Un ancien candidat néofasciste attaque la mosquée de Bayonne

En pleine campagne antimusulmane menée par les médias et les partis établis, un octogénaire ancien candidat du Front National est passé à l’acte en attaquant lundi une mosquée à Bayonne dans le sud ouest de la France, faisant deux blessés graves.

Vers 15h25 ce lundi, Claude Sinké s’est présenté à la mosquée de Bayonne équipé d’un bidon d’essence. Alors qu’il tentait d’incendier la porte d’entrée de la mosquée, ce dernier a été surpris par deux personnes sur qui il a tiré, les blessant gravement avant de mettre le feu à une voiture stationnée à côté du lieu de culte. Après avoir pris la fuite, Sinké a interpellé par la brigade anti-criminalité (BAC) à son domicile à Saint-Martin-de-Seignanx, à une dizaine de kilomètres de Bayonne.

Pendant son interpellation, ce Landais de 84 ans, ex-militaire et retraité de l’Education nationale, a affirmé posséder des armes et des grenades. Une opération de déminage s'est donc déroulée dans son véhicule et à son domicile, où des armes ont été retrouvées. Une arme de poing a été découverte à l'intérieur de sa voiture. L'homme a été placé en garde à vue après son arrestation, du chef de tentative d’assassinats.

Selon BFMTV, Sinké avait été candidat Front national (ancien nom du Rassemblement national) aux élections départementales dans les Landes en 2015. Un proche de Sinké a expliqué qu’ «Il véhiculait des idées racistes et xénophobes et ne s’en cachait pas. Il pouvait être très sympathique, sauf quand on parlait de politique, là il s’énervait et pouvait devenir verbalement violent.»

Dans un communiqué le Rassemblement national, auquel Sinké a appartenu, a pris ses distances avec sa tentative de brûler la mosquée, en expliquant qu’il n’est plus au RN: « À l’issue du scrutin, ce dernier (Sinké, ndlr) a été écarté de sa fédération départementale pour avoir tenu des propos jugés contraires à l’esprit et à la ligne politique du Rassemblement national. Il n’a, depuis, plus participé à la moindre action du mouvement et n’est plus adhérent.»

Sur Twitter, Emmanuel Macron a cyniquement condamné «l'attaque odieuse perpétrée devant la mosquée de Bayonne. La République ne tolérera jamais la haine. Tout sera mis en œuvre pour punir les auteurs et protéger nos compatriotes de confession musulmane. Je m'y engage.»

Sinké présentait selon plusieurs témoignages des signes de troubles psychologiques. Selon l’adjoint au maire Mike Bresson, l’homme de 84 ans, qui déposait souvent des plaintes à la mairie, «donnait l’apparence de quelqu’un de psychologiquement perturbé». Le quotidien Sud Ouest a refusé de publier une lettre récente dans laquelle il disait vouloir porter plainte contre Macron, en estimant qu’elle était «discriminatoire et xénophobe.»

Toutefois l’ensemble de la classe politique et des médias porte une lourde responsabilité politique, car elles ont créé un climat nauséabond qui encourage les individus les plus instables à mener de pareilles actions.

L’attaque contre la mosquée de Bayonne s’est déroulée quelques semaines après l’appel de Macron à «éradiquer» l’islamisme lors de son discours à la préfecture de Paris. Le ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer appelle à interdire le port du voile durant les sorties scolaires. Finalement, lors de la «Convention de la droite» organisée par Marion Maréchal Le Pen, Éric Zemmour, le polémiste d’extrême-droite condamnée pour incitation à la haine raciale a appelé à lancer une guerre pour libérer la France d’une «occupation» islamique.

Sinké aurait selon la presse évoqué les écrits de Zemmour dans ses commentaires sur les réseaux sociaux.

Cette campagne antimusulmane vise non seulement les millions de personnes en France et à travers l’Europe qui sont de confession ou de culture musulmane, mais aussi l’ensemble de la classe ouvrière. En entretenant sans relâche une hystérie généralisée, elle favorise la mise en place d’un État policier sous couvert de «lutte antiterroriste». Les forces de l’ordre répriment violemment les manifestations, assignent des personnnes à résidence ou licencient des travailleurs sans aucun lien avec le terrorisme islamiste pour «radicalisation».

Les tentatives des représentants de partis politiques établis de prendre leurs distances de la stigmatisation des musulmans sont entachées d’hypocrisie. Non seulement les néofascistes mais l’ensemble de l’élite dirigeante participa à l’incitation à peine masquée de l’islamophobie.

Interrogée par BFMTV sur l’attaque contre la mosquée, Clémentine Autain de LFI a répondu: «Le gouvernement n’hésite pas à utiliser la question du voile et de l’islam pour éviter que le débat sur des questions sociales puisse occuper le devant de la scène. Donc cela devient extrêmement dangereux parce que l’on joue avec le feu, et je crois qu’il est de la responsabilité des forces de gauche, des forces progressistes de réussir à se mobiliser et de ne pas laisser faire. On se demande jusqu’où cela va aller, jusqu’à quand on va supporter qu’il y ait de la stigmatisation, des agressions et maintenant des passages à l’acte extrêmement violents à l’égard des musulmans en France. C’est un problème qui nous est posé collectivement.»

En fait, malgré ces avertissements, la lutte contre la stigmatisation et les agressions visant les musulmans ne peut être menée qu’en s’opposant au parti d’Autain elle-même.

Les dirigeants de LFI participent aux campagnes islamophobes, à la promotion des guerres impérialistes et à la stigmatisation des femmes voilées menées depuis longtemps par l’élite dirigeante française et européenne. Lors de son université d’été, LFI a organisé une conférence sur le « droit d’être islamophobe » animé par le philosophe Henry Peña-Ruiz. Soutenu par de larges sections de LFI, celui-ci prétendait qu’on pouvait donner à l’islamophobie un contenu progressif.

Le WSWS avait expliqué que le débat organisé sur le «droit à être islamophobe» par LFI provenait «de l’orientation antimarxiste et droitière qui prédomine parmi les classes moyennes aisées» parmi lesquelles ce parti a sa base sciale. La ligne nationaliste de partis tels que LFI est hostile à celle des travailleurs qui entrent en lutte à l’international. Alors que des dizaines de millions de personnes à travers le monde manifestent leur opposition commune aux inégalités et aux régimes capitalistes, ils tentent de diviser les travailleurs en incitant des humeurs xénophobes.

Ce n’est qu’en mobilisant parmi les travailleurs une opposition internationaliste au populisme nationaliste qu’il sera possible de changer l’atmosphère politique nauséabond dans lequel Sinké a décidé de passer à l’acte contre la mosquée de Bayonne.

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