Avant la décision des procès-spectacles catalans

Les nationalistes catalans, les syndicats espagnols et la pseudo-gauche démobilisent l'opposition

La Cour suprême d'Espagne va condamner lundi 12 politiciens nationalistes catalans pour leur rôle dans le référendum sur l'indépendance du 1er octobre 2017. Ces politiciens ont été accusés frauduleusement d'avoir organisé des manifestations dans le but de faire violemment sécession de l'Espagne. On s'attend à ce qu'ils soient condamnés à des années de prison.

Une telle décision constituerait une escalade majeure dans l'atteinte aux droits démocratiques, y compris la liberté de pensée et de réunion, avec les conséquences les plus graves pour l'opposition sociale dans la classe ouvrière. Cela signifierait que les prisonniers politiques seraient à nouveau présents dans les prisons espagnoles - une situation jamais vue depuis la chute de la dictature fasciste sous le général Francisco Franco. Les groupes de défense des droits de l'homme ont dénoncé de «graves irrégularités» dans le procès; la Fédération internationale des droits de l'homme a conclu qu'il «n'offrait pas les garanties minimales pour être qualifiée d'équitable».

Terrifié par d'éventuelles manifestations et grèves de masse, le gouvernement du Premier ministre espagnol par intérim, Pedro Sànchez, mobilise la police et prépare une répression de masse. Il déplace des unités anti-émeutes de la Garde civile en Catalogne. Il vise à renforcer les unités de la Garde civile déjà présentes en Catalogne avec 700 gardes civils supplémentaires et 800 agents de la Police nationale. En outre, Madrid a ordonné la mobilisation de 300 soldats du Grupo de Acción Rapido (Force d'action rapide), une unité déployée dans les zones de guerre et de conflit comme la Bosnie-Herzégovine, le Kosovo, l'Afghanistan, Haïti et le Liban.

Mercredi, le général Pedro Garrido, chef de la Garde civile en Catalogne, a violé le code militaire interdisant aux troupes en uniforme de discuter publiquement de politique afin de menacer le public. Il a déclaré que les Gardes civils avaient montré leur «engagement envers l'Espagne» il y a deux ans, lorsqu'ils ont sauvagement battu des électeurs pacifiques lors du référendum d'indépendance catalan du 1er octobre 2017, faisant plus de 1000 blessés. Il a ajouté: «Chaque fois que ce sera nécessaire, nous recommencerons.»

Sànchez a averti qu'il pouvait invoquer la loi sur la sécurité nationale et l'article 155 de la Constitution avant les élections du 11 novembre pour suspendre le gouvernement régional élu de la Catalogne. En cela, il a été directement aidé par l'alliance de partis Unidas Podemos, dont le chef Pablo Iglesias s'est engagé à soutenir l'application de l'article 155 de la Constitution. Le syndicat stalinien CCOO (Commissions ouvrières) et l'Union générale du travail (UGT) social-démocrate se sont opposés à toute action de grève contre les procès-spectacles catalans. Au lieu de cela, ils sont passés au-dessus d'eux en silence.

Au milieu de cet assaut de la bourgeoisie et de l'élite politique espagnols, les nationalistes et les syndicats catalans font tout ce qu'ils peuvent pour démobiliser l'opposition à la décision de justice et la subordonner à leur perspective en faillite, pro-capitaliste et nationaliste.

Les partis nationalistes catalans, la Gauche républicaine de Catalogne (ERC) et Ensemble pour la Catalogne (JxCat), dont les responsables, y compris l'ancien vice-premier ministre de l'ERC, Oriol Junqueras, sont parmi les accusés dans les procès, se préparent à réprimer avec violence les manifestations organisées pour leur propre défense. Le gouvernement régional sous leur contrôle a activé l'Opération Minerva, qui met toute la police anti-émeute régionale à sa disposition pour réprimer les manifestations. Le gouvernement catalan a également récemment réapprovisionné la police en gaz poivré.

L'Assemblée nationale catalane-nationaliste catalane (ANC) et l'association Òmnium sont des groupes bourgeois liés à l'ERC et à JxCat par mille fils; ils indiquent clairement qu'ils ne feront pas appel aux travailleurs de toute l'Espagne, parmi lesquels il existe une opposition profonde à la répression violente des Catalans. Un sondage a révélé qu'en dépit d'une propagande médiatique anti-catalane acharnée, les trois cinquièmes des Espagnols s'opposent à une confrontation entre Madrid et la population catalane.

Néanmoins, l'ANC et l'Òmnium travaillent d'arrache-pied pour s'assurer que le jugement du procès-spectacle ne débouche que sur des protestations temporaires, spontanées et non coordonnées.

Après des mois de silence et d'inactivité, le parti de l'Assemblée nationale catalane (ANC), dont l'ancien dirigeant Jordi Sànchez est en détention préventive depuis deux ans, a proposé une réponse ponctuelle «spontanée» au jugement, pour mettre soudain la Catalogne au point mort. Ils ont écrit sur Twitter: «Si vous êtes à la maison ou au travail, allez dans la rue et protestez! Si vous êtes dans votre voiture, arrêtez et faites-vous entendre!» L'ANC convoque des rassemblements à 20h ce jour-là à certains endroits.

Ces actions se dérouleront en marge des Marches pour la liberté co-organisées avec l'association pro-séparatiste Òmnium, dont l'ancien dirigeant Jordi Cuixart est également en détention préventive. Prévues pour durer trois jours, elles débuteront à Berga, Vic, Girona, Tàrrega et Tarragone, et arriveront à Barcelone le vendredi midi.

La dirigeante de l'ANC, Elisenda Paluzie, a également indiqué clairement que l'ANC a l'intention de dissiper les protestations et de tenir en laisse les actions des soi-disant Comités de défense de la République (CDR), liés au parti petits-bourgeois Candidats d'unité populaire (CUP). Sur Radio 4, Paluzie a parlé de la nécessité d'organiser des manifestations, mais s'est opposée à une action qui «durerait plus d'un mois». Cela, dit-elle, «userait» le mouvement nationaliste. Elle s'est distanciée des actions de protestation des CDR comme les «barrages routiers ou le blocage des postes de péage.»

Les minuscules syndicats nationalistes catalans, Intersindical-CSC et Intersindical Alternativa de Catalunya, avec moins de 8000 membres, ont appelé à une grève de 24 heures vendredi, pour mettre fin à la «répression politique en Catalogne». Les syndicats ont avancé des revendications nationalistes, comme pour un salaire minimum de 1200 euros en Catalogne, ne faisant pas appel aux travailleurs en dehors de la région.

Les différents satellites politiques de Podemos de pseudo-gauche et du parti nationaliste catalane

CUP, pour leur part, ont soutenu ces appels. Le Courant révolutionnaire ouvrier, la section espagnole de la Fraction trotskyste moréniste - Quatrième Internationale et de la Gauche révolutionnaire, affiliée espagnole du Comité pour une Internationale ouvrière, ont félicité dans leurs déclarations les syndicats nationalistes d'avoir appelé ces grèves, et a appelé les forces nationalistes catalanes à intensifier leurs appels pour la séparation et la création d'une république catalane.
L'incapacité des groupes petits-bourgeois, des syndicats et des nationalistes catalans à faire même un appel élémentaire aux travailleurs d'Espagne et à l'étranger, pour leur propre défense, souligne leur faillite politique. Ce sont des satellites à peine déguisés de l'élite dirigeante espagnole. La seule voie à suivre pour les travailleurs qui cherchent à monter une opposition politique à l’État policier espagnol est de s'organiser sur la base d'un programme socialiste indépendant de ces groupes en faillite.
(Article paru en anglais le 12 octobre 2019)

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