En Allemagne, les travailleurs soutiennent les grèves contre Macron

La semaine dernière, des équipes du WSWS ont discuté sur la grève des travailleurs en France contre la casse des retraites du gouvernement Macron avec des travailleurs d‘Opel à Rüsselsheim (près de Francfort) et de Siemens à Berlin. Le 17 décembre, une réunion du SGP (le Parti de l’égalité socialiste en Allemagne) a discuté à Berlin la signification internationale du mouvement de grève en France.

Les ouvriers de Siemens étaient très intéressés par la grève. Bien que pressés au changement d’équipe, ils ont exprimé leur soutien aux grévistes en France. Deux phrases revenaient constamment: « En France ils savent s‘y prendre, ils ne doivent pas céder! » et, «Il faudrait tous se battre ensemble en Europe, sinon on va tous crever, chacun de son coté».

L‘usine fait partie des entreprises touchées par des licenciements massifs. Il y a quelques mois, des centaines de travailleurs avaient manifesté sur plusieurs sites contre les suppressions d’emplois négociées avec Siemens par le syndicat IG Metall. De nombreux travailleurs se rendent de plus en plus compte qu’ils ont à faire à un groupe transnational qui opère dans le monde entier et peut faire le dumping salarial parce que les syndicats isolent leurs actions en les confinant au plan local.

Avec l’aide des syndicats, ils dressent les travailleurs les uns contre les autres au niveau international. Mais les travailleurs sont confrontés partout aux mêmes problèmes.

La solidarité avec les travailleurs français en lutte est grande. «Les retraites dans l’UE devraient toutes être égales, et élevées, l’âge de la retraite doit baisser. Mais il faut s‘y prendre ensemble», a dit Axel au WSWS, en ajoutant que les syndicats n’avaient rien fait quand on avait porté l‘âge de la retraite à 67 ans en Allemagne.

Anne, la cinquantaine, a travaillé chez Bosch et un autre grand groupe. Les choses allaient très mal chez Siemens après l’intervention du conseil d’entreprise Mckinsey a-t-elle dit, «il faudrait qu‘on arrête tous le travail pendant quelque jours, tout le monde».

Armin, 75 ans originaire de Macédoine et ancien salarié de Siemens, où son fils travaille aujourd’hui, a évoqué la grève en France: « Oui, les Français font grève, mais quand l’âge de la retraite a été relevé en Allemagne, personne n’a protesté. Beaucoup étaient tellement trompés par les médias et les syndicats, que personne n’a lutté sérieusement contre les lois sur la retraite ».

«Les médias disent toujours que l’Allemagne est le pays le plus riche. Mais il y a tellement de sans-abri ici parce que les loyers augmentent... des millions de personnes travaillent comme intérimaires et vivent avec le minimum vital».

«Cela fait maintenant près de 18 ans que je travaille chez Siemens, huit ans comme intérimaire et maintenant dix ans en CDI», dit Petra K., ouvrière à la production de transmissions, «la grève des ouvriers français est très importante. Ils doivent à tout prix éviter la détérioration du système de retraites car il s’agit de leur avenir».

Elle dit encore que les travailleurs européens devaient coopérer plus étroitement et se soutenir mutuellement. En Allemagne, on pouvait voir les effets de Hartz IV (fin des indemnités complètes de chômage, les chômeurs étant forcés de vivre avec 400 euros par mois) et des salaires qui baissent du au travail intérimaire. «Le résultat c‘est la pauvreté des personnes âgées. C’est pourquoi je dis que nous devons nous serrer les coudes et nous battre ensemble».

Elle ajoute : «Parfois, je crois qu‘on sous-estime le combat commun, et que tout le monde ne pense qu’à soi et à sa famille. Quand je travaillais comme intérimaire et gagnais à peine ma vie, je me suis sentie abandonnée. Même le syndicat n’était pas du tout intéressé. Il faut que ça change, nous autres travailleurs devons nous parler plus et nous occuper plus les uns des autres. C’est pour ça aussi que nous devons nous intéresser à ce qui se passe en France».

Pour Sven S., qui travaille depuis 28 ans à la distribution chez Siemens, «ici dans l’entreprise, c’est encore bien trop calme. Les travailleurs français sont plus avancés. Si nous ne voulons pas couler, nous devrons lutter. Ça c‘est sûr. Je ne supporte plus tout ce blabla sur les problèmes financiers de l‘entreprise. Tout ça, c’est des fadaises».

Jamal, un travailleur palestinien a dit: « Oui, je trouve que la grève en France c‘est très bien... A mon avis il faut que les travailleurs palestiniens et israéliens coopèrent. Les conflits religieux sont toujours attisés pour imposer les intérêts des impérialistes. Mais ce n’est pas une question de religion, mais de riches et de pauvres. Il faut qu’on sache plus de choses les uns des autres, alors on pourra mieux lutter ensemble ».

Au changement d’équipe, chezOpella plupart des travailleurs disent eux aussi spontanément à propos des grèves en France: «Ils s’y prennent bien» et «Il est grand temps qu’on fasse pareil ici».

«Ils ont raison!» dit Alfredo qui travaille aux chaînes et attend un collègue, «en France ce n’est pas comme ici ... Les Francais ne s’en laissent pas imposer, mais ici ce n’est pas pareil. Chacun commence par penser à soi et le syndicat ne fait rien. Mais toute l’industrie automobile est en crise! Tôt ou tard, cela ne pourra plus continuer comme ça non plus ici.»

Un technicien du centre de recherche dit, lui aussi: «La-bas en France, ils s’y prennent comme il faut», puis il raconte qu’il vient d’être mis à la porte avec d’autres collègues parce qu’il avait refusé d’être transféré au prestataire de service Segula. Il a dit qu’il s’informait sur l’évolution de la grève en France, car «Ce qui se passe là-bas est important pour nous tous».

Opel est fortement touché par la crise de l’automobile. Depuis son rachat par PSA plusieurs milliers d’emplois ont été détruits. Il y a souvent du chômage technique. La fusion annoncée de PSA avec Fiat Chrysler fait monter l’insécurité.

«Tout ça, c’est un puits sans fond», dit Frank «c’est quand mème remarquable que même les sous-traitants comme Bosch licencient maintenant. Avant, un emploi chez Bosch c’était comme une assurance-vie. Ou bien prenez encore GM, l’ancien propriétaire d’Opel, il chamboulé toute la structure de la société ».

Sur la grève en France, il dit: «Ca, c’est vraiment quelque chose: c’est la rue qui s’enflamme là-bas. C’était bête de la part de Macron de s’attaquer aux retraites. En France, tous les politiciens s’y sont cassé le nez jusque là».

Les travailleurs en Allemagne, devaient « gagner plus de confiance en soi» poursuit-il. Pour les actionnaires à la Bourse, l’industrie automobile n’est plus qu’un gros boulet à traîner. Puis, il explique que «ceux qui fabriquent vraiment le produit doivent en fait être les plus reconnus de tous. Il y a des gens ici qui travaillent et qui valent plus que de l’or. Ils sont là parce leurs pères et grand-pères étaient déjà chez Opel. Ils donneraient tout pour la firme. Mais on les gifle. Pour les actionnaires ce ne sont que des chiffres.»

Steffen, Stefan et Mario trouvent la grève juste. «Si on ne se défend pas on n’arrive à rien», dit Steffen.

Mario décrit ainsi sa propre situation de travailleur de l’automobile: «La situation s’aggrave de plus en plus. Jamais, ça n’a été aussi tendu qu’aujourd’hui.» A propos du syndicat IG Metall il dit que c’est «plus du semblant que du vrai», ce a quoi Stefan ajoute: «Comme tous les autres, ils regardent du côté où il y a le plus d’argent, et ce n’est pas nous.»

Andreas, un travailleur qui travaille depuis 22 ans à la chaîne a dit: «Les travailleurs français ont raison de défendre la retraite à 62 ans. Ici tout le monde te confirmera qu’à 67 ans on n’est plus capable de travailler à la chaîne. C’est de la vraie torture!»

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