Les salariés se mobilisent contre la réforme des retraites en France

La CGT, FSU, Solidaires, UNEF, et UNL ont appelé les salariés du privé et du public à manifester mardi contre la réforme des retraites du gouvernement Macron. 150.000 manifestants selon la CGT ont manifesté dans toute la France.

Contrairement au rassemblement samedi des «gilets jaunes» et à la manifestation mondiale sur le climat, où des violences policières étaient à déplorer, le rassemblement du 24 s’est déroulé sans incident. Selon le cabinet Occurence, 12.300 personnes ont manifesté à Paris, et 2.000 au Havre. La police a compté 3.500 manifestants à Lyon, 3.700 sur Marseille. La CGT, elle, a compté 150.000 manifestants sur toute la France.

Les reporters du WSWS ont pu discuter avec des manifestants à Paris qui ont fait part de leur solidarité avec les travailleurs dans le monde en lutte contre l’austérité, les États policiers et la guerre. Une nette contradiction traverse cette journée d’action. Alors que des travailleurs se sont mobilisés pour manifester leur opposition à Macron, les appareils syndicaux et leurs alliés politiques négocient l’austérité avec Macron et évoluent à droite.

Des ouvriers de la SNCF Moulin Neuf à Chambly ont fait part au WSWS du dégoût des cheminots envers Macron: «Vous parlerez aux cheminots, on va tous dans le même sens: c’est tout pour les riches, rien pour les pauvres.»

Des cheminots de Chambly

Revenant sur les conséquences de la casse du statut des cheminots par Macron pour les jeunes travailleurs, un des cheminots a expliqué:«Ils pourront se faire licencier à n’importe quel moment, tout ça. ... Les jeunes ne gagneront que mille ou 980 euros par mois, sans contrat, sans la sécurité de l’emploi. Danse le privé ils vont toucher 2.500 euros, à la SNCF ça va être 980 euros pour un rien. Avec les primes ils vont toucher 1.190 euros. Maintenant il faut dire non à l’État.»

Concernant la fin des régimes spéciaux de retraite à la SNCF, il a continué: «Sur les retraites, on en a marre. Il faut arrêter de taper sur les anciens, il faut arrêter.». A propos des chiffres cités dans la presse, avec 15 à 35 pour cent de perte dans le montant de la retraite, le cheminot a confirmé: «Il faut aller voir les anciens qui touchent 2.400 euros; maintenant vous allez avoir des retraites de 1.800 euros.»

Un des cheminot estime que les retraites devraient être plus élevées pour tous: «Il y a certains métiers à la SNCF, c’est très dur. On n’est pas derrière un bureau ... les cheminots ne sont pas que des fainéants. Allez voir des anciens, vous verrez ce qu’il touchent en retraite c’est lamentable. Il ne faut pas niveler vers le bas, il faut que les gars du privé nivellent vers le haut. Il ne faut pas faire de la jalousie, dire qu’il faut descendre les cheminots. Le privé devrait se battre pour gagner autant que nous, ce qui serait entièrement logique.»

Sur la grève de l’automobile aux USA, le mouvement en Algérie et à l’international, les cheminots ont fait part de leur soutien: «On est solidaire. En Algérie, la France les a tués, et à présent ils sont en train de se battre pour nous. Ils se battent aussi, bien sûr qu’on est solidaire.»

Le cheminot explique au WSWS leur scepticisme vis-à-vis des négociations syndicales avec Macron: «Cela ne servira à rien, tant qu’on aura des syndicats comme la CFDT qui est vachement réformiste. Ils s’en foutent, ces gens-là, de ce que nous enfants pâtiront. ... Avant ce n’étaient que les cols blancs, quoi, ceux qui gagnent beaucoup d’argent. Nous on gagne 1.800 euros par mois. Faut payer la voiture, faut payer le loyer. Malheureusement, en France faire grève ça coûte cher, nous on perd 80 euros sur une journée comme ça.»

Sur l’affaire de corruption des syndicalistes de UAW aux USA achetés par le patronat de GM, ils ont répondu: «Ça se fait partout. … Les ‘gilets jaunes’, comme ça, il faut se réunir. Macron il ne va jamais retirer son projet, mais les ‘gilets jaunes’ ont ouvert une brèche. Pour le moment c’est trop dispersé, mais à un certain moment il y aura bien un gars qui prendra la main, avec un programme un peu mieux que l’autre. … Avec les ‘gilets jaunes’, il faut qu’il y ait un leader. Ils ne peuvent partir à droite, à gauche comme ça.»

Toutefois, il faut encore résoudre des questions critiques de stratégie politique et internationale, lié à la prédominance sur de longues décennies d’appareils syndicaux staliniens sur la classe ouvrière en France. La nécessité pour les travailleurs de prendre leurs propres luttes en main pour s’organiser indépendamment des syndicats, et de se doter d’une nouvelle avant-garde politique, est critique.

Bruno Rabardel, délégué syndical CGT à TDF (ex-Télédiffusion de France) et membre du Parti communiste français (PCF) stalinien est revenu sur la situation des séniors dans l’entreprise: «Les séniors, on les met au chômage, alors ça veut dire finir ma retraite au RSA, RMI, minimums sociaux, une retraite de misère et peut-être continuer à travailler en touchant ma retraite pour remplir mon frigo.»

Rabardel a expliqué les calculs de la classe dirigeante: «Mon patron, il ne veut pas me garder jusqu’à 67 ans. Dès que je suis trop vieux, trop bien payé, quelque chose, il veut se débarasser de moi. Et qu’est-ce qui se passe après? Je vais au Pôle emploi, comme les collègues, et j’attends en espérant toucher une retraite qui sera indexée à ce que j’ai travaillé. On me décotera les années que je n’aurai pas travaillé, et ce sera toute une fin de vie de misère. Je ne veux pas ça.»

Rabardel a toutefois indiqué clairement son optique nationale et son scepticisme envers l’indispensable organisation internationale et indépendante de la lutte des classes: «Je suis citoyen français. J’essaie de comprendre ce qui se passe en France et de faire pour que la France rayonne de par sa dimension sociale, pour inspirer d’autres pays. Après, être solidaire des autres luttes, évidemment je le suis, que ce soit en Grèce ou ailleurs. Mais la lutte internationale … organisons déjà la lutte nationale et servons d’exemple.»

Les reporters du WSWS ont également rencontré Olivier Besancenot du NPA dans la manifestation. Informé de leur identité, il a refusé toute entrevue et a dit qu’il serait seulement possible de leur parler «plus tard.»

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