Le rapporteur spécial de l'ONU révèle le coup monté organisé par la Suède envers Assange

Une lettre officielle adressée au gouvernement suédois par le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture, Nils Melzer, décrit en détail la campagne menée depuis neuf ans par la justice et l'État suédois pour diffamer Julian Assange, l'éditeur de WikiLeaks, et le dépeindre comme un délinquant sexuel et le priver de ses droits juridiques et démocratiques fondamentaux.

La lettre, envoyée le 12 septembre, a été rendue publique plus tôt ce mois-ci. Melzer avait d'abord écrit au gouvernement suédois, ainsi qu'aux gouvernements des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de l'Équateur, à la fin mai. Cette correspondance faisait suite à la rencontre de Melzer avec Assange à la prison britannique de Belmarsh et à sa conclusion que le fondateur de WikiLeaks était soumis à de la «torture psychologique» en raison de sa persécution continue par l'État et «dans le public».

Les autorités suédoises ont répondu à Melzer le 12 juillet et ont sommairement rejeté sa conclusion selon laquelle les années d'enquête préliminaire sur les allégations d'inconduite sexuelle contre Assange avaient été marquées par l'arbitraire judiciaire et des violations flagrantes de son droit à l'anonymat et l'équité procédurale. Le gouvernement suédois a cherché à se protéger en invoquant l'indépendance du pouvoir judiciaire, en dépit des preuves assemblées par Melzer de l'ingérence politique flagrante dans cette affaire.

La réponse de Melzer du 12 septembre est une révélation documentaire méticuleuse de ces dérobades et du coup monté qui a été perpétré contre Assange. Elle devrait être examinée en détail par tous les défenseurs des droits démocratiques et par tous ceux qui souhaitent connaître la vérité sur l’«enquête» suédoise.

Dans sa conclusion, Melzer a souligné le rôle crucial qu’a joué la poursuite suédoise contre Assange dans la vendetta menée par les États-Unis contre le fondateur de WikiLeaks depuis 2010.

Il a écrit: «Les preuves médicales, factuelles et circonstancielles dont je dispose montrent que la manière dont la Suède a mené son enquête préliminaire contre M. Assange, y compris la diffusion et la perpétuation sans restriction ni réserve du discours du «suspect de viol», a été le principal facteur qui a déclenché, permis et encouragé la campagne de harcèlement psychologique et judiciaire continue et concertée contre lui dans différents pays, dont les effets cumulés ne peuvent être décrits que comme de la torture psychologique.»

Bien qu'il n'ait jamais été inculpé d'un crime, l'enquête suédoise a fourni le prétexte pseudo-judiciaire pour entrainer Assange dans le système judiciaire. Le soutien de la Grande-Bretagne à la demande sans précédent de la Suède d'extrader Assange pour «répondre à des questions» l'a contraint à demander l'asile politique à l'ambassade de l'Équateur à Londres en juin 2012.

L'enquête suédoise a fourni la fausse justification du siège de l'ambassade par la Grande-Bretagne et de ses menaces d'arrestation d'Assange s'il mettait les pieds à l'extérieur du bâtiment.

Plus généralement, les allégations suédoises ont servi à calomnier Assange et à cacher les véritables raisons pour lesquelles il était persécuté. Elles ont été utilisées pour enrôler toute une couche de féministes de la classe moyenne supérieure, de pseudo-gauchistes et de défenseurs des libertés civiles autoproclamés dans une campagne pour diaboliser et abandonner toute défense d'Assange. C'était dans des conditions dans lesquelles l'appareil d'État américain travaillait à faire taire WikiLeaks en raison de sa publication de documents révélant les crimes de guerre américains, les opérations de surveillance de masse et les intrigues diplomatiques mondiales, qui ont eu des conséquences pour la vie de centaines de millions de personnes.

Cette campagne de «matraquage public» a été essentielle pour créer le climat politique dans lequel le gouvernement équatorien pourrait violer l'asile d'Assange et le livrer à la police britannique. Elle a favorisé l'environnement politique dans lequel l'administration américaine du président Donald Trump a pu porter 18 accusations contre Assange, explicitement en raison de ses activités légales de publication.

Dans la troisième partie du document, Melzer a étayé point par point son appréciation selon laquelle l'ensemble de l'enquête suédoise a été marquée par l'arbitraire et en violation des normes fondamentales du droit. Ces points sont énumérés ci-dessous, avec des exemples de certaines des preuves citées par Melzer:

● Non-respect de la confidentialité et de la prudence: Quelques heures après que les deux plaignantes aient approché la police pour demander qu'Assange passe un test de dépistage des MTS, les procureurs suédois avaient ordonné son arrestation pour viol et avaient communiqué la nouvelle à Expressen, le plus grand journal du pays. La propre déclaration d'Assange, le 30 août 2010, a également été communiquée aux médias, en violation de la loi suédoise. Il semble qu'une enquête sur les atteintes à la vie privée ait été abandonnée.

● Ne pas avoir tenu compte des preuves à décharge: Les autorités suédoises n'ont pas tenu compte de l'évaluation du premier procureur responsable d'examiner l'affaire, qui a déclaré: «Je ne pense pas qu'il y ait lieu de soupçonner qu'il a commis un viol» et que le «comportement allégué» par SW, l'une des plaignantes, «ne révèle aucun crime». Des messages texte de SW à une amie, indiquant qu'elle n'avait jamais eu l'intention de porter plainte pour une infraction criminelle et que «c'est la police qui a inventé les accusations», ont également été ignorés.

● Manipulation proactive des preuves: Le lendemain du jour où le procureur initial a abandonné l'enquête contre Assange, «le policier IK, qui avait officiellement interrogé SW le 20 août 2010, a modifié et remplacé le contenu de la déclaration d’origine de SW dans la base de données de la police, sur instruction de son officier supérieur MG et sans consulter SW».

● Ne pas avoir tenu compte des conflits d'intérêts: Cela comprend le fait que l'enquêteur de la police, IK, qui a interrogé SW et modifié sa déclaration, était un ami de AA, l'autre plaignant, et avait exprimé son hostilité à l'égard d'Assange sur Facebook. Claes Borgström, l'avocat qui a demandé la reprise de l'enquête après qu'elle a été abandonnée, avait dirigé un cabinet d'avocats avec l'ancien ministre de la Justice, qui avait participé à des opérations illégales de restitutions américaines en Suède.

● Non-respect des exigences de nécessité et de proportionnalité: Il s'agit notamment de la décision sans précédent des procureurs d'émettre un mandat d'arrêt européen et une «notice rouge» d'Interpol à l'encontre d'Assange, au seul motif qu'ils souhaitaient l'interroger. Par ailleurs, les procureurs ont refusé, pendant près de cinq ans, d'interroger Assange par liaison vidéo ou à Londres, comme cela se fait régulièrement dans d'autres affaires.

● Mépris du droit à l'information et à une défense adéquate: Même après avoir ordonné sa détention par défaut, les procureurs ont refusé de fournir aux avocats d'Assange les détails précis des allégations portées contre lui.

● Non-respect du droit d'appel devant la Cour européenne des droits de l'homme: Après que la Cour suprême britannique a rejeté la demande d'extradition d'Assange vers la Suède, les procureurs suédois auraient demandé que la possibilité de faire appel devant la Cour européenne des droits de l'homme soit réduite à «zéro».

● Non-respect de l'accord d'entraide judiciaire: Melzer a de nouveau souligné le refus des procureurs suédois d'interroger Assange, notant que cela «soulève de sérieux doutes quant à la motivation de bonne foi de l'accusation suédoise».

● Complaisance ou complicité avec des tiers: Melzer a cité la correspondance secrète entre le Service des poursuites de la Couronne britannique (CPS) et les procureurs suédois. Ce qui est encore plus accablant, c'est que lorsque, en 2013, les procureurs suédois ont envisagé d'abandonner l'enquête sur Assange, les autorités britanniques ont exigé qu'elle se poursuive. Les courriels entre les procureurs suédois et le Federal Bureau of Investigations (FBI) des États-Unis au sujet de l'affaire auraient été perdus, et personne ne pouvait se rappeler leur contenu.

● Refus de garantir le non-refoulement: Melzer a noté que le refus des autorités de garantir qu'elles n'enverraient pas Assange aux États-Unis s'il était extradé vers la Suède constituait une violation de la «pratique internationale généralisée», de l'«interdiction impérative du refoulement vers les États-Unis en raison du risque de torture et de mauvais traitements» et de la «crainte crédible d'extradition extrajudiciaire vers ce pays, notamment du fait que la Suède remet de manière arbitraire des personnes en détention à la CIA qui sont par la suite torturées».

Melzer a noté que le 10 avril, il a reçu une lettre des autorités britanniques refusant de discuter de la perspective de l'extradition d'Assange vers les États-Unis parce qu'«il ne serait pas approprié que les fonctionnaires spéculent sur des scénarios hypothétiques». Le lendemain, Assange a été arrêté par la police britannique et il a été immédiatement révélé que le gouvernement américain demandait son extradition.

Le fonctionnaire de l'ONU a noté que les autorités suédoises avaient sans aucun doute été informées de la même manière de l'intention des États-Unis de demander l'extradition d'Assange au cours des années pendant lesquelles ils le poursuivaient. Melzer a écrit: «Les informations qui m'ont été communiquées concernant le cas de M. Assange donnent à penser que des échanges préliminaires entre la Suède et les États-Unis concernant une éventuelle demande d'extradition auraient déjà eu lieu, ce qui rend le scénario envisagé tout sauf hypothétique.»

● Procrastination procédurale systématique: Melzer a noté qu'«entre 2010 et 2019, l'enquête préliminaire menée contre Assange en Suède a été ouverte par un procureur, close par un autre, rouverte puis refermée par un troisième, pour être rouverte par un quatrième, sans qu'aucun progrès procédural décisif ne soit réalisé depuis près d'une décennie». Les procureurs n'ont toujours pas inculpé Assange. Le délai de prescription de l'une des plaintes des femmes est déjà expiré, et l'autre expirera l'année prochaine.

Dans les dernières sections de sa lettre, Melzer a souligné que la Suède avait ouvertement rejeté les décisions internationales, y compris celles des organes des Nations Unies, affirmant qu’Assange avait subi des années de détention arbitraire et que ses droits juridiques avaient été violés.

Dans une conclusion accablante, Melzer a écrit: «Il existe des preuves convaincantes que les autorités suédoises ont activement et sciemment contribué à la torture psychologique ou à d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants infligés à M. Assange, que ce soit directement, par implication ou par participation, dont une seule suffit pour faire naître l'obligation internationale de la Suède de mener une enquête, poursuivre et accorder une indemnisation et des mesures visant à rétablir sa réputation ...» Il a exigé que les responsables de la persécution d'Assange fassent l'objet d'une enquête et soient traduits en justice.

Ce document, rédigé par un expert de renommée internationale sur la torture et un fonctionnaire de l'ONU, constitue un acte d'accusation irréfutable du caractère illégal de la poursuite d'Assange par les États-Unis.

Il souligne le fait que dans leur persécution du fondateur de WikiLeaks, les États impliqués, y compris la Suède, ont non seulement bafoué les droits juridiques et démocratiques d'Assange, mais de tous les citoyens, créant un précédent pour d'autres machinations et persécutions étatiques.

(Article paru en anglais le 18 novembre 2019)

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