GM ferme le complexe de Silao au Mexique alors que la rébellion des travailleurs se prépare

GM a décidé de mettre fin à la production du complexe Silao, son usine la plus importante au Mexique, en raison d'une rébellion croissante à l'usine impliquant des travailleurs qui exigent une lutte unie avec leurs alliés de classe aux États-Unis. La décision de GM montre que les travailleurs en grève aux États-Unis ont un soutien international - une source de force énorme qu'ils ne peuvent libérer que par une rupture avec le syndicat UAW et la prise en main de la grève eux-mêmes.

Les 6000 travailleurs de Silao assemblent une vaste gamme de transmissions, de moteurs et plus de 400.000 véhicules pick-up annuellement - les très rentables GMC Sierra et Chevrolet Silverado. Bien que GM ait prétendu la semaine dernière que «GM fonctionnait normalement dans toutes les usines», la société a annoncé le 26 septembre que deux équipes seraient mises à pied dans chaque zone du complexe de Silao cette semaine. La société a alors décidé mardi de fermer toute l'usine jusqu'à nouvel ordre. L'entreprise paiera à certains travailleurs 55 pour cent de leurs salaires pendant cette période tout en éliminant les jours de congés payés des autres.

Kristin Dziczeek, vice-présidente du Centre de la recherche d’automobile, a déclaré à AP que «la fermeture de l'usine de Silao a créé une pression accrue sur GM pour mettre fin à la grève».

Le complexe de General Motors à Silao

En d'autres termes, une lutte unie des travailleurs américains et mexicains dans le secteur de l'automobile pourrait constituer un défi sérieux à la dictature de l'entreprise et aux syndicats corrompus. Cette unité de classe objective dément le mensonge mis en avant par des hommes politiques comme le milliardaire Donald Trump, qui prétendent que les Mexicains sont des «violeurs», et des affirmations de Trump, des démocrates et de l'UAW qui prétendent à tort que des travailleurs mexicains volent des emplois américains.

Dans un communiqué de presse, GM Mexique a déclaré: «Nous restons vigilants sur les négociations entre la General Motors Company et le syndicat UAW (United Automobile Workers) aux États-Unis afin d'évaluer chaque jour nos activités, dans l'espoir que le complexe de GM reprenne ses activités dans les prochains jours.»

La Confédération des travailleurs mexicains (CTM), qui contrôle le syndicat du complexe de Silao, a déclaré pathétiquement: «En tant qu'organisation, nous préférons ce type d'arrangement plutôt que le licenciement de travailleurs.» Tereso Medina Ramírez, responsable régional de la CTM, a également repris la position du patronat en déclarant que «ce que nous espérons, c’est qu’aux États-Unis, les entreprises règlent ce conflit le plus rapidement possible.»

Les déclarations de l’entreprise et du syndicat sont des tentatives de dresser les travailleurs les uns contre de chaque côté de la frontière. En effet, tous les signes suggèrent que la décision de fermer Silao visait à prévenir une rébellion frémissante de la part de travailleurs qui lancent déjà des appels pour une lutte commune avec des grévistes américains. Depuis le début de la grève, GM a licencié au moins sept travailleurs opposés à l’augmentation des cadences de travail et aux heures supplémentaires afin de ne pas affaiblir la grève des travailleurs américains.

Les deux tiers des pièces des voitures assemblées au Mexique proviennent des États-Unis et du Canada, dont une part importante passe par les centres de distribution en grève aux États-Unis. GM et l’UAW ont tous deux invoqué le manque de pièces détachées comme cause de leur décision. Cependant, ni l'un ni l'autre n'ont expliqué le changement soudain dans les calculs visant à arrêter Silao tout en maintenant ouverts les usines de Ramos Arizpe, San Luis Potosí et Toluca.

Mercredi, EFE a informé que les travailleurs de Silao avaient dénoncé le harcèlement et les licenciements injustifiés «en raison du soutien apporté aux grévistes américains». La réembauche des travailleurs persécutés, poursuit-il, «pourrait figurer parmi les revendications des grévistes aux États-Unis, ainsi que l’accès [des travailleurs mexicains] à la répartition des ressources de la caisse de grèves [américaine].»

L’agence de presse a ensuite indiqué que, après avoir contacté la société, GM Mexique «a insisté sur le fait qu’il était faux de dire qu’il y avait eu des licenciements injustifiés et que le fonds de grève ne vaut que pour l’UAW aux États-Unis.»

Ces déclarations démontrent que la société suivait de près les activités du groupe militant de Silao, qui prend des mesures pour soutenir les grévistes américains, lorsqu’elle a décidé de fermer l’usine.

Selon des travailleurs de Silao en contact avec le WSWS Autoworker Newsletter (bulletin des travailleurs de l’automobile), GM et son syndicat auraient intensifié le harcèlement et les licenciements injustifiés des travailleurs les plus francs et de ceux qui avaient déjà été blessés pour se préparer à une augmentation des cadences et à d'autres mesures en réponse à une éventuelle grève aux États-Unis.

Un grand nombre de ces travailleurs ont été pris pour cible parc qu'ils ont pris part à des discussions sur une rupture avec le syndicat pro-patronat, qui durent depuis des années. Ces travailleurs ont constitué un groupe de base en avril, qui a maintenu des contacts réguliers sur les médias sociaux et organisé des réunions bihebdomadaires dans une ville voisine. Après avoir lu début septembre le scandale de corruption et d’expiration de l’accord salarial de l’UAW dans le WSWS Autoworker Newsletter, les travailleurs ont pris contact avec le WSWS et ont commencé à participer à des conférences en ligne organisées par le WSWS pour discuter d’une lutte commune avec les travailleurs du secteur de l’automobile aux États-Unis et au plan international.

Lors de leur assemblée locale du 15 septembre, le groupe militant, qui comptait environ 35 travailleurs et qui a depuis adopté le nom de «Generating Movement», a voté pour s'opposer activement aux cadences augmentées et aux heures supplémentaires que GM pourrait utiliser pour saper une grève aux États-Unis, qui a commencé le lendemain. Après que les travailleurs de Silao eurent annoncécette décision lors de l’appel en ligne international organisé le 19 septembre par Autoworker Newsletter et appelé les grévistes américains à exiger que GM réembauche des collaborateurs dans leur groupe militant, la société commença à licencier expressément les travailleurs présents à l’assemblée du 15 septembre et ceux qui ont envoyé des messages vocaux le 19 septembre.

Les victimes ont réagi en augmentant leurs appels à leurs frères et soeurs internationaux. Dans leurs déclarations aux médias, les travailleurs de Silao ont clairement fait savoir qu’ils mènent une lutte internationale. Israël Cervantes a déclaré mercredi à El Otro Enfoque: «Vingt- cinq collègues ont déjà été licenciés et nous exigeons, avec des collègues aux États-Unis, qu'ils soient immédiatement réembauchés.»

Un ouvrier de Fiat Chrysler à Toledo, dans l'Ohio, a déclaré à Autoworker Newsletter que les ouvriers de Silao «sacrifient beaucoup pour le bien. L’UAW et la direction utilisent la menace de transférer des emplois au Mexique comme tactique alarmiste».

Il est du devoir de classe de tous les travailleurs américains du secteur de défendre les travailleurs de Silao et d’adopter leur revendication d’être réembauché avec le paiement des arriérés de salaires. Cependant, cela ne peut être mené à bien que si la grève est libérée du carcan de l’UAW en organisant des comités de base dans chaque usine pour que les travailleurs formulent leurs propres revendications contre les concessions exigées par l'entreprise et le syndicat, et pour les réaliser par le biais d’une stratégie internationale.

En même temps, les travailleurs de Silao doivent s'opposer à toute tentative visant à soumettre leur lutte à la CTM ou les soi-disant «syndicats indépendants» par l’emploi des arguments que ces derniers peuvent être démocratisés grâce à la nouvelle réforme du travail approuvée par le gouvernement d'Andrés Manuel López Obrador et son Mouvement pour la régénération nationale (Morena).

La réforme élimine la «norme d'exclusivité» utilisée par les entreprises pour licencier les travailleurs ayant quitté le syndicat pro-patronat. Elle permet la formation d’un syndicat avec un vote à 50 pour cent d'au moins 30 pour cent des travailleurs de l'usine. Cependant, tout en affirmant qu'aucun travailleur n'est «contraint d'adhérer à un syndicat», la loi maintient l'exclusivité selon laquelle seuls les syndicats enregistrés peuvent conclure de nouveaux accords avec l'entreprise.

La nouvelle législation a été promulguée le 1er mai, mais des travailleurs continuent à être licenciés comme Silao et ailleurs dans tout le pays pour s'être opposés aux syndicats en place, démontrant ainsi que ses réglementations ne visent pas les abus des entreprises, mais le contrôle des travailleurs. La loi elle-même fut sollicitée par le gouvernement de Donald Trump lors des négociations commerciales.

Au moment où la classe dirigeante mexicaine et ses patrons américains et européens se préparent à un ralentissement économique, ils exploitent les illusions populaires généralisées à l’égard de López Obrador pour lier les mains des travailleurs par le biais de leur État capitaliste et de leurs syndicats, tout en militarisant le pays en préparation pour réprimer les futurs bouleversements sociaux.

A lire aussi:

Lessons of the Matamoros workers' rebellion

(Article paru en anglais le 4 octobre 2019)

Loading