Accord sur le Brexit conclu après que Johnson ait marginalisé le Parti unioniste démocrate

Le premier ministre britannique Boris Johnson et le négociateur de l'Union européenne (UE) pour le Brexit, Michel Barnier, ont annoncé un accord révisé de retrait de l’UE jeudi matin.

Ils l'ont fait après ce que la chancelière allemande Angela Merkel avait appelé mercredi être la «dernière étape», dominée par d'intenses discussions entre Johnson et le Parti unioniste démocrate (DUP) afin d’obtenir le soutien de ce dernier pour un accord qui mettrait en place une frontière douanière entre l’Irlande et le Royaume-Uni au milieu de la mer d’Irlande.

C’est quelque chose que Theresa May, le prédécesseur de Johnson, avait déclaré qu'aucun premier ministre britannique ne pouvait accepter. La résistance du DUP à cet accord a créé de grandes difficultés pour Johnson dans sa tentative de le faire adopter par le Parlement lors de sa séance prévue ce «super samedi » après le sommet de l’UE.

Le chef du Parti conservateur, Boris Johnson, qui dirige un gouvernement minoritaire, a besoin des voix de 320 députés pour faire adopter son accord. Le DUP a longtemps été considéré comme un faiseur de rois: les voix de ses 10 députés faisant partie des calculs de Johnson et les 60 membres du groupe de recherche européen conservateur pro-Brexit, dont les 28 d’irréductibles appelés «Spartans» de la ligne dure, jugés peu enclins à voter un accord rejeté par le DUP.

Jeudi matin, le DUP a déclaré qu'il ne pouvait pas soutenir l'accord proposé par Johnson, mais continuerait à «travailler avec le gouvernement pour tenter de parvenir à un accord raisonnable qui fonctionne pour l'Irlande du Nord et protège l'intégrité économique et constitutionnelle du Royaume-Uni». Il s'agissait clairement de faire pression pour d’autres concessions plutôt que de fermer la porte à un accord.

Johnson a plutôt réagi en abandonnant une proposition de veto du DUP sur tout accord contenu dans sa proposition initiale. Barnier a expliqué qu'un accord pourrait être convenu d'ici le 31 octobre, date limite du Brexit. La frontière entre l'Irlande du Nord et la République d'Irlande resterait ouverte, tout en préservant l'économie de l'ensemble de l’île, en protégeant l'intégrité du marché unique et en maintenant l'Irlande du Nord dans le territoire douanier du Royaume-Uni.

Cela signifierait toutefois des contrôles à la frontière afin que les autorités britanniques puissent appliquer des droits de douane sur les marchandises en provenance de pays tiers et que l'UE puisse le faire si elles risquaient d’accéder au marché unique européen.

Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a adressé une lettre au président du Conseil européen, Donald Tusk, soulignant qu'il était maintenant temps que le Parlement britannique fasse le nécessaire. Cependant, il n’existe aucune possibilité que les travaillistes, les libéraux démocrates, le Parti national écossais et d'autres partis pro-UE soutiennent l’accord que Jeremy Corbyn a décrit comme «un accord encore pire que celui de Theresa May, qui a été rejeté à une écrasante majorité».

Pour obtenir une majorité parlementaire, Johnson a besoin que l'ERG accepte également d’abandonner le DUP, à moins que ce dernier puisse être acheté avec des milliards de subventions. Il aura également besoin de la plupart des 21 conservateurs expulsés du parti par Johnson le mois dernier pour leurs efforts visant à bloquer un Brexit sans accord, afin de soutenir un accord plutôt que de risquer un non-accord, une élection générale ou un deuxième référendum qu’ils pourraient perdre.

En fin de compte, le succès ne sera possible qu'avec le soutien de certains députés travaillistes qui ont clairement indiqué qu'ils ne pourraient donner leur appui à un second référendum qui serait massivement impopulaire dans leurs circonscriptions favorables au Brexit, mais ne souhaitait pas risquer non plus un Brexit sans accord. Le député travailliste Stephen Kinnock affirme que le nombre de députés disposés à voter avec Johnson s'élève à 30. D'autres députés pro-UE pourraient voter avec le gouvernement si on leur promet la tenue d’un second référendum appelé «scrutin de confirmation», qui se pencherait en faveur de l’accord de Johnson contre l’option de rester dans l'UE.

Dans des circonstances aussi difficiles, Johnson fait valoir son avantage contre un bloc parlementaire profondément divisé qui a lui-même été abandonné par l'UE.

On ne peut prédire leur réaction. Mais les divisions au sein du Parti travailliste sont devenues une préoccupation centrale pour l'élite dirigeante britannique pro-UE.

Les positions divergent sur la manière de réagir à l'accord de Johnson, en particulier sur la meilleure façon d’écarter la proposition de Corbyn selon laquelle il dirigerait d’abord un gouvernement intérimaire pour bloquer le Brexit, pour ensuite organiser des élections générales avant de négocier son propre accord travailliste sur le Brexit et organiser un deuxième référendum. C'est en fait la politique officielle du parti adoptée à la conférence annuelle de septembre.

Il y a peu de raisons de penser que Corbyn sera élevé au rang de premier ministre par intérim par les libéraux démocrates, le petit groupe Change UK et les conservateurs dissidents à travers une motion de censure. La cheffe des libéraux démocrates, Jo Swinson, continue d’affirmer que Corbyn n’a pas suffisamment de soutien au Parlement, et qu’il est inapte à occuper le poste de premier ministre, et cela est encore plus improbable, étant donné l’accord conclu par Johnson.

Les calculs du camp qui souhaite rester dans l’UE (Remain) voulant éviter de déclencher des élections générales sont basés sur des espoirs que Johnson défie la loi Benn, qui l'oblige à demander une prolongation de la date butoir du Brexit jusqu'en janvier prochain s'il n'y a pas d'accord ou que le Parlement refuse son accord. Mais des reportages indiquent que Johnson pourrait contourner cela en envoyant une lettre à l'UE lui demandant de rejeter les appels en faveur d'une prolongation.

Rien de tout cela n'affecte l'insistance des députés pro-Remain, dirigés par les blairistes du Labour, qu’un second référendum doit avoir lieu avant toute élection générale. Le début de cette semaine a été dominé par des informations selon lesquelles le principal allié de Corbyn, le ministre fantôme des Finances John McDonnell, travaillait maintenant avec les blairistes pour renverser la politique de Corbyn et même organiser sa chute grâce à un «putsch silencieux». Des dénégations ont inévitablement suivi, notamment la déclaration de McDonnell lors d’un rassemblement du parti lundi soir: «Nous disons aux médias: ils ne nous diviseront jamais.»

Toutefois, avant cette manifestation publique d'unité, les syndicats Unite the Union, l'Association du personnel salarié des transports (TSSA) et le Syndicat des travailleurs de la communication (CWU) communiquaient officiellement des protestations à la secrétaire générale du Parti travailliste, Jennie Formby, pour s’opposer à la convocation de 37 membres du personnel de Corbyn dans des «réunions informelles» dirigées par Sir Bob Kerslake, allié de McDonnell, mettant en doute leurs rôles futurs dans son cabinet.

Il y a eu une réunion des députés travaillistes lundi, dans laquelle les loyalistes de Corbyn, Ian Lavery et Andrew Gwynne, chargés de la coordination de la campagne électorale du Parti travailliste, ont déclaré aux députés que le parti n'avait «jamais été en aussi bonne forme» pour une élection surprise. Un député a déclaré au site Politics Home que Lavery avait seulement «rassemblé les députés sur une position claire et sans ambiguïté: nous ne pouvons pas organiser d'élections». Un député de Kevan Jones aurait demandé à M. Lavery et à Gwynne: «De quelle couleur est le ciel sur votre planète?» Un autre a dit, «La moitié d'entre nous pense que nous allons perdre face aux libéraux démocrates, l'autre moitié surveille le Parti du Brexit.»

La ministre fantôme du Brexit Jenny Chapman, a déclaré mercredi soir qu'elle s'attendait à ce que le Parti travailliste soutienne tout amendement proposé samedi visant à joindre un référendum de confirmation à un accord conclu avec Johnson.

Comme d'habitude, Corbyn fait tout ce qu’il peut pour maintenir l'unité avec les députés de droite de son parti et de les protéger de la base du parti. Il a clôturé le rassemblement de lundi, s’adressant directement aux blairistes, McDonnell et son autre principal soutien, la secrétaire fantôme de l’intérieur, Diane Abbott, en promettant: «Je veux rassembler le mouvement et le parti. Cela a été tout mon objectif pendant toute cette saga sur le Brexit.»

Mercredi, il était occupé à calmer sa faction pro-Brexit, informant les médias que les députés travaillistes qui soutiennent le Brexit ne se verront pas démettre de leurs fonctions, car il croyait au «pouvoir de persuasion plutôt qu'au pouvoir de menacer».

Cela ne fera rien pour amadouer la faction dominante pro-UE, mais la convaincra qu'elle peut continuer à faire ce qu'elle veut sous la protection de Corbyn.

Quoi qu’il advienne samedi, les libéraux démocrates ont déposé un amendement au discours de la Reine demandant que tout accord sur le Brexit soit soumis à un «vote populaire». Il y aura presque certainement un vote «pour» important sur les bancs du Parti travailliste, même si Corbyn exige un vote «contre». Entre-temps, le noyau central autour de Corbyn continuera à se déchirer. Le site Web Skwarkbox proche du parti signale que les «députés travaillistes du nord du pays favorables au Brexit sont maintenant en discussion pour renforcer leur action efficace de sauvegarde» contre McDonnell et les blairistes Tom Watson et Sir Keir Starmer, «en constituant un bloc parlementaire» contre «une tentative de prise de contrôle par le camp Remain du parti».

(Article paru en anglais le 17 octobre 2019)

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