisonné pour un maximum de cinq ans», a déclaré un porte-parole de la police.

Le Front a fait appel de l'interdiction. La marche doit se terminer près du bureau de liaison du gouvernement central chinois. Il y a quinze jours, environ 1,7 million de personnes ont défilé à Hong Kong après le dernier rassemblement du Front. C'était un acte de désobéissance civile de masse, car la police avait autorisé la manifestation, et non la marche.

Le Front est une alliance d'ONG, de partis politiques et de groupes associés au groupe pandémocrate du Conseil législatif de Hong Kong. Les pandémocrates représentent les intérêts de l'élite patronale super riche de la ville, qui cherche à protéger ses intérêts face à Beijing. Mais le mouvement de protestation a menacé de se développer hors de leur contrôle. Elle a mobilisé des travailleurs et des jeunes dont les intérêts sont diamétralement opposés à ceux des milliardaires de Hong Kong, dont la fortune repose sur l'exploitation impitoyable des travailleurs chinois depuis la restauration du capitalisme entamée par les staliniens de Beijing dans les années 70.

Le rôle de la classe ouvrière a refait surface mercredi lorsqu'un groupe de manifestants non identifiés de 21 industries a tenu une conférence de presse appelant à une grève de deux jours à partir de lundi prochain. Ces industries comprennent la santé, la dentisterie, le bien-être social, les technologies de l'information, l'assurance, la vente au détail, la logistique, la construction, l'ingénierie, l'aviation, la banque, la finance, la comptabilité, la publicité, le marketing, la musique, les arts, le design et la culture, l'hôtellerie et le tourisme.

L’Association des élèves du secondaire de Hong Kong a également annoncé que les élèves de plus de 90 écoles de la ville participeraient à un boycottage des cours à partir de mardi.

Lors de la dernière grève, le 5 août dernier, sept rassemblements ont eu lieu dans différentes régions de la ville. La circulation dans plusieurs quartiers a été paralysée et des affrontements entre les manifestants et la police ont éclaté.

Juste avant l'annonce de l'interdiction de la manifestation de jeudi, l’armée chinoise a envoyé de nouvelles troupes à Hong Kong. Les autorités de Beijing ont insisté sur le fait qu'il s'agissait d'une rotation de routine de ses garnisons de Hong Kong de l'Armée populaire de libération (APL). Mais c'était clairement une autre démonstration de force menaçante, dirigée contre le mécontentement de la classe ouvrière en Chine continentale, et non seulement à Hong Kong.

La Télévision nationale chinoise a montré un long convoi de véhicules blindés de transport de troupes et de camions traversant la frontière de Hong Kong mercredi soir, et des troupes en formation débarquant d'un navire. Plus tôt, des dizaines de soldats ont couru à l'unisson dans des camions qui, selon le radiodiffuseur d'État, étaient à destination de Hong Kong.

«Cette fois, la tâche a une mission glorieuse. La responsabilité est grande. Le travail est difficile», a déclaré un général anonyme aux troupes avant leur départ. «Il est temps d’une véritable épreuve!» Le déploiement de troupes fraîches est considéré comme étant inquiétant, car une «rotation» similaire a eu lieu à Beijing juste avant le massacre de la place Tiananmen en 1989.

La garnison de Hong Kong a publié plus tôt une vidéo promotionnelle avec des scènes de soldats s'affrontant avec des gens habillés comme des manifestants. La loi sur les garnisons, approuvée dans le cadre de la rétrocession de la colonie britannique en 1997, autorise les troupes à intervenir contre les troubles civils à la demande du gouvernement municipal. On estime que la garnison de Hong Kong compte entre 8.000 et 10.000 hommes, la plupart dans d'anciennes casernes de l'armée britannique.

Il s'agit de la deuxième démonstration de force militaire ce mois-ci. Il y a deux semaines, des centaines de membres de la police armée populaire ont organisé des exercices dans un stade de sport à Shenzhen, juste de l'autre côté de la frontière. Le week-end dernier, la police de Hong Kong a également intensifié la violence de l'administration en utilisant des canons à eau, des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc et, pour la première fois, en menaçant des manifestants à la pointe du fusil.

Cette semaine, la directrice générale de Hong Kong, Carrie Lam, a refusé d'écarter les spéculations des médias selon lesquelles son administration envisageait d'invoquer la vaste ordonnance britannique sur les règlements d'urgence pour mettre un terme à une grève générale et aux troubles qui y étaient associés en 1922.

La police a arrêté près de 900 manifestants depuis le 9 juin, et des hommes de main du régime ont violemment attaqué les manifestants. Cela n'a toutefois pas réussi à étouffer le mouvement, qui est alimenté par des tensions de classe bouillonnantes.

«Le mécontentement économique est l'une des principales forces à l'origine des troubles à Hong Kong», a écrit jeudi le South China Morning Post. Il rapporte que de nombreux jeunes ne voient pas d'avenir en raison de la flambée des prix de l'immobilier et du coût de la vie, alors que les travailleurs ont de la difficulté à joindre les deux bouts. Entre 1984 et 2018, la croissance annuelle moyenne des salaires des travailleurs (excluant les superviseurs) n'a été que de 1,12 pour cent, alors que la richesse de l'aristocratie financière a augmenté aux dépens de la classe ouvrière.

Pour attiser le nationalisme chinois et justifier la répression, Beijing prétend que les protestations de Hong Kong sont l'œuvre «d’extrémistes» ou d'éléments soutenus par les États-Unis, mais la réponse de Washington et de ses alliés a été généralement d’être compatissant avec le régime. Il y a deux semaines, le président américain Donald Trump s'est solidarisé avec le président chinois Xi Jinping dans la «dure affaire» de la gestion des troubles sociaux. «C'est un grand dirigeant qui a beaucoup de respect pour son peuple,» a tweeté Trump.

Les commentaires de Trump étaient un signe de la nervosité de la classe dirigeante dans le monde entier au sujet du mouvement de protestation à Hong Kong et de son potentiel à alimenter un mécontentement similaire au niveau international face à l'aggravation des inégalités sociales et aux atteintes aux droits démocratiques fondamentaux.

Le grand danger provient du fait que, jusqu'à présent, le mouvement de protestation a été politiquement dominé par des partis, des groupes et des syndicats procapitalistes qui tentent de limiter le mouvement aux intérêts paroissiaux de Hong Kong, et certains encouragent le séparatisme et les illusions envers l’impérialisme américain, britannique, et européen. Les travailleurs de Hong Kong doivent tendre la main à leurs frères et sœurs de classe du monde entier qui luttent contre des conditions similaires, en particulier en Chine. La lutte pour l'unité et l'action internationales exige la construction d'une nouvelle direction socialiste révolutionnaire.

(Article paru en anglais le 30 août 2019)

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