Allemagne : Die Linke réagit à sa débâcle électorale à l'Est en virant fortement vers la droite

Le Parti de gauche a réagi à sa débâcle électorale lors des élections en Saxe et au Brandebourg, dans l'ex-Allemagne de l'Est, en virant fortement vers la droite. Cela a été souligné par les déclarations des principaux représentants des partis ces derniers jours.

Dietmar Bartsch, chef de groupe du Parti de gauche au Bundestag (Parlement fédéral), a annoncé lundi, dans un entretien à la chaîne de télévision Deutschlandfunk, que son parti allait poser «des questions fondamentales sur notre orientation stratégique après une telle catastrophe.» Il a ensuite précisé ce qu'il voulait dire: la poursuite des politiques anti-ouvrières menées par son parti où qu'il soit au pouvoir et l'alignement sur l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) d'extrême droite, notamment en matière de politique des réfugiés.

A la question de savoir si le Parti de gauche voulait être «un parti de protestation et non un parti de gouvernement», Bartsch a affirmé: «Nous sommes un parti de gouvernement. Et vous savez, il y a une élection en Thuringe dans quelques semaines et c'est là que nous fournirons le premier ministre du Land.» La question de «gouverner ou pas ne se pose pas». C'était "très clair: dans tous les États fédérés, le Parti de gauche dit très clairement que nous sommes prêts à prendre la responsabilité gouvernementale, s'il doit vraiment y avoir du changement.» Un «changement social s'impose d'urgence.»

Qui est-ce que Bartsch pense être assez stupide pour croire ça? Partout où le parti est au pouvoir au niveau de l’État avec les sociaux-démocrates (SPD) et les Verts - partis de guerre et d'austérité - il fait respecter les attaques sociales, accroît les pouvoirs de la police et des services de renseignement et procède à des déportations brutales. Le parti, dont les prédécesseurs il y a 30 ans ont joué un rôle central dans la réintroduction des relations capitalistes en matière de propriété en Allemagne de l'Est, porte donc la responsabilité principale de l'essor de l'AfD. En particulier, le fait qu'il ait provoqué une catastrophe sociale au nom de la politique «de gauche» a produit une frustration politique qui est exploitée par l'extrême droite.

Après son quasi effondrement à l'Est (en Saxe, son vote est passé d'un peu moins de 19 % en 2014 à 10,4 % et dans le Brandebourg de 18,6 % à 10,7 %) le parti de gauche reprend ouvertement les slogans anti-réfugiés de l'AfD. «Que nous suggérions que le plus grand nombre possible de personnes viennent en Allemagne, ce n'est pas une position de gauche», s'est insurgé Bartsch. «Une position de gauche» serait pour lui «que chaque enfant puisse développer ses capacités et ses compétences là où il est né.»

Ce point de vue est tout à fait nationaliste et de droite. Une "position de gauche" serait que tout être humain, où qu'il vive, où qu'il doive fuir en raison de la guerre et de la misère, puisse développer ses «capacités et compétences» à un niveau très élevé. Cela exige l'unification de la classe ouvrière au-delà de toutes les barrières nationales, ethniques, religieuses et autres sur la base d'un programme anticapitaliste et socialiste.

Voilà exactement ce que Bartsch veut empêcher. Il a appelé de ses vœux «une loi sur l'immigration de gauche», qu'il sait être exactement sur la ligne de l'AfD. Il y a, bien sûr, «ceux qui disent que chaque loi sur l'immigration est une limitation et donc qu'elle n'est plus de gauche.» Et il y en a «d'autres» - parmi lesquels il se compte évidemment lui-même - «qui disent, bien sûr, que nous avons besoin d'ordre et de certitude juridique dans les circonstances.»

Tout l'entretien montre clairement que Bartsch n'a aucune divergence fondamentale avec les politiques de l'AfD. Sa seule critique du parti d'extrême droite a été formulée du point de vue du capital financier et des entreprises allemandes et européennes. La protestation de l'AfD contre «ceux de Berlin, ceux de Bruxelles» n'avait «aucun avenir, bien sûr», a-t-il dit. En outre, «les gens remarquent rapidement» que ce choix «n'est pas nécessairement efficace» pour l'Allemagne en tant que site économique. «Parce qu'il y a beaucoup d'entreprises qui disent qu'avec des résultats si élevés là-bas pour l'AfD je n'y irai pas.»

D'autres dirigeants du Parti de gauche semblaient être déjà membres de l'AfD, ou du moins de l'aile conservatrice de l'Union démocratique chrétienne (CDU). «Il ne s'agit pas seulement de notre attitude à l'égard de l'immigration», a déclaré la vice-présidente du groupe parlementaire du Parti de Gauche Sahra Wagenknecht dans une interview publiée mardi dans les journaux du RedaktionsNetzwerk Deutschland. Si l'on veut atteindre «les gens au-delà du milieu métropolitain branché», il faut alors «prendre leur vision des choses au sérieux, plutôt que de leur faire la leçon sur la façon de parler et de penser.»

De plus, «Pour la plupart des gens, la patrie (Heimat) est quelque chose de très important, ils valorisent les liens sociaux, la famille et la cohésion sociale.» La «sécurité» concernait «la sécurité de la société, mais aussi la protection contre la criminalité.» La «distance croissante par rapport à ce monde de la vie» se manifeste dans les rapports de leur parti «avec les électeurs de l'AfD, qui sont qualifiés de racistes partout, bien que beaucoup d'entre eux aient déjà voté pour la gauche. Si nous voulons encore plus de popularité, nous devons changer.»

L'appel à peine dissimulé de Wagenknecht à transformer le Parti de gauche en une sorte de d'AfD bis afin d'obtenir plus de voix est loin d'être une plaisanterie. Il résulte directement de l'orientation nationaliste et pro-capitaliste de l'ancien parti stalinien. Le mouvement collectif «Debout» ("Aufstehen") de Wagenknecht, lancé il y a un an, était si nationaliste et de droite que le président de l'AfD, Alexander Gauland, et des publications d'extrême droite telles que Junge Freiheit l'ont porté aux nues.

L'initiative avait «la possibilité de vaincre les tranchées partisanes et ainsi pourrait enfin donner une impulsion au discours factuel provenant de la gauche», a déclaré M. Gauland en septembre 2018. Dans le même souffle, il a fait l'éloge de Sahra Wagenknecht en tant que femme politique capable «de mettre de côté les œillères de gauche et d'identifier les préoccupations et les besoins réels de larges couches de la population, au-delà du pathos et de l'idéologie.»

Malgré le retrait annoncé de Wagenknecht de la présidence du groupe, l'ensemble du parti est en train de suivre sa voie et de se transformer en un parti ouvertement d'extrême droite. Les conclusions nécessaires doivent être tirées de cette évolution. La lutte contre les inégalités sociales et le retour du militarisme et du fascisme exige un règlement politique impitoyable avec le Parti de gauche et ses partisans de pseudo-gauche, et l'établissement du Sozialistische Gleichheitspartei (Parti socialiste pour l'égalité, SGP) et de la Quatrième Internationale comme nouveau parti socialiste de la classe ouvrière.

(Article paru en anglais le 6 septembre 2019)

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