Trump impose de nouveaux tarifs à la Chine

L'administration Trump a pris la décision d'imposer des droits de douane de 15 % sur des marchandises chinoises d'une valeur de 110 milliards de dollars dans l'une des plus importantes intensifications de la guerre commerciale qui dure depuis plus d'un an.

Les nouveaux tarifs sont entrés en vigueur dimanche et auront une incidence sur une gamme de produits de consommation allant des chaussures et des vêtements à certains produits technologiques. La hausse tarifaire de 15 % devrait être étendue à 160 milliards de dollars supplémentaires de marchandises chinoises à partir du 15 décembre, et le taux pourrait alors être augmenté.

Les États-Unis ont déjà imposé des droits de douane sur des marchandises chinoises d'une valeur de 250 milliards de dollars, principalement des produits commerciaux, et ces droits devraient passer à 30 % dans un mois.

Les nouveaux tarifs auront un impact direct sur les consommateurs. Myron Brilliant, chef des affaires internationales à la Chambre de commerce des États-Unis, a déclaré que l'administration utilisait la mauvaise tactique contre la Chine et que les droits de douane coûteraient à chaque ménage américain entre 600$ et 1000 $ d'ici la fin de l'année.

Dans un calcul effectué en mai, la Réserve fédérale de New York a estimé que les droits de douane imposés sur les importations chinoises coûtaient déjà au ménage américain moyen 831$ par an en raison de leur effet direct sur les prix et de leur impact sur l'efficacité économique.

La Chine a mis en œuvre dimanche des mesures de rétorsion qui toucheront 3,2 milliards de dollars d'exportations américaines de soja, 2,55 milliards de dollars de pétrole brut et 1,16 milliard de dollars de produits pharmaceutiques. La Chine a ciblé un total de 75 milliards de dollars de marchandises américaines, principalement des produits agricoles, afin d'essayer de frapper les États qui fournissent la base principale du soutien politique de Trump dans le Sud et le Midwest.

Un commentaire publié dans l'agence de presse officielle Xinhua après l'entrée en vigueur des tarifs indique que Pékin considère qu'il n'y a aucune perspective de solution au conflit et qu'elle est prête pour une longue bataille.

«La détermination de la Chine à lutter contre le bellicisme économique américain n'a fait que se renforcer et ses contre-mesures sont devenues plus résolues, mesurées et ciblées», a-t-il déclaré. «Les tarificateurs de la Maison-Blanche devraient apprendre que l'économie chinoise est assez forte et résiliente pour résister aux pressions exercées par la guerre commerciale en cours.»

La position officielle des deux parties est que des entretiens en face à face auront lieu ce mois-ci. Trump a dit aux journalistes samedi que les pourparlers étaient toujours prévus, «jusqu’à maintenant».

La Chine n'a pas encore confirmé que les négociations reprendront avec le ministère du Commerce, disant que les deux parties discutaient toujours de la question de savoir si une délégation de Pékin se rendrait à Washington.

En marge de la réunion du G7 le week-end dernier, M. Trump a affirmé qu'un haut responsable de Pékin avait appelé et que la Chine était impatiente de reprendre les négociations et de conclure un accord. Mais la partie chinoise a nié toute connaissance d'un tel appel.

Même si des pourparlers ont lieu, il est peu probable que des progrès soient réalisés dans la résolution du conflit.

Le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Geng Shuang, a déclaré que les équipes commerciales des deux parties ont maintenu une communication efficace. «Nous espérons que la partie américaine pourra faire preuve de bonne foi et prendre des mesures concrètes pour travailler de concert avec la partie chinoise afin de trouver une solution au problème sur la base de l'égalité et du respect mutuel.»

En ce qui concerne Pékin, cela signifie un certain recul sur les mesures tarifaires imposées par l'administration Trump.

«Ce qui devrait être discuté maintenant, c'est que les États-Unis doivent annuler leur plan d'imposition de droits[supplémentaires] sur des marchandises chinoises d'une valeur de 550 milliards de dollars pour éviter une nouvelle escalade dans le différend commercial», a déclaré Gao Feng, porte-parole du ministère du Commerce.

Toutefois, rien n'indique que cela se produise. L'administration Trump craint que si elle fait un pas dans cette direction, elle soit attaquée par des faucons anti-Chine dans les partis républicain et démocrate. Ils soutiennent que l'expansion économique chinoise, en particulier dans les secteurs de haute technologie, constitue une menace existentielle pour la «sécurité nationale» des États-Unis et doit être évitée à tout prix.

L'imposition du tarif douanier a suscité une série d'appels de la part de représentants d'entreprises américaines en faveur d'une certaine résolution du conflit, tandis plusieurs croient que la guerre commerciale pourrait provoquer une récession.

Le président de la Consumer Technology Association, Gary Shapiro, a déclaré que l'utilisation des tarifs douaniers pour tenter de faire pression sur la Chine s'était retournée contre les États-Unis.

«Les entreprises américaines doivent consacrer davantage de ressources à l'évolution constante des règles commerciales et moins à l'innovation, aux nouveaux produits et à notre santé économique. Ce n'est pas ainsi que l'on parvient à un accord commercial sérieux», a-t-il dit.

Trump a reçu le soutien de la bureaucratie syndicale. Dans une interview accordée à Fox News, le président de l'AFL-CIO, Richard Trumka, a attribué à Trump le mérite d'avoir «affronté la Chine» mais a exprimé la critique, courante dans les milieux politiques et économiques américains, que «malheureusement, il a mal fait les choses».

«Pour s'attaquer à la Chine, il faut une approche multilatérale», a dit Trumka.

Trump, qui, la semaine dernière, a «par la présente ordonné» aux entreprises américaines de quitter la Chine, en invoquant la législation sur la sécurité nationale, a rejeté les critiques des organisations d'entreprises selon lesquelles la guerre commerciale a un impact négatif sur l'économie américaine.

Le président américain a déclaré que tout revers dans les affaires était la faute de «sociétés mal gérées et faibles» et que la Réserve fédérale américaine était à blâmer. Les États-Unis n'ont pas «eu de problème tarifaire... nous avons un problème avec la Fed».

Trump exige que la Fed assouplisse sa politique monétaire, à la fois par une baisse des taux d'intérêt et même par une reprise des achats d'actifs – la politique dite d’«assouplissement quantitatif» – afin de faire baisser la valeur du dollar et améliorer la position des États-Unis sur les marchés mondiaux.

La poussée croissante de l'administration vers ce qui s'apparente à une guerre des monnaies s'inscrit dans un contexte de signes croissants d'un ralentissement significatif de l'économie mondiale. L'Allemagne, première économie de la zone euro, est sur le point d'enregistrer deux trimestres consécutifs de croissance négative et l'économie britannique s'est contractée au dernier trimestre.

En Chine, l'indice des directeurs des achats manufacturiers s'est établi à 49,5 en août, contre 48,7 en juillet. C'était le quatrième mois consécutif que l'indice se situait sous le niveau de 50, qui marque la frontière entre l'expansion et la contraction.

Alors que Trump continue d'insister sur le fait que l'économie américaine est forte, il y a des indications d'un ralentissement. L'indice de confiance des consommateurs de l'Université du Michigan, publié vendredi, a affiché sa plus forte baisse mensuelle depuis 2012. Un tiers des personnes interrogées ont indiqué que les tarifs sont une source de préoccupation.

«Les données indiquent que l'érosion de la confiance des consommateurs due aux politiques tarifaires est dans un état avancé», a déclaré l'économiste en chef de l'enquête, Richard Curtin.

Allen Sinai, prévisionniste économique de longue date, a déclaré au Wall Street Journal qu'une baisse des bénéfices des entreprises pourrait entraîner une baisse des investissements et une contraction. Les investissements des entreprises ont chuté à un taux annuel de 0,6 % au deuxième trimestre, après avoir atteint des taux de croissance de plus de 8 % à la fin de 2017 et au début de 2018.

Sinai a déclaré qu'il fallait s'attaquer à la Chine, mais que les mesures commerciales constituaient une «grosse erreur politique» et qu'elles faisaient mal au pays.

Selon un sondage du Wall Street Journal, les économistes entrevoient maintenant une probabilité moyenne de 33,6 % de récession aux États-Unis, en hausse par rapport à 30,1 % en juillet, et le plus haut niveau depuis le début du sondage en 2011. Il y a un an, la probabilité de récession était de 18,3 %.

Selon la firme de prévision Macroeconomic Advisers, l'économie américaine croît à un taux annuel de 1,7 % pour le trimestre en cours, bien en deçà de l'objectif d'au moins 3 % de l'administration Trump.

(Article paru en anglais le 2 septembre 2019)

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