Les travailleurs américains de l’auto veulent une grève totale

Alors qu’arrivait à échéance leur convention collective samedi à minuit, les 158.000 travailleurs de l’auto touchés étaient déterminés à mener une lutte acharnée afin d’inverser des décennies de reculs et d’érosion du niveau de vie.

Dans les heures qui ont précédé l’expiration des accords, les responsables du syndicat United Auto Workers (UAW) ont gardé les travailleurs dans l’ignorance, comme cela a été le cas pendant tout l’été, quant au progrès des négociations contractuelles et de tout projet de faire grève.

Entre-temps, des responsables locaux de l'UAW dans des usines GM ont été rappelés à Detroit au cours du week-end, où ils voteront sur un accord si un tel accord est conclu.

La nervosité de l'UAW se reflète dans la publication de directives de grève mettant en garde contre d'éventuelles actions en faveur des grèves sauvages. Une note des responsables de l'UAW à l'usine de montage de GM à Wentzville, dans le Missouri, a mis en garde les travailleurs: «De nombreuses rumeurs circulent. Rappelez-vous, jusque qu’au moment où notre délégué syndical décide, que ce ne sont que des rumeurs.»

L’annonce vendredi par l’UAW d’accorder une prolongation «de durée indéterminée» la convention collective actuelle à Ford et à Fiat Chrysler a provoqué la colère de nombreux travailleurs, qui sont impatients de se battre. Avec cette annonce, l'UAW souligne qu'il négociera au cas par cas des accords avec les constructeurs automobiles de Detroit afin de mieux séparer les travailleurs et de les empêcher d'exercer leur puissance sociale collective.

Un employé du complexe Fiat Chrysler Toledo Jeep a exprimé l’état d’esprit militant de la base en déclarant au Bulletin d’information des travailleurs de l’auto du WSWS: «Cet accord s’éternise depuis quatre ans maintenant. Nous voulons faire grève maintenant. Nous serons prêts samedi à minuit.»

«Lorsque le syndicat a envoyé la lettre au sujet de la prolongation «indéterminée» de l’accord, tout le monde a commencé à s'énerver. Ensuite, ils nous ont renvoyé à la maison avant l’heure. C’est peut-être une coïncidence, mais les gens sont fâchés. »

Les tensions ont encore été attisées par une information selon laquelle un responsable de l’UAW de l'usine de montage de GM Spring Hill, au Tennessee, a ordonné aux employés de l'entretien ménager de franchir les piquets de grève des travailleurs horaires en cas de débrayage.

Entre-temps, des reportages parus dans la presse des affaires ont déjà indiqué l'essentiel des revendications des constructeurs automobiles, notamment un recul des prestations de soins de santé «plaquées or» des travailleurs et une expansion significative du nombre de travailleurs temporaires et intérimaires. Cela s'est accompagné d'un barrage de propagande médiatique contre les travailleurs de l'automobile, comprenant des chiffres extrêmement exagérés sur la rémunération horaire des travailleurs.

L'expiration de l’accord en vigueur avec les constructeurs automobiles de Detroit survient dans des conditions où l'UAW est complètement discrédité par les révélations continues de corruption atteignant les plus hauts niveaux, y compris les bureaux du président de l'UAW, Gary Jones. Cela a suscité des commentaires dans la presse de la grande entreprise craignant que l'UAW ne soit peut-être pas en mesure d'imposer les coupes sociales radicales dans les prochains accords recherchés par les investisseurs de Wall Street.

Comme un travailleur chevronné de l'usine GM Wentzville, près de Saint-Louis, a déclaré à propos des dernières révélations sur la corruption dans l'UAW: «Je suis assis ici à penser à tous les voyages que les «comités» ont effectués et aux femmes qui ont accompagné les responsables syndicaux à Palm Springs et ailleurs. Et ces femmes revenaient se vanter des dîners raffinés et des journées aux spas, du shopping… avec notre argent».

GM se vante d’avoir des stocks importants de ses véhicules les plus vendus, ce qui lui permet de résister à une grève de courte durée sans trop de dégâts. Les stocks ont été constitués par une augmentation de la production dans des installations clés et par la programmation de nombreuses heures supplémentaires, sans aucune résistance de la part de l'UAW.

Un employé de l’usine de transmission Fiat Chrysler Kokomo dans l’Indiana a écrit dans le Bulletin qu’il avait été révolté en apprenant les informations faisant état d’une augmentation du rythme de production et de persécution des travailleurs du secteur de l'automobile chez GM Silao, dans le centre du Mexique, alors que l'entreprise tente de faire des réserves de véhicules en prévision d'une éventuelle grève.

«Exploiter les travailleurs mexicains, c'est de la barbarie», a-t-il déclaré. «Exploiter un groupe de travailleurs mexicains, au lieu d’accorder aux travailleurs américains un contrat que nous méritons, démontre que TOUS les travailleurs appartiennent à la même équipe.»

«Restez forts», a-t-il ajouté, adressant ses commentaires aux travailleurs de Silao, «et lorsque nous ferons grève à cause de l’accord au rabais qui sera bientôt imposé, peu importe ce que dit notre UAW, j'encourage et souhaite la bienvenue à mes frères et sœurs mexicains pour qu’ils nous rejoignent sur le piquet de grève».

Une équipe de campagne du Bulletin des travailleurs de l’auto du WSWS a reçu un accueil chaleureux vendredi à l’usine de montage de poids lourds Fiat Chrysler Warren à Detroit. Les travailleurs voulaient être informés de la corruption dans l'UAW. «Je suis au courant depuis longtemps», était un refrain typique. Les travailleurs se sont également dits préoccupés par les conséquences de l'intervention du gouvernement dans les négociations contractuelles.

Lorsque le WSWS a expliqué la nécessité pour les travailleurs de constituer leurs propres comités de base, de nombreux travailleurs ont manifesté leur intérêt.

Un ouvrier chevronné de Warren Truck a déclaré: «Ils (le syndicat) ne nous informent de rien. J'ai essayé d’interpeller certains membres du comité de négociations, mais c’est bouche cousue.»

«Ils ont pu faire des trucs illégaux sans se faire prendre. Ils pensaient être à l’abri. Si un centime a été détourné, cela devrait être tout aussi punissable que pour 10 millions de dollars.»

(Article paru en anglais le 14 septembre 2019)

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