Londres: la police interdit les manifestations d’Extinction Rebellion – plus de l 500 personnes arrêtées

Les militants d’Extinction Rebellion (XR) ont défié hier une interdiction par la police de manifester dans toute la métropole de Londres. La raison invoquée pour l'interdiction lundi soir était une ordonnance révisée en vertu de l'article 14 de la Loi sur l'ordre public stipulant qu'à 21h00, «tout rassemblement lié au« soulèvement d'automne » d’Extinction Rebellion […] [devait] cesser maintenant de manifester à Londres ».

Cette interdiction a été suivie par l'envoi de centaines de policiers pour détruire des tentes installées à Trafalgar Square, la seule zone dans laquelle des manifestations avaient été autorisées auparavant, après que d’autres eurent été déclarées illégales et leurs participants susceptibles d’être arrêtés.

La police a coupé les cadenas de quatre personnes, qui s'étaient enchaînées ensemble dans une tente. Pamela Williams, 71 ans, s'était collée à l'endroit où se trouvait sa tente. Elle a déclaré à la presse que les manifestants avaient été sommés de quitter les lieux 30 minutes seulement avant le dernier délai fixé à 21 heures.

Parmi les personnes arrêtées, il y avait Ellie Chowns, députée européenne des Verts. Elle a déclaré dans une vidéo publiée sur Twitter: «Hier, toute manifestation publique a été interdite dans notre capitale. C'est une mesure totalement injustifiée et disproportionnée [. …] Les règles ont été changées [. …] Plus aucun espace à Londres n'est autorisé pour une manifestation démocratique pacifique ».

Scott Ainslie, un autre eurodéputé Vert présent, a déclaré que Chowns avait été «prise pour cible» après avoir demandé à la police pourquoi Trafalgar Square devait être évacué. «J’ai tourné le dos pendant deux minutes pour parler à un agent de police et en me retournant, je vois qu’elle est arrêtée. Nous avons demandé à la police la même chose: qu'est-ce qui a changé? Pourquoi sommes-nous maintenant menacés d'arrestation? »

Un porte-parole de XR a déclaré: « Avec des mesures draconiennes et des justifications pas très claires, la police dit aux manifestants qu’ils n’ont plus le droit de se rassembler pacifiquement pour manifester. »

Mardi, la police a demandé à plusieurs centaines de manifestants en train de camper au jardin public de Vauxhall de quitter les lieux. Il y avait parmi eux beaucoup de personnes ayant quitté Trafalgar Square.

Les manifestations se sont poursuivies mardi, notamment au siège du MI5, le service secret, devant Buckingham Palace et à Trafalgar Square, contre l'interdiction visant XR dans la capitale. L'une des fondatrices de XR, Gail Bradbrook, a organisé une manifestation au Département des Transport à Londres.

Lundi, des manifestants avaient pris pour cible la City de Londres, le quartier financier de la capitale, bloquant le carrefour devant la Banque d'Angleterre. La police a réagi en procédant à 76 arrestations pour ‘déprédations criminelles’ et ‘obstruction d'autoroute’. Parmi elles, le rabbin Jeffrey Newman, âgé de 77 ans, de la synagogue Finchley Reform, au nord de Londres, qui dirigeait un groupe de 30 personnes.

Newman était à genoux et priait quand il a été emporté de force. Il est conseiller au Secrétariat international de la Charte de la Terre des Nations unies, qui a établi 16 principes pour une société mondiale durable.

En annonçant l'interdiction, la police londonienne a mentionné spécialement l'impact des manifestations sur la City. Le commissaire général Laurence Taylor, après avoir cité « de graves perturbations dans la communauté », a déclaré: « Aujourd'hui, les manifestants ont pris pour cibles des quartiers de la City de Londres, provoquant de nouvelles perturbations pour les personnes et les entreprises du district financier de Londres. La police a procédé à plus de 90 arrestations. […] Les opérations de maintien de l'ordre se poursuivent et nous continuerons à prendre des mesures contre toute personne participant à des manifestations illégales dans des lieux ciblés par Extinction Rebellion ».

La politique d'arrestations massives et l'interdiction sans précédent à l'échelle de la ville constituent une intensification majeure de la répression par l'État, qui ne se limitera pas à l’activité des militants pour le climat.

Des militants des droits civiques ont mis en doute la légalité de l'interdiction. L'avocat des droits de l'homme Adam Wagner a mis en doute la base juridique de cette décision, jugée « joliment draconienne, même dans le cadre des vastes pouvoirs conférés à la police en vertu de l'article 14 de la loi sur l'ordre public ». La révocation d'une autorisation devrait être proportionnée, a-t-il ajouté sur Twitter, et l'interdiction dans toute la métropole était apparue « extrêmement excessive, même à la lumière de perturbations antérieures ».

Le coordinateur du réseau de surveillance de la police, Kevin Blowe, a déclaré au Guardian que l'ordonnance violait la procédure régulière: « Une interdiction doit être faite par le ministre de l’Intérieur. Selon notre interprétation, les pouvoirs conférés en vertu de l’article 14 sont censés être utilisés avec prudence, car les personnes ont toujours le droit de manifester. C’est potentiellement illégal et il n’y a pas d’autre moyen de le dire. »

L'article 14 autorise la police à «restreindre […] un certain nombre de personnes pour une durée donnée», et non à une interdiction générale. Il y a donc un motif potentiel «de contester le fondement juridique » de la décision de la police de Londres.

Le groupe Liberty de défense des libertés individuelles a déclaré que l'interdiction des manifestations était « manifestement disproportionnée » et constituait une « atteinte au droit de manifester ».

Amnesty International a déclaré qu'il s'agissait d'une « restriction illégale du droit à la liberté d'expression et de rassemblement pacifique [...] qui aurait un effet dissuasif sur les droits ».

Pour le Parti travailliste, Diane Abbott, ministre fantôme de l’Intérieur, a tweeté: « Cette interdiction est totalement contraire aux traditions britanniques de longue date qui préconisent le maintien de l'ordre par consentement, la liberté de parole et le droit de manifester. »

Le maire travailliste de Londres, Sadiq Khan, ne voulut pas même faire une dénonciation publique de l’interdiction. Il cherchait seulement « des informations supplémentaires de la part des officiers supérieurs sur la décision opérationnelle d'imposer une ordonnance en vertu de l'article 14 à l’encontre d’Extinction Rebellion – comprenant Trafalgar Square – et sur pourquoi c’était nécessaire ».

Khan a ajouté qu'il estimait que «le droit de manifester pacifiquement et légalement doit toujours être respecté. Cependant, les actions illégales de certains manifestants ces huit derniers jours ont exercé une pression indue sur les policiers déjà débordés et les manifestants doivent en tenir compte lorsqu'ils envisagent de nouvelles actions ».

Malgré ces protestations verbales, on continuera d’étendre et de déployer plus largement les pouvoirs de la police dans des conditions où les tensions sociales et politiques s'aggravent. Le ministère de l’Intérieur avait déjà déclaré à la BBC la semaine dernière qu’on était en train de revoir les pouvoirs de la police quant à la façon de traiter les manifestations.

L'exemple le plus extrême du tournant vers la répression étatique en Angleterre est celui à l’égard d'Extinction Rebellion. Mais le traitement réservé aux Gillets jaunes en France fut encore plus brutal. Les manifestations d’XR le week-end dernier aux Pays-Bas, en République tchèque et en Belgique ont dépassé les 700 arrestations, dont 435 ont eu lieu à Bruxelles, après que la police eut utilisé des canons à eau et du gaz poivré sur les militants rassemblés devant le palais royal, au centre ville.

En Australie, des dizaines d'arrestations de manifestants d’XR ont été suivies de plus de 30 heures de détention, d'interdictions d'entrer dans un rayon de 2,5 km englobant une grande partie du quartier central des affaires de Sydney et l’interdiction d’entrer en contact avec d'autres membres d’XR.

L'interdiction de manifester de Londres a été imposée au moment même où la police espagnole réprimait férocement, dans plusieurs villes, des milliers de personnes protestant contre l'emprisonnement de 12 dirigeants séparatistes catalans sur des accusations fabriquées concernant le référendum sur l'indépendance du 1er octobre 2017 en Catalogne. La police a attaqué des dizaines de milliers de gens rassemblés au centre-ville de Barcelone et marchant vers l'aéroport El Prat. Là, elles ont été battues et attaquées avec des balles en caoutchouc et à la mousse toxique. Au total, 78 manifestants ont été hospitalisés, dont 38 restaient encore hospitalisés à la fin de la journée.

Comme le WSWS en avait averti au début des dernières manifestations de XR, «les méthodes développées contre XR le sont en préparation d’une utilisation beaucoup plus large contre la classe ouvrière dans la période à venir […] l'élite dirigeante et son appareil répressif savent que les manifestations pour défendre le climat impliquant des millions de personnes se déroulent dans des conditions où le mécontentement social et politique s’intensifie, y compris par des grèves, et que l'appel de XR à une action directe peut avoir une résonnance beaucoup plus large ».

(Article paru en anglais le 16 octobre 2019)

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