Une grève éclate à la SNCF contre l’austérité et le manque de personnel

Vendredi, une grève a éclaté à la SNCF après un accident mercredi soir qui a fait 11 blessés. Quand un TER allant de Charleville-Mézières à Reims avec 70 passagers a heurté un convoi exceptionnel coincé près de Saint-Pierre-sur-Vence, le conducteur, blessé et choqué, a dû s’occuper seul des passagers, y compris les autres blessés et des femmes enceintes.

Sur fond de colère sociale contre le manque de personnel, la casse des retraites et la casse du statut des cheminots lors de la privatisation partielle de la SNCF par Macron l’année dernière, les cheminots ont débrayé à travers la France. La grève a paralyzé le trafic dans tout le pays. Trois quarts des TER, les trains sur plusieurs lignes de TGV et ceux sur plusieurs lignes du RER parisien ne circulaient pas.

La grève a pris les syndicats totalement au dépourvu. Ils avaient travaillé étroitement avec Macron pour planifier sa réforme de la SNCF puis organisé une grève «perlée» qui permettait à la direction d’anticiper les grèves et de planifier le recours aux remplaçants. A présent, les syndicats sont largement perçus, avec raison, comme ayant été complices des attaques menées par Macron.

Alarmés, les syndicats ont rencontré la direction de la SNCF vendredi soir sans pouvoir se mettre d’accord sur des propositions pour donner satisfaction aux grévistes. Ils leur ont simplement dit de reprendre le travail, alors que le gouvernement menaçaient de licencier les grévistes. «Tout le week-end, les syndicats, débordés par leur base, ont plutôt tenté de calmer le jeu face au mouvement», a écrit le quotidier financier Les Echos.

De nombreux trains étaient toujours retardés ou annulés ce week-end, et la situation ne faisait que retourner à la normale lundi.

Arnaud, un cheminot, a dit au WSWS: «C’était spontané. C’est un évènement qui a mis le feu aux poudres et qui ont averti les gens, j’espère, qu’il y a des manquements au niveau de la sécurité. Il n’y a plus de personnel dans les trains, il n’y a plus de personnel dans les gares, on est tous seuls là à gérer des évènements délicats comme ça. … La sécurité des trains circulant avec un seul conducteur à bord n’est pas assurée en cas d’évènement de ce genre.»

Arnaud a dénoncé la réforme de la SNCF et celle des retraites que Macron prépare actuellement. «C’est tout un tas d’acquis qui partent, on est contre, forcément», a-t-il dit. «Tous les nouveaux, maintenant il y en a énormément, travaillent sous ces conditions et je suis forcément contre. On fait tous le même boulot, on a tous les mêmes contraintes … Il va falloir cotiser de plus en plus longtemps, dix ans de plus, on est contre forcément.»

Il a ajouté que la vie d’un cheminot c’est «les horaires, les repos, la vie décalés et complètement à l’écart. C’est énormément de solitude, une vie de nomade et de solitaire.»

Arnaud a exprimé la colère sociale qui se développe internationalement sur les inégalités. Interrogé sur la grève de l’automobile aux USA et la résurgence de la luttes des classes, il a dit: «Forcément on est solidaires, on est tous concernés. Le travail ce n’est pas gratuit, il faut un salaire correct, des conditions de vie corrects. Mais il faut travailler de plus en plus, ce n’est pas que chez nous et c’est dans tous les métiers, toujours faire plus et on a rien en échange, même pas un remerciement.»

Le gouvernement Macron, déjà profondément impopulaire, a réagi avec des menaces hystériques contre les grévistes. Vendredi, le premier ministre Édouard Philippe a dénoncé un mouvement prétendument «abusif» et exigé que la SNCF examine «toutes les suites qui pouvaient être données et notamment judiciaires … lorsque des gens ne respectent pas la loi.»

La direction de la SNCF a balayé les arguments des syndicats, qui faisaient valoir le droit de retrait des travailleurs face à des conditions de travail dangereuses. Deux jours à peine après un accident sérieux, le dirigeant de la SNCF Guillaume Pépy déclarait sans vergogne: «Pour qu'un droit de retrait soit légitime, il faut qu'il y ait un danger grave et imminent. Ce n'était pas le cas.»

Le secrétaire d’État au Transports Jean-Baptiste Debbari a menacé «une probable saisie de la justice par la SNCF pour faire établir que ce mouvement social ne peut être considéré comme un exercice du droit de retrait.»

Christophe, un intérimaire qui travaillait dans une gare parisienne, a dit au WSWS qu’il était solidaire de la grève et qu’il s’opposait aux déclarations des syndicats comme d’Édouard Philippe. Il a dit, «Grève légale, illégale on ne sait plus exactement. Ce qu'on sait, c'est que si on fait une grève légale, il faut s'y mettre à l'avance et ensuite le patron peut prévoir de remplacer ceux qui font grève. Donc je préfère encore qu'ils fassent ça.»

Il a ajouté, «Par rapport aux clients qui viennent, ça peut les embêter mais il faut quand même soutenir les cheminots, car je vois en travaillant ici que les conditions de travail sont difficiles pour eux aussi.» Pour les travailleurs dans la propreté, a-t-il ajouté, la difficulté, « c’est les horaires. On nous fait travailler une heure puis on vient deux heures après pour trois heures, après on repart puis on revient pour deux heures. C’est toujours difficile, au lieu de nous regrouper toutes ces heures ensemble. Il y aurait quelque chose de mieux à faire.»

Interrogé si les syndicats s’étaient jamais intéressés aux problèmes des intérimaires, ou s’ils l’avaient contacté, Christophe a répondu brièvement: «Non, non. Pas du tout. Jamais.»

Cette grève a démontré à nouveau la puissance de la classe ouvrière, mobilisée indépendamment des syndicats, et l’intuition de plus en plus nette des travailleurs que leurs problèmes sont internationaux. Une lutte réelle ne peut qu’émerger en dehors de l’emprise des syndicats. C’est pour cela que la question décisive pour les travailleurs est de construire leurs propres comités d’action, indépendants des syndicats, et de les organiser à l’échelle internationale.

La réaction des syndicats et de l’État français, qui n’a rien à proposer sauf plus d’austérité et de menaces, souligne qu’il n’y a pas d’autre voie pour obtenir une solution durable, même à des questions très directes et concrètes sur les lieux de travail.

Cissé, qui travaille dans une gare SNCF, a dit au WSWS: «On voit même nous à la propreté que ça manque vraiment de sécurité au sein de la SNCF. Il y a trop d’accidents, on a eu un collègue qui est mort dans la gare. On n’a pas eu des informations, forcément la SNCF a dit à la famille comment ça s’est passé. Mais on n’a pas été informés. C’était un sous-traitant privé qui faisant le nettoyage des trains qui est tombé sur la voie, mais les circonstances on ne les sait pas. Il faut être deux pour monter dans un train, donc c’est le même cas que vendredi. Si on est seul, on risque beaucoup. C’est pour cela que les grèves ont été déclenchées subitement.»

Cissé, d’origine africaine, a dénoncé la privatisation et les inégalités: «Il y a inégalité, grave. Les grands mangent les petits, et nous les petits, on subit. … On voit les gens qui travaillent jour et nuit ici, qui n’arrivent pas à s’en sortir malgré le fait qu’on travaille. Voilà, on devrait lutter dedans et en dehors de la France, et les pays ex-coloniaux, ils font venir le même modèle social et politique, tout privatiser. Et une fois que c’est privatisé, il y a un qui gagne, ou deux; les autres crèvent.»

Il a ajouté, «Nous on est solidaires de tous qui ont le même point de vue que nous, donc aux États-Unis c’est pareil, ou au Maghreb et en Afrique de l’Ouest, on est solidaires à 100 pour cent avec eux.»

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