Londres: dernière réunion du SEP avant l’élection législative au Royaume-Uni

«Nous luttons pour que les travailleurs se basent sur une perspective socialiste et internationaliste ayant ses racines dans une profonde conscience de l’histoire et instruite par ses leçons».

Des travailleurs, des jeunes et des étudiants de tout le Royaume-Uni ont assisté à un rassemblement réussi le dimanche 9 décembre où ont parlé les candidats du Parti de l’égalité socialiste (SEP — Royaume-Uni) à l’élection générale : le secrétaire national Chris Marsden, Thomas Scripps et Dennis Leech.

Peter Schwarz, le secrétaire du Comité international de la Quatrième Internationale et Alex Lantier, secrétaire national du Parti de l’égalité socialiste en France, ont salué le rassemblement.

Peter Schwarz s'adressant au meeting

En ouvrant le rassemblement, Scripps a expliqué que l'un des piliers centraux de la campagne électorale du SEP est la lutte pour libérer Julian Assange, fondateur de WikiLeaks.

«Pour les gens de ma génération, la persécution d’Assange, le journaliste d’investigation le plus important du XXIe siècle, couvre l’ensemble de notre vie politique. Quelqu’un qui est un peu plus jeune a peu de chances de se souvenir d’une époque où il n’était pas illégalement emprisonné, isolé, calomnié et torturé.»

Scripps a expliqué qu’au cours des dernières semaines, «le voile du mensonge» concocté contre Assange «a été déchiré, pour révéler toute l’ampleur de la criminalité de la classe dominante». La clôture le 19 novembre par les procureurs suédois de leur enquête sur de fausses allégations d’agression sexuelle a été la preuve finale que l’affaire suédoise n’a jamais été qu’un mince prétexte pour emprisonner d’Assange.

Scripps a retracé la chasse à l’homme menée contre Assange, qui a duré dix ans: « ce qui préoccupe surtout la classe dirigeante fut révélé dans un document du ministère de la Défense, publié par Buzzfeed. Dans ce document, le ministère craignait que «la presse ou nos adversaires puissent utiliser» les faits démasqués par WikiLeaks dans les guerres en Irak et en Afghanistan «pour nuire au soutien des opérations actuelles dans la région». En d’autres termes, WikiLeaks pourrait être l’étincelle d’un sentiment anti-guerre dans le monde entier.

Thomas Scripps s'exprime à la réunion

«La virulence de la persécution d’Assange ne vient pas de la force de la classe dirigeante mais du fait qu’elle reconnaît avec effroi qu’elle est socialement isolée… Face à la montée de la révolte de la classe ouvrière au Chili, en Colombie, en Équateur, à Porto Rico, en Haïti, en France, en Algérie, au Soudan, en Égypte, au Liban, en Irak, en Iran et aux États-Unis mêmes, les États ne peuvent mener leurs guerres prédatrices que par une nouvelle attaque des droits démocratiques et un recours à une violence autoritaire de plus en plus extrême».

Au cours des quatre dernières années d’incarcération d’Assange, Jeremy Corbyn a été chef du Parti travailliste:

«À tout moment, un appel de Corbyn à une manifestation de masse pour sa défense aurait fait descendre des centaines de milliers de personnes dans la rue, transformant la situation d’Assange. Mais ce n’est pas la politique de Corbyn.»

Corbyn a déclaré que l’extradition d’Assange vers les États-Unis pour avoir dénoncé des crimes de guerre «relevait des tribunaux». Ensuite, il a ajouté que si la Suède ressuscitait ses allégations discréditées contre Assange, celui-ci aurait à y répondre. Telle était également la position adoptée par les partisans de Corbyn dans la pseudo-gauche — le Socialist Workers Party (SWP) et le Socialist Party (SP) — pour justifier leur refus de défendre Assange.

Les choses changeaient maintenant avec le soutien croissant en faveur d’Assange dans le monde entier, dont la lettre ouverte adressée par «plus de 60 médecins éminents» au ministre britannique de l’Intérieur Priti Patel, condamnant le refus de la Grande-Bretagne de lui fournir des soins médicaux adéquats et demandant qu’il soit immédiatement transféré dans un hôpital universitaire.

Alex Lantier a parlé par Skype, n’ayant pu être présent du aux grèves des travailleurs des transports français.

«La campagne du SEP, qui vise à unifier les travailleurs britanniques et européens dans la lutte contre l’Union européenne et la faction pro-brexit de l’élite au pouvoir, est d’une importance historique. Elle s’inscrit dans une résurgence internationale de la lutte de classe, mettant à l’ordre du jour la question de l’unification internationale de la classe ouvrière. Les cheminots, les postiers et des sections plus larges de travailleurs et de jeunes se mobilisent en Grande-Bretagne et en France, au milieu d’une vague internationale de grèves et de protestations durant cette dernière année, qui a mobilisé des centaines de millions de travailleurs.»

une manifestation à Paris pendant les grèves en cours contre le gouvernement Macron

Lantier expliqua qu’en France, «le trafic ferroviaire est arrêté, de nombreux centres-villes sont désertés, la plupart des écoles sont fermées, des vols sont annulés et, en raison des fermetures de raffineries, une pénurie de pétrole apparaît dans certaines régions du pays. De nombreux jeunes se sont joints aux manifestations, et plusieurs administrations universitaires ont fermé leurs universités de manière préventive pour empêcher les étudiants de les occuper».

«La classe ouvrière démontre une fois de plus son énorme pouvoir social et son potentiel révolutionnaire», a dit Lantier. « La résurgence de la lutte de classe pose à la classe ouvrière et la jeunesse des défis et des tâches politiques complexes, surtout la construction d’une nouvelle direction socialiste».

Il a détaillé la violence de masse utilisée contre les manifestants et les grévistes en gilet jaune». «Jeudi, Macron a déployé des voitures blindées, des canons à eau, des soldats et des policiers anti-émeutes armés de fusils d’assaut et de lanceurs de balles en caoutchouc pour attaquer les grévistes.... Comme nous l’avons écrit sur le World Socialist Web Site, l’État capitaliste se révèle à nouveau être une dictature à peine voilée de l’élite financière», a-t-il expliqué.

S’opposant à l’agenda de Jean-Luc Mélenchon, le leader du parti La France Insoumise (LFI), Lantier a déclaré que le PES se battait pour construire une direction socialiste. «La voie à suivre pour les travailleurs est une rupture complète et sans compromis, tant sur le plan organisationnel que politique, avec les syndicats et les partis politiques qui leur sont alliés. Avec ses partis frères du CIQI, le Parti de l’égalité socialiste insiste sur le fait que la lutte de la classe ouvrière pour le socialisme est à l’ordre du jour de l’histoire».

Peter Schwarz a déclaré: «Avec la résurgence de la lutte des classes, la résolution de la crise de la direction demeure, comme en 1938 lorsqu’on fut fondée la IVe Internationale, la tâche la plus urgente».

La montée de la lutte de classe «crée les conditions d’une croissance énorme du CIQI en tant que parti mondial de la révolution socialiste». Mais ce n’est pas un processus automatique. Le travail de notre parti est d’une importance décisive pour l’orientation politique du mouvement révolutionnaire émergent de la classe ouvrière».

Schwarz a fait remarquer que «la bourgeoisie est très consciente de l’importance du CIQI». En 2018, le gouvernement allemand a inscrit le SGP (Parti de l’égalité socialiste en Allemagne) dans son rapport annuel en tant qu’organisation «d’extrême gauche», soumise à la surveillance.

La décision « d’inscrire le SGP sur cette liste était clairement une réaction à son influence croissante, en particulier parmi les étudiants dans sa lutte contre l’idéologie de droite et le militarisme dans les universités ».

Le Verfassungsschutz [service secret intérieur allemand] affirmait que ce ne sont pas « les actions publiques du SGP, mais les idées du parti qui sont criminelles» — parce qu’il encourageait «la réflexion avec l’utilisation de concepts et de catégories qui opposent la classe à la nation; qu’il s’efforce de développer dans la classe ouvrière la conscience de ses intérêts sociaux; qu’il encourage l’hostilité au capitalisme; qu’il dénonce l’impérialisme et le militarisme; qu’il refuse tout compromis avec les principaux partis politiques et syndicats».

Ces attaques rappelaient les lois anti-socialistes de Bismarck qui interdirent le Parti social-démocrate de 1878 à 1888 et l’interdiction du Parti communiste et du parti social-démocrate allemands par les nazis.

Les documents du Verfassungsschutz ne visaient pas seulement le SGP, mais exprimaient «sous une forme pseudo-légale l’hostilité féroce au socialisme – ancrée dans la crainte d’un mécontentement et d’une radicalisation politique croissants de la classe ouvrière, qui alimente les efforts visant à légitimer les idées fascistes».

Schwarz a expliqué le rôle de l’universitaire d’extrême droite Jörg Baberowski à l’Université Humboldt de Berlin «Malgré le fait que les principaux médias et le monde universitaire continuent de se serrer les coudes en soutenant Baberowski, les étudiants et les travailleurs reconnaissent largement son rôle d’idéologue fasciste».

«À la fin du mois dernier, des représentants des associations étudiantes de quatre universités ainsi qu’un représentant de l’IYSSE allemande et Thomas Scripps de l’IYSSE britannique ont partagé la plate-forme d’une réunion organisée par l’IYSSE, contre le danger de l’extrême droite dans les universités».

Aujourd’hui, avec la «croissance de l’extrême droite et la transformation des syndicats et des organisations réformistes en partis bourgeois droitiers, il n’y a plus de ‘milieu de la route’. La question aujourd’hui c’est le socialisme ou la barbarie. C’est soit le capitalisme, la guerre et la dictature, soit la révolution prolétarienne et le socialisme. De plus en plus de travailleurs et de jeunes en font l’expérience dans leur vie quotidienne».

Chris Marsden s'adressant au meeting

Chris Marsden a fait remarquer la préoccupation, exprimée par The Guardian, qu’une «décennie d’austérité» avait «ouvert un débat sur les divisions de la société britannique; depuis 2016, le ton émotionnel des arguments a atteint une intensité jamais vue auparavant…».

D’autres publications de premier plan avaient mis en garde contre le fait que «les tensions sociales et politiques sont fébriles et que le cadre essentiel de la démocratie s’effondre en conséquence».

Le SEP avait compris que les immenses tensions politiques au Royaume-Uni avaient leur origine dans «une polarisation sociale entre les classes sans précédent dans l’histoire, qui commence maintenant à se manifester dans une éruption de luttes de classe au plan mondial».

Il a fait observer le hurlement d’indignation des médias lorsque le député travailliste Lloyd Russell-Moyle a déclaré à la radio «je ne pense pas que quiconque dans ce pays devrait être milliardaire» et comment Corbyn était «passé en mode de limitation des dégâts. Il a dit à Andrew Neill de la BBC qu’il n’y avait ‘aucune raison’ pour que les millionnaires quittent le Royaume-Uni si les travaillistes arrivent au pouvoir…»<

«Ces parasites continuent à sucer le sang de la classe ouvrière» ; les recherches de l’Equality Trust révélaient que «les six milliardaires les plus riches du Royaume-Uni ont pillé la richesse sociale à hauteur de 39,4 milliards de livres sterling — et c’est probablement plus. Cela correspond aux actifs d’environ 13,2 millions de travailleurs britanniques. Par contraste, 14 millions de personnes vivent dans la pauvreté, 4 millions à plus de 50 pour cent en dessous du seuil de pauvreté et 1,5 million sont sans aucune ressource.»

En effet, Corbyn s’est «plié en quatre pour rassurer la classe dirigeante que les milliardaires n’avaient rien à craindre des travaillistes… Pourtant, la classe dirigeante l’a déclaré inapte à devenir Premier ministre dans le cadre d’une campagne de déstabilisation menée par la CIA, centrée sur des allégations d’antisémitisme, que le secrétaire d’État américain Mike Pompeo a qualifiées candidement de “refoulement”, visant à faire en sorte que Corbyn ne forme jamais un gouvernement».

La véritable cible, a expliqué Marsden, est «la menace d’en bas posée par la classe ouvrière».

«Le Parti de l’égalité socialiste fonde sa perspective sur l’escalade de la lutte des classes qui se produit maintenant dans tous les pays — après des décennies au cours desquelles la bureaucratie travailliste et syndicale avait pu la réprimer».

«Partout, la croissance morbide de l’inégalité sociale est le moteur d’une nouvelle période de lutte révolutionnaire… Le Parti de l’égalité socialiste a passé les quatre dernières années, depuis que Corbyn est venu diriger le Parti travailliste, s’opposant à un effort soutenu des groupes pseudo-gauches britanniques pour réclamer un renouvellement du Parti travailliste et une nouvelle chance pour appliquer une vieille politique de réformisme nationale».

«Nous avons fait face à la même question des illusions dans un développement national avec le brexit, où ces mêmes tendances qui poussaient Corbyn, le Socialist Party (SP) et le Socialist Workers Party (SWP) prétendaient que le brexit fournirait la base d’un gouvernement travailliste de gauche, libre des contraintes de l’UE et du marché capitaliste mondial».

«Nous luttons pour que les travailleurs se basent sur une perspective socialiste et internationaliste, ancrée dans une profonde conscience pour l’histoire et instruits par ses leçons….Nous ne nous basons pas sur les illusions cultivées dans une supposée nouvelle “voie britannique vers le socialisme” sous Corbyn... Nous nous basons sur les réalités de la crise mondiale du capitalisme et l’inévitabilité d’une éruption de la lutte des classes au niveau mondial».

«Nous nous sommes orientés vers les éléments les plus avancés de la classe ouvrière et de la jeune génération. Notre tâche est de résoudre ce que Léon Trotsky a identifié comme la question fondamentale de l’époque: la crise de la direction révolutionnaire».

Quel que soit le résultat des élections générales de jeudi, le 12 décembre marquera une nouvelle étape dans la vie politique du Royaume-Uni.

«Si Corbyn ne parvient pas à obtenir une majorité, ou si nous avons un autre parlement sans majorité, alors les Conservateurs mèneront une offensive sociale et politique contre la classe ouvrière d’une grande férocité au milieu d’une crise croissante du pouvoir sur la politique du brexit…»

«Si le “refoulement” de Pompéo n’empêche pas les travaillistes d’accéder au pouvoir, on leur dira de faire le nécessaire et de mettre en œuvre les diktats des grandes entreprises et de la City de Londres. Et Corbyn fera de son mieux pour rendre service. Cela démasquera douloureusement toutes les illusions dans le grand espoir de la “gauche”».

«En même temps, les blairistes vont diviser le parti et créer la base d’un réalignement politique à droite, comme ils s’y préparent depuis des mois sous le nez de Corbyn.»

On préparait plus que des coups bas parlementaires, de hauts représentants des forces armées et des services de sécurité déclarant qu’un gouvernement Corbyn constituait une menace pour la sécurité nationale et avertissant d’une «mutinerie».

«La classe dirigeante britannique se prépare à la violence contre-révolutionnaire contre la classe ouvrière, et non à une nouvelle période de paix sociale et d’“unité nationale” sous les travaillistes… Tôt ou tard, les travailleurs seront forcés de riposter et de se joindre au mouvement qui se développe actuellement à travers le monde. Ils chercheront un parti qui est prêt à se battre et qui a les réponses dont ils ont besoin».

(Article paru d’abord en anglais le 10 décembre 2019)

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