Podemos soutient le projet de répression de Madrid contre la Catalogne

Vendredi dernier, le secrétaire général du Podemos, Pablo Iglesias, a annoncé que son parti soutiendrait des mesures répressives contre la Catalogne s'il faisait partie d'un gouvernement dirigé par le Parti socialiste (PSOE). M. Iglesias a fait cette déclaration quelques jours avant la dissolution du parlement espagnol, après six mois d'impasse politique depuis les élections du 28 avril, et dans un contexte où des manifestations contre la répression de l’État en Catalogne sont attendues dans les prochaines semaines.

S'adressant à la chaîne de télévision Antena 3, M. Iglesias a déclaré que si le Premier ministre par intérim et chef du PSOE Pedro Sánchez a invoqué l'article 155 de la Constitution pour dissoudre le gouvernement régional catalan élu et que Podemos était dans un gouvernement de coalition avec le PSOE, Podemos l'appuierait. «Je ne voudrais pas anticiper les événements», a-t-il dit, «mais de toute façon, nous nous conformerons à la loi et, si nous étions au gouvernement, nous appuierions la direction du PSOE.» Il a ajouté: «Bien sûr, la question catalane ne sera pas résolue par les seuls juges.»

Il s'agit d'une approbation à peine voilée de la répression par les gouvernements du Parti populaire (PP) et du PSOE après la répression policière lors du référendum d'indépendance catalane du 1er octobre. Il révèle le caractère cynique et faux de ses critiques de l'invocation de l'article 155 en Catalogne par le gouvernement PP précédent, soutenu par le PSOE. En fait, Podemos soutient les préparatifs par la classe dirigeante pour une répression.

En octobre 2017, le gouvernement PP soutenu par le PSOE à Madrid a approuvé le gouvernement direct en Catalogne après une violente répression policière lors du référendum d'indépendance catalan de 2017. L'article 155, qui n'avait jamais été utilisé auparavant, avait été qualifié d'«option nucléaire» contre les nationalistes catalans. L'article stipule que si un gouvernement régional «ne respecte pas les obligations de la Constitution ou d'autres lois qu'elle impose, ou agit d'une manière qui porte gravement atteinte aux intérêts de l'Espagne», le gouvernement espagnol peut diriger directement la région.

Le gouvernement PP a utilisé cette mesure pour dissoudre de force le gouvernement élu catalan et convoquer des élections dans la région sous menace des bottes de milliers de policiers et de forces de sécurité. Les médias espagnols ont discuté ouvertement de l'utilisation du gouvernement directe de Madrid dans la région pour réduire la présence de la langue catalane dans les écoles, abolir la police de la région et suspendre la radio et la télévision publiques catalanes, accusées d'être des foyers du nationalisme catalan.

Il s'en est suivi l'arrestation et la détention de dizaines de dirigeants, de fonctionnaires et de militants catalans, dont beaucoup n'avaient rien fait d'autre que d'aider à organiser des manifestations pacifiques. Près de deux ans plus tard, 12 d'entre eux sont toujours en détention provisoire, dans l'attente d'une sentence qui sera annoncée dans les prochaines semaines. On s'attend à ce que ces condamnations soient lourdes et déclenchent des manifestations de masse à Barcelone.

Sous le PP, la bourgeoisie espagnole a déclenché une vague de chauvinisme réactionnaire espagnol sans précédent depuis le franquisme, et a encouragé la construction du parti néo-fasciste Vox. Depuis qu'une coalition parlementaire de Podemos et des nationalistes catalans a installé un gouvernement du PSOE en 2018, l'imposition «indéfinie» de l'article 155 est devenue l'appel de ralliement du PP, du parti Cuidadanos de droite et de Vox d'extrême droite. Cela signifierait la suspension indéfinie d'un gouvernement régional élu en Espagne.

La semaine dernière, alors que les principaux partis parlementaires se reprochaient mutuellement de ne pas avoir formé de gouvernement, Sánchez s'en est pris à la Gauche républicaine de Catalogne, séparatiste, avertissant qu'il pouvait invoquer l'article 155 pour destituer le gouvernement régional catalan «si vous essayez de violer la Constitution.»

L'opposition de Podemos à ces politiques réactionnaires a toujours été platonique, car le parti n'a pas tenté de mobiliser l'opposition large et croissante des travailleurs à la répression de l’État, préférant des critiques de pure forme contre le PP de droite, et appellant à des alliances avec le PSOE. En juillet dernier, Iglesias s'est même engagé à une «loyauté complète» envers le PSOE sur toutes les questions institutionnelles, y compris la politique étrangère et la question catalane. C'était un signe de soutien tacite à la répression étatique.

Aujourd'hui, Iglesias s'oriente de plus en plus vers la droite dans le cadre d'un projet de répression policière des manifestations contre l'emprisonnement de politiciens nationalistes catalans, qui pourraient risquer jusqu'à 25 ans de prison. Les sondages montrent qu'en dépit de l'implacable propagande anticatalane dans les médias espagnols, seuls 32,6 % des Espagnols et 11 % des habitants de Catalogne soutiennent l'imposition de l'article 155, alors que de larges majorités préconisent la résolution des conflits par des négociations entre Madrid et Barcelone.

Les déclarations d'Iglesias sont un avertissement à la classe ouvrière internationale: les forces de pseudo-gauche comme Podemos ou des personnalités comme le dirigeant du Parti travailliste au Royaume Uni Jeremy Corbyn ou Bernie Sanders aux États-Unis s'alignent sur des plans de répression de masse dans un contexte de montée de la lutte de classe et de protestation sociale en Espagne et dans le monde.

Des grèves ont éclaté ces derniers mois en Espagne dans le secteur des transports, touchant les chemins de fer, le métro et les aéroports. Vendredi dernier, le personnel au sol d'Iberia a entamé une grève de quatre jours, obligeant la compagnie à annuler 206 vols. Samedi, des milliers de métallurgistes du Pays basque ont protesté dans les rues de Bilbao pour exiger des augmentations de salaire, la fin de l'externalisation des travailleurs dans les entreprises d'intérim et la parité salariale entre les femmes et les hommes sur le lieu de travail. Le même jour, les pilotes et le personnel de cabine de Ryanair ont renouvelé leur grève.

Cette combativité croissante de la classe ouvrière coïncide avec les attentes de manifestations massives contre le jugement qui sera imposé aux 12 dirigeants catalans en détention provisoire.

La police régionale catalane - sous le contrôle des nationalistes catalans - a récemment annoncé qu'elle préparait divers plans pour réprimer les manifestations contre le régime, embaucher davantage de policiers anti-émeute et acheter de nouveaux équipements anti-émeute. En même temps, ils stockent du gaz poivré, des clôtures métalliques et des projecteurs pour éblouir les manifestants. Le gaz poivré est un outil sans précédent dans l'arsenal de la police catalane, bien qu'il soit couramment utilisé par les polices française et allemande.

Le bilan de Podemos montre que la lutte contre le retour à des formes autoritaires de gouvernement ne peut se poursuivre qu'en construisant une nouvelle direction révolutionnaire dans la classe ouvrière espagnole et internationale. Elle exige une rupture politique impitoyable avec les partis de style Podemos qui, s'appuyant sur les théories postmodernes et antimarxistes des «populistes de gauche», défendent les couches réactionnaires de la classe moyenne supérieure profondément intégrées à la machine d’État.

Si la classe dirigeante a promu ces partis comme des organisations de «gauche», ils n'ont rien à voir avec la politique de gauche en termes d'orientation et de perspectives politiques. Les privilèges des bureaucrates syndicaux, des universitaires «de gauche» et des experts des médias qui constituent la base sociale de ces partis sont entièrement liés aux institutions par lesquelles la lutte de classe a été étranglée en Espagne et en Europe depuis les années 1970. Dans le contexte de l'effondrement du régime démocratique parlementaire mis en place après la transition du régime fasciste franquiste en 1978, ils virent brusquement vers la droite.

Pour vaincre ce virage vers une politique fasciste et autoritaire, il faut mobiliser la classe ouvrière au niveau international dans une lutte contre tout l'establishment politique capitaliste, pour prendre le pouvoir et exproprier la classe capitaliste. Cela exige la construction d'une avant-garde trotskyste dans la classe ouvrière, c'est-à-dire des sections du Comité international de la Quatrième Internationale en Espagne et dans chaque pays.

(Article paru en anglais le 24 septembre 2019)

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