Les grévistes refusent la «trêve de Noël» voulue par Macron et les syndicats

Alors que les appareils syndicaux ont soit appelé mettre fin à la grève avant Noël ou à attendre la prochaine mobilisation du 9 janvier, la lame de fond de colère sociale continue à grandir contre la politique d’austérité menée par Macron. La grève continue de plus belle, et les grévistes réclament de plus en plus le droit d’organiser leurs luttes indépendamment des chefs syndicaux qui négocient avec le gouvernement. Une épreuve de force émerge entre les travailleurs et le gouvernement, à laquelle la seule issue progressiste possible est de faire chuter Macron.

Des grévistes ont parlé aux journalistes du WSWS à la manifestation des «gilets jaunes» samedi à Paris. Hamas, un gréviste syndiqué à SUD, a souligné la nécessité pour les travailleurs d’ôter le contrôle des luttes aux appareils syndicaux: «La base syndicale, aujourd'hui, c'est elle qui a pris conscience qu'en fait il faut qu'elle prenne en main ces luttes. C'est eux qui doivent décider de la poursuite du mouvement.»

Ceux qui devraient décider, a-t-il poursuivi, ne sont «pas les dirigeants syndicaux, qui sont des fonctionnaires du syndicalisme, à des salaires entre 4.000 et 5.000 euros, qui ont des bureaux, des cons qui vont voir Macron et serrer la main à tous les ministres, qui participent à des dîners et des déjeuners et qui vont négocier. Ce n’est pas eux la France. Ce n'est pas à eux de décider.»

Alors que se multiplient les scandales liés aux brutalités policières, contre les pompiers grévistes, les «gilets jaunes» ou les supporters du football de Nïmes, Hamas a également souligné sa colère contre la répression policière de la grève contre Macron.

Il a dit, «La France déclare être le pays des droits de l'homme, le pays de la liberté qui se permet de donner des leçons au monde entier. Aujourd'hui le masque est tombé, on s'aperçoit que ce pays mène une répression contre les gens qui osent s'exprimer. … La police n'est pas au service du citoyen, la police est au service de la finance. La police d'aujourd'hui, qu'on paye avec nos impôts, ne sert plus le citoyen.»

Grévistes et «gilets jaunes» soulignaient tous leur attachement aux traditions de lutte au 20e siècle dont sont ressortis les acquis sociaux et les droits démocratiques attaqués par Macron, et leur hostilité envers le régime policier que Macron et les banques mettent en place.

Hamas a dit, «Aujourd'hui on voit ça, avec la réforme des retraites, de l’assurance-chômage, du droit du travail, même les ouvriers peuvent plus défendre tous les acquis sociaux de 1945», a-t-il dit en évoquant la Résistance au régime collaborationniste de Vichy pendant la 2e Guerre mondiale. Macron, a-t-il poursuivi, «est en train de les casser. Il est en train de les détruire.»

Céline, une «gilet jaune» a déclaré au WSWS: «Je viens de Pologne, je me suis sauvée en 1968. Mes parents m'ont raconté pendant la guerre ce qu'ils avaient vécu: les trains qui partaient avec les Juifs, des trains des bestiaux. Moi je ne veux pas qu’en France on arrive à ça, je ne veux pas. Parce que chaque fois, ça commence par de petites choses.»

Céline a dit qu’elle est mobilisée «contre la misère. … Il y a 9 millions de Français des gens qui mangent pas tous les jours, ils sont en dessous du seuil de pauvreté.» Elle a poursuivi, «Depuis qu'il est arrivé Macron, on sait qui veut se débarrasser de la Sécurité sociale. Notre plus grand système, le plus juste, c'est notre sécurité sociale. Il n'a pas besoin de la Sécurité sociale, donc il va privatiser la Sécurité sociale, et après la Sécurité sociale sera comme en Amérique: si vous avez du fric vous allez chez le toubib, vous n'avez pas de fric ... vous allez crever dans un coin.»

Alors qu’il y a eu plus de 10.000 gardes à vue et plus de 25 personnes éborgnées par des tirs de LBD depuis le début du mouvement des «gilets jaunes», Céline a souligné sa colère contre l’État policier en France: «La brutalité des polices, c’est quelque chose d’épouvantable. Vous savez, j’ai été en garde à vue 9 heures, parce que j’ai refusé d’enlever le gilet. Neuf heures de garde vu pour rébellion, non, mais, on va où? Moi j'ai un amie qui est encore plus petite que moi, mais un LBD lui a arraché à moitié le visage.»

Elle a aussi exprimé en particulier l’hostilité des «gilets jaunes» envers le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner: «Monsieur Castaner a dit ‘il y a 1500 casseurs à Paris, on sait où ils sont.’ … Vous savez, on entre dans la manif, donc on est fouillé. Le casseur devant moi avait une batte de baseball qui dépassait de sa veste; on n'a pas de l'ordre de l'arrêter.» Céline a conclu, «Les casseurs, maintenant on sait qu'ils sont payés» par l’État.

Céline a aussi dit sa crainte qu’on élise un gouvernement d’extrême-droite, par dépit face à des politiciens ultra-réactionnaires qui prétendent être le seul rempart face au néofascisme.

Elle a expliqué, «Macron a mis un tapis rouge pour l'extrême droite, et on a très peur de ça. Les gens vont voter par dépit. (Aux présidentielles de 2002) c’était Chirac ou extrême droite, il a dit, ‘Votez pour moi parce que sinon c’est fini’ … Macron (en 2017), pareil. On on se dit bon, on nous prend pour des imbéciles ou quoi? Donc les gens par dépit, même avec la trouille au ventre, ils vont voter extrême-droite ... On sait qui ça sera soit extrême droite, soit Macron.»

Céline a vu par contre un signe d’espoit pour l’avenir dans l’éveil des travailleurs et leur méfiance grandissante envers les chefs syndicaux: «Ce n’est pas les syndicats qui ont déclenché ça, c'est la base. Ça veut dire que les gens, ils ont dit basta. C’est très important parce que jusqu'à là, toutes les négociations entre gouvernement et syndicats s’étaient fait à huis clos. Cela veut dire et c'est une politique masquée, on ne sait pas de quoi ils discutent, on ne sait pas de quoi ils négocient.»

La seule stratégie viable pour les grévistes, «gilets jaunes» et autres travailleurs en lutte est de s’organiser indépendamment des syndicats. Il n’y a rien à négocier avec le gouvernement, qui a dit clairement qu’il compte passer en force malgré l’opposition d’une large majorité des travailleurs à sa réforme. La question décisive est de s’organiser en comités d’action, indépendamment des syndicats, et de rallier à la lutte les sections toujours plus larges des travailleurs qui indiquent dans les actes qu’ils sont prêts à se rallier à une lutte pour faire chuter Macron.

Malgré la tentative du gouvernement et des appareils d’imposer une trêve de Noël aux travailleurs, la combativité continue à monter de toutes parts.

De nombreux ensembles musicaux dont la maîtrise de Notre-Dame et l’Opéra de Paris font grève, et une vidéo de la grève-surprise de l’Opéra de Lyon le 18 tourne sur les réseaux sociaux. La direction avait tenté d’imposer une représentation le 18 pour punir la troupe d’avoir fait grève le 17. La troupe a réagi en se rassemblant au lever du rideau le 18 pour déclarer à la salle pleine qu’ils faisaient encore grève et qu’ils refuseraient de jouer le 18 comme le 17.

«Depuis le 5 décembre, des millions de personnes ont défilé partout en France pour réclamer le retrait de la réforme des retraites. Le mouvement ne faiblit pas, au contraire, il trouve cette semaine un nouveau souffle,» ont-ils déclaré sous les huées et les applaudissements de la salle. Dénonçant les attaques de Macron contre les travailleurs de la culture, ils ont dit: «Notre direction, en décalant la représentation qui devait avoir lieu hier, nous empêche de contribuer de manière visible à cette mobilisation. ... A contre cœur, les salariés ont décidé de ne pas assurer la représentation de ce soir.»

Les pompiers sont aussi mobilisés, en colère contre l’usage par la police de grenades de désencerclement contre des pompiers qui manifestent pacifiquement pour défendre leurs retraites. Alors que les sapeurs-pompiers sont juridiquement un corps militaire comme la gendarmerie, déjà un octobre un pompier avait été éborgné par un tir de grenade. A présent, des vidéos tournent à nouveau sur les réseaux sociaux après la grève du 17, qui montrent à nouveau la police en train de charger des pompiers pacifiques et de lancer des grenades contre eux.

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