L’usine d’assemblage de GM à Oshawa met fin à la production et élimine 5000 emplois

La production de véhicules cessera définitivement à l'usine d'assemblage de General Motors à Oshawa, en Ontario. L'arrêt met un terme à plus de 100 ans d'assemblage automobile continu dans la ville. Avant le début des mises à pied plus tôt cet automne, GM employait 2300 travailleurs dans l'usine. Au plus fort de l'emploi dans les années 1980, le complexe d'Oshawa embauchait plus de 20.000 travailleurs. Une petite usine d’emboutissage entrera en service en 2020 et emploiera environ 300 travailleurs pour stocker des pièces de rechange dans les entrepôts GM.

Au moins 2500 autres travailleurs des fournisseurs de matériel à l'usine d'assemblage ont également perdu leur emploi. On s'attend à ce que des centaines d'autres perdent leur emploi au cours des prochains mois, alors que les restaurants, les entreprises de camionnage, les magasins de détail et d'autres entreprises locales ressentiront l'impact du massacre des emplois chez GM.

L’usine d’assemblage de GM à Oshawa

La fermeture d'Oshawa fait partie de la dernière restructuration de GM qui a engendré la fermeture de quatre usines aux États-Unis en 2019 et de deux autres installations à l'extérieur de l'Amérique du Nord. L'élimination de 14.700 emplois de production et salariés fait partie d'un plan à l'échelle de l'entreprise visant à réduire les coûts de 6,5 milliards de dollars d'ici 2020.

«Ces actions augmenteront le bénéfice à long terme et le potentiel de génération de liquidités de l'entreprise», a déclaré Mary Barra, PDG de GM, avec un salaire de 22 millions de dollars US, lorsque les fermetures ont été annoncées l'année dernière.

Wall Street a célébré les fermetures d'usines en faisant grimper les actions de l'entreprise de près de 7% après l'annonce des suppressions d'emplois. Le constructeur automobile, qui avait déclaré une augmentation de 37% de ses bénéfices d'exploitation en Amérique du Nord au troisième trimestre, est en pleine frénésie de dépenses de 10 milliards de dollars sur deux ans pour le rachat d'actions et le versement de dividendes aux riches investisseurs.

Le principal mécanisme pour mener une attaque mondiale coordonnée contre les travailleurs de l'automobile a été les marchés financiers. En faisant baisser le prix des actions, de puissants fonds spéculatifs et des actionnaires fortunés donnent leurs ordres aux entreprises pour intensifier l'attaque contre les emplois, les salaires et les conditions des travailleurs. Cela augmente le rendement de leurs investissements, canalisant ainsi encore plus d'argent vers l'oligarchie financière. Les syndicats de l'automobile ont été complices de tout cela, réprimant toute opposition à des attaques toujours plus radicales contre l'emploi et le niveau de vie.

La dernière attaque contre les travailleurs de l'automobile a été facilitée par les United Auto Workers (UAW, syndicat des Travailleurs unis de l’automobile) aux États-Unis et Unifor au Canada, qui ont passé des décennies à collaborer avec les constructeurs automobiles contre leurs propres adhérents. Aux États-Unis, les trois sociétés automobiles de Detroit employaient plus d'un demi-million de travailleurs à la production en 1990. Aujourd'hui, 148.000 emplois restent. Au Canada, il reste moins de 18.000 emplois syndiqués d'assemblage d'automobiles, soit sensiblement moins de la moitié de ceux qui existaient dans les années 1990. Au cours de la même période, l'UAW et Unifor ont supervisé la mise en œuvre de toute une série de conventions collectives traitres qui ont réduit les salaires réels, institué un système de salaires et d'avantages sociaux à deux, voire trois niveaux, mis fin aux régimes de retraite à prestations définies et ravagé les normes du travail.

En examinant cet historique de capitulation et de trahison, aucun observateur honnête ne peut éviter de conclure que l'UAW et Unifor ne sont rien de plus que les partenaires juniors des patrons automobiles mis en place pour garantir les bénéfices des sociétés contre les intérêts des travailleurs de l'automobile. Mais qu'est-ce qui se cache derrière la transformation des syndicats en policiers des sociétés dans les ateliers?

La mondialisation de la production et le démantèlement connexe d'une grande partie de l'industrie dans les grands pays industriels avancés dans les années 80 ont gravement compromis la capacité des syndicats à faire pression sur le capital pour obtenir des concessions sur le marché du travail national. La réponse des syndicats à l'émergence d'un marché du travail mondial a été de se joindre aux patrons pour exiger des travailleurs qu'ils rendent leurs employeurs plus «compétitifs», c'est-à-dire passer des contrats de part et d’autre des frontières pour imposer des reculs, accélérer la cadence et les suppressions d'emplois. Cette perspective nationaliste et procapitaliste sert à bloquer toute action unifiée des travailleurs en Amérique du Nord et dans le monde contre les géants multinationaux de l'industrie automobile mondiale qui cherchent sans relâche à intensifier l'exploitation de tous les travailleurs, indépendamment de leur nationalité.

Comme l' expliquait le journal Bulletin (un prédécesseur du World Socialist Web Site) en 1985, lorsque Bob White est intervenu pour diviser les travailleurs de l'automobile canadiens de leurs frères et sœurs de classe aux États-Unis: «la scission ouvre maintenant la voie à une guerre d'enchères concurrentielles entre les travailleurs de l'automobile américains et canadiens, chacun cherchant à saper l'autre en offrant des coûts de main-d'œuvre inférieurs et des bénéfices plus élevés aux constructeurs automobiles.» Il a soutenu qu'au lieu de briser l'unité internationale des travailleurs de l'automobile, le directeur canadien de l'UAW White aurait pu mener une lutte commune contre les reculs en puisant dans l'immense sentiment d'opposition des travailleurs de l'automobile américains ébranlé par des années de licenciements et de concessions. White a refusé d’envisager cette option.

Dans la fausse campagne d'Unifor pour «sauver» GM Oshawa, avec un appel au boycottage de l'achat de véhicules GM produits au Mexique, le syndicat a colporté du poison nationaliste, plaidant auprès de GM de réduire sa main-d'œuvre mexicaine afin de supposément sauver des emplois au Canada.

Au cours de la grève d'un mois à CAMI Ingersoll en 2017, Unifor a explicitement exigé que GM licencie des travailleurs dans deux usines mexicaines en cas de ralentissement du marché automobile. La société, qui a des plates-formes dans 31 pays, y compris des opérations au Mexique qui ont assemblé le même modèle Equinox que CAMI a produit, a contre-attaqué en menaçant de déplacer la production de CAMI vers le sud. C’est alors qu’Unifor a mis fin à la grève selon les conditions de l'entreprise.

Tout au long de la campagne d'Unifor, des appels ont été lancés, non pas aux centaines de milliers de travailleurs de l'automobile nord-américains pour une lutte commune contre les licenciements et les reculs, mais plutôt aux gouvernements des grandes entreprises de droite du premier ministre conservateur Doug Ford en Ontario et du premier ministre libéral fédéral Justin Trudeau, tous deux ennemis acharnés de la classe ouvrière.

La perspective nationaliste d'Unifor contraste fortement avec l'orientation internationaliste des militants qui ont construit les syndicats de masse. C'est à Oshawa en 1937 que les travailleurs de l'automobile canadiens et américains se sont battus ensemble dans une offensive militante contre les conditions brutales dans les usines automobiles. Les travailleurs canadiens de l'automobile avaient demandé à l'UAW un soutien matériel pour organiser la main-d'œuvre au sein d’un syndicat à l'échelle de l'Amérique du Nord. L'appel était motivé par la conviction de longue date et largement répandue que les travailleurs canadiens et américains avaient des intérêts communs. Une amère grève de 15 jours des travailleurs d'Oshawa contre GM – l’entreprise était soutenue par des hommes de main à la solde de l'entreprise et du gouvernement – a entraîné la reconnaissance du syndicat, la consolidation de la journée de huit heures et d'une semaine de travail de 40 heures, les droits d'ancienneté et l’instauration d’une procédure de grief.

L'appel à l'unité internationale de la classe ouvrière n'est pas qu’une phrase pour les occasions spéciales: c'est une nécessité stratégique et la base pour libérer l'immense force sociale de la classe ouvrière. Cela est objectivement démontré dans le processus de production lui-même. Un véhicule qui sort de la chaîne de montage au Mexique, aux États-Unis ou au Canada est composé de pièces qui ont franchi des dizaines de fois les frontières nationales. En effet, au moment même où Dias appelait les consommateurs canadiens à boycotter les voitures construites au Mexique, 70.000 travailleurs des pièces automobiles et de l'électronique faisaient une grève sauvage à Matamoros, au Mexique, contre leur propre syndicat et les fournisseurs transnationaux de pièces automobiles. Telle est l'interdépendance mondiale de la production, que cette grève à Matamoros a stoppé la production dans plusieurs usines d'assemblage aux États-Unis et au Canada.

La fermeture de GM Oshawa fait partie d'un carnage mondial des emplois imposé par les sociétés automobiles transnationales alors qu'elles se préparent à un ralentissement économique mondial imminent et réorientent les investissements en capital vers des méthodes de production entièrement automatisées et des véhicules électriques. Au cours de la dernière année, en plus des licenciements de GM, Volkswagen a annoncé un plan pour 30.000 suppressions d'emplois, Ford a supprimé 25.000 emplois, Nissan 12.500, Daimler 10.000 et Audi 9500. En Inde, les licenciements de Tata, Mahindra, Maruti Suzuki, Toyota et Hyundai, et une décimation de l'industrie géante des pièces automobiles, coûteront 360.000 emplois. Les coupes dans l'assemblage et la production de pièces en Chine vont détruire 220.000 emplois supplémentaires.

L'UAW et Unifor ont entré dans la gorge des travailleurs des contrats de concession en 2015 et 2016 en raison d'une opposition généralisée, affirmant que la nouvelle attaque contre les salaires et les avantages sociaux «sauverait des emplois». Dias, d’Unifor, a dit en 2016 aux travailleurs mécontents que «les engagements envers Oshawa sont de l’ordre de centaines de millions, par conséquent, notre crainte d'une fermeture en 2019 est désormais révolue.» C'était un mensonge.

Les revendications de «sécurité d'emploi» étaient des mensonges cyniques. Unifor et les constructeurs automobiles ont, bien entendu, inséré des formulations dans chaque contrat qui permettent à GM, Ford et Fiat Chrysler de modifier les niveaux d'emploi «sous réserve des conditions du marché».

Aux États-Unis, l'UAW a imposé cette année des contrats pourris chez Ford, General Motors et Fiat Chrysler, ce qui a explicitement permis à la direction de fermer des usines et de supprimer des milliers d'emplois, et d’arrêter la production à l'usine d'assemblage historique de Lordstown, en Ohio.

À la suite de l'annonce par GM à la fin de l'année dernière de son intention de fermer l'usine d'Oshawa, Unifor n'a rien fait pour mobiliser les travailleurs contre la menace pour les emplois. Lorsque les travailleurs sont sortis de l'usine avec dégoût après avoir été informés de la fermeture, le président du syndicat, Greg Moffat, a demandé aux grévistes de reprendre le travail. «Nous allons travailler demain, a-t-il déclaré, et vous allez construire les meilleurs véhicules que vous puissiez fabriquer.»

Les travailleurs canadiens de l'automobile doivent rejeter le programme nationaliste d'Unifor. Pour ce faire, ils doivent mettre sur pied des comités de la base pour prendre en main leur lutte et s’opposer à toute autre fermeture d'usine et recul des bureaucrates d'Unifor. Ces comités devraient immédiatement déclarer leur soutien à une lutte commune avec les travailleurs de l'automobile aux États-Unis, au Mexique et à l'échelle internationale afin de renverser les décennies de reculs et de garantir des emplois permanents décents et bien payés pour tous. Surtout, ils doivent lutter pour une perspective socialiste face aux attaques de plus en plus intenses d'un système capitaliste mondial ravagé par la crise. Nous exhortons les travailleurs qui souhaitent mener une telle lutte à contacter le Bulletin des travailleurs de l’automobile du WSWS.

(Article paru en anglais le 18 décembre 2019)

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