Pompeo signe une alliance militaire américano-grecque et menace l'Iran, la Russie et la Chine

La politique étrangère agressive des États-Unis et de l'Europe intensifie le risque qu'un conflit entre grandes puissances sur les Balkans et le Moyen-Orient puisse déclencher une guerre mondiale. C’est ce qui ressort de la visite de six jours du secrétaire d’État américain Mike Pompeo en Italie, dans les anciennes républiques yougoslaves du Monténégro, de la Macédoine et de la Grèce. Après que Trump eut interrompu les frappes militaires américaines contre l’Iran en juin dernier, dix minutes avant de provoquer une guerre totale entre les États-Unis et l’Iran, la tournée de Pompeo visait à menacer l’Iran et ses alliés dotés d’armes nucléaires, la Russie et la Chine.

Pompeo s’est déplacé sur fond d’une crise explosive à Washington et dans ses relations avec ses «alliés» européens et turcs de l'OTAN. Une grande partie de son temps pendant ce voyage a été consacrée à des questions sur ce qu'il avait entendu lors de l'appel téléphonique de Trump avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky, et si celui-là pourrait être utilisé pour poursuivre la campagne de destitution de Trump. Bien que Washington ait annoncé des tarifs douaniers de 7,5 milliards de dollars contre l’Europe lors de la tournée de Pompeo, il n’a pas pris la peine de visiter les trois plus grandes économies européennes: Berlin, Londres et Paris.

Au cœur du voyage de Pompeo il y avait cependant une dénonciation incessante de l'Iran, de la Russie et de la Chine, ainsi que la signature d'un traité militaire américain avec la Grèce visant ces pays et un allié apparent de l'OTAN à l'Amérique, la Turquie. En examinant les propos de Pompeo samedi à Athènes, il est impossible de ne pas rappeler comment, après l'assassinat de l'archiduc autrichien Franz Ferdinand le 28 juin 1914, de tels conflits dans les Balkans ont déclenché la Première Guerre mondiale.

Pompeo a déclaré que les Balkans «restaient un espace de concurrence stratégique». Il a imputé à l'Iran et à ses alliés le bain de sang et les conflits provoqués par trois décennies de guerres menées par l'OTAN dans la région.

Pompeo a dénoncé «la République islamique d'Iran, dont les mandataires terroristes ont déstabilisé le Moyen-Orient, a transformé le Liban en un pays client et a contribué à la création d'une crise des réfugiés qui continue de toucher la Grèce à ce jour.» Il a également dénoncé «l'influence néfaste de la Russie, en Grèce et dans les pays environnants», et la Chine pour avoir prétendument «utilisé des moyens économiques pour contraindre des pays à conclure des accords désavantageux qui profitent à Pékin et laissent ses clients fortement endettés.»

Pompeo s'est ensuite vanté publiquement de l'hypocrisie de sa propre présentation de la campagne en faveur du contrôle militaire américain sur la région - une faveur désintéressée accordée à la Grèce. Il a dit: «Regardez, c'est un peu égoïste: les États-Unis doivent maintenir le succès de la Grèce pour aider à sécuriser la Méditerranée orientale.»

La perspective de Pompeo pour justifier une guerre est remplie de mensonges qui ne convainc même pas le secrétaire d'État lui-même. Ce n'est pas l'Iran qui a mis le feu au Moyen-Orient, mais des décennies de guerres de l'OTAN, d'occupation de l'Irak et de l'Afghanistan par les États-Unis et l'utilisation par l'OTAN des forces d'Al-Qaïda depuis 2011 pour une guerre par procuration en vue d'un changement de régime en Syrie. Puis, en 2014, Berlin et Washington ont soutenu un coup d'État dirigé par les fascistes en Ukraine, qui a plongé le pays dans la guerre civile, a failli à provoquer une guerre avec la Russie et a conduit à une course aux armements en Europe.

La responsabilité des millions de morts dans ces guerres et des dizaines de millions de réfugiés qu’elles ont créés n’incombe pas à l’Iran ou à la Russie, mais à Washington et à ses alliés européens.

Aujourd'hui, les espoirs de Washington de dominer militairement l'Eurasie sont en ruines. Le mois dernier, Trump a laissé entendre que le seul moyen de remporter la victoire américaine en Afghanistan consistait à anéantir le pays par de bombes nucléaires. Il s'est vanté de pouvoir gagner la guerre «en une semaine» mais ne le voulait pas, car «je ne veux tout simplement pas tuer 10 millions de personnes.»

Depuis 2011, le conflit syrien a évolué en une guerre par procuration entre d’une part Washington, les puissances impérialistes européennes, les pays pétroliers des cheiks du golfe Persique, et leurs mercenaires des milices islamistes et kurdes, et d’autre part le gouvernement syrien soutenu par l'Iran, la Russie et la Chine. La guerre a entraîné une défaite écrasante des forces alignées sur les États-Unis, actuellement refoulées dans des zones du nord de la Syrie, et a entraîné une montée des tensions américano-turques. Alors que les milices kurdes sont menacées par une attaque turque, les milices islamistes sont attaquées par les forces gouvernementales syriennes soutenues par la Russie.

Les menaces de guerre commerciale et les opérations navales des États-Unis dans les océans Indien et Pacifique visant à isoler la Chine et à stopper sa croissance économique avant qu'elle ne dépasse les États-Unis, ont également un impact direct sur l'Europe. Pompeo a consacré une grande partie de son voyage à attaquer le projet chinois du BRI (l'Initiative de ceinture et de route) pour les infrastructures eurasiennes. Il a exhorté la Macédoine à abandonner une autoroute financée par la BRI et l’Italie à renoncer à son soutien officiel à la BRI, approuvé plus tôt cette année à Rome, et de refuser à la société chinoise Huawei l’accès à l’infrastructure d’Internet italienne.

Face aux menaces de guerre incessantes dirigées contre l'Iran, Washington par son alliance avec la Grèce indique clairement qu'il ne tolérera pas ces revers et réagit de manière agressive par une nouvelle escalade.

À l'approche de la signature de l'alliance militaire américano-grecque par Pompeo, les discussions vont bon train dans les milieux militaires au sujet de la concurrence stratégique mondiale dans les Balkans, surtout sur l'accès aux bases militaires grecques. En juillet, l'ambassadeur américain en Grèce, Geoffrey Pyatt, a déclaré à Stars and Stripes que la base navale américaine située dans la baie de Souda en Grèce, utilisée pendant la guerre en Syrie, est «à peu près saturée». Des responsables militaires américains ont ajouté qu’ils s’inquiètent des investissements chinois dans le port du Pirée à Athènes: «Si nous voulons faire accoster un navire, un navire de guerre, au Pirée, la Chine peut dire non.»

Avant la visite de Pompeo, Pyatt a expliqué la politique américaine de la manière suivante: «À une époque de reprise de la concurrence entre grandes puissances et des plus grandes découvertes d'hydrocarbures de la dernière décennie, ce carrefour mondial de l'Europe, de l'Asie et de l'Afrique est revenu au premier plan de la réflexion stratégique américaine. Après des années à prendre pour acquis la Méditerranée orientale, les États-Unis ont pris du recul pour examiner de manière réfléchie, jeter un regard global pour déterminer la manière de faire avancer les intérêts des États-Unis… »

Cela a conduit à la signature samedi de l'accord de coopération en matière de défense mutuelle américano-grecque. Cet accord sans limite dans le temps, dont les partisans prétendent qu'il ne nécessite plus l’approbation du Parlement grec, élargirait la base navale de la Sixième flotte américaine en Crète, créerait des bases de drones dans le centre de la Grèce et une base militaire et une installation de gaz naturel à Alexandropouli. Cette dernière permettrait d’acheminer du gaz naturel américain en Grèce puis, via les gazoducs qui restent à construire à travers les Balkans, briserait le monopole de la Russie sur le gaz dans la région.

Sur le plan militaire, la base d'Alexandropouli menace à la fois la Russie et les Balkans, ainsi que l'Iran et le Moyen-Orient. Cela permettrait à Washington d'envoyer des forces dans les Balkans sans passer par la mer Noire dans des eaux contrôlées par la Turquie puis par la Russie. L'analyste grec de la défense Efthymios Tsiliopoulos a déclaré à Al Jazeera qu'avec la base d'Alexandropouli, Washington pourrait «soutenir des opérations dans les Balkans beaucoup plus rapidement que depuis d'autres ports». Il a ajouté que les troupes américaines cantonnées dans les bases grecques sont «faciles à déployer» au Moyen-Orient.

Le Pentagone pourrait également utiliser ces bases pour bloquer les navires transportant des réfugiés tentant de traverser la mer Égée du Moyen-Orient vers la Grèce et l'Europe.

Dans un contexte de reprise des conflits entre la Grèce et la Turquie à propos de Chypre et des droits de forage pétrolier dans l'est de la Méditerranée, Pompeo a approuvé sans ambiguïté la position grecque contre la Turquie. Soulignant qu'il avait rencontré des responsables grecs, chypriotes et israéliens, Pompeo a déclaré: «Nous avons clairement indiqué que les opérations dans les eaux internationales étaient régies par un ensemble de règles. Nous avons dit aux Turcs que le forage illégal est inacceptable.»

Un avertissement doit être lancé: les préparatifs d’un nouveau conflit mondial s’accélèrent. Encouragés par un consensus favorable à la guerre au sein des classes dirigeantes des alliés européens de l'Amérique, les deux principaux partis à Washington prévoient de réagir à la crise de la position mondiale de l'impérialisme américain par une nouvelle escalade militaire. Les puissances de l'OTAN ont mis le cap vers une catastrophe qui ne peut être stoppée que par l'intervention indépendante de la classe ouvrière contre cette marche vers la guerre impérialiste qui dure depuis plusieurs décennies.

Un silence assourdissant a prévalu tout au long de la tournée de Pompeo sur le danger d’une guerre américaine avec l’Iran et les implications d’une telle guerre pour l’Europe. Cependant, Téhéran a déclaré à plusieurs reprises qu'il répondrait à une attaque américaine en bombardant des bases américaines situées dans la région à la portée de ses capacités de missiles. Cela pourrait inclure des bases militaires américaines en Grèce, qui pourraient être atteintes par des versions à longue portée du missile balistique iranien Shahab-3.

La guerre risquerait de se propager rapidement d’autant plus du fait que la montée des tensions militaires en Europe s’accentue depuis le coup d'État de 2014 en Ukraine, et le déploiement des troupes de l'OTAN contre la Russie. Depuis juin, des exercices militaires de l’OTAN impliquant plusieurs dizaines de milliers de soldats ont eu lieu en Pologne, en Estonie, en Lettonie, en Lituanie, en Finlande et en Suède, ainsi qu’au Portugal et en Écosse. L’exercice Defender 2020 de l’année prochaine en Allemagne et en Europe de l’Est, auquel participeront des dizaines de milliers de soldats, dont 20.000 soldats américains, devrait être le plus grand jeu de guerre de l’OTAN depuis 25 ans.

(Article paru en anglais le 7 octobre 2019)

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