«On passe un message: il n’y a pas de trêve»

Les grévistes demandent à intensifier la lutte de classe contre Macron

La grève des transports et du secteur public contre la réforme des retraites voulue par Emmanuel Macron entame sa quatrième semaine aujourd’hui. Malgré la volonté des directions syndicales d’imposer une trêve de Noël en suspendant toute action au-delà du niveau des sections locales, les grévistes continuent à manifester leur opposition à la réforme, sachant qu’ils ont une large majorité des Français derrière eux.

Hier, alors que des assemblées générales de cheminots et de travailleurs des transports votaient la continuation de la grève, des grévistes ont parlé aux journalistes du WSWS à Paris. Ils exigeaient une intensification de la lutte contre Macron et d’écraser définitivement la capacité du gouvernement d’imposer ce type de mesure régressive contre les travailleurs. En même temps, ils soulignaient la méfiance grandissante des travailleurs en lutte envers les directions syndicales, qui négocient derrière le dos des travailleurs avec l’État.

Raphaël, un machiniste à la RATP, a expliqué: «C’est une manifestation comme on dit de la base. Ça veut dire quoi? Oui, on voit des étiquettes syndicales, mais pour les trois quarts c’est au-delà de l’étiquette syndicale, c’est vraiment l’ouvrier qui parle. Aujourd’hui c’est la base qui a déclaré la manifestation. Là on passe un message au gouvernement et au chef syndicaux, c’est qu’il n’y a pas de trêve.»

La pancarte de Raphaël, «Macron prends ta retraite, pas la nötre»

Raphaël a souligné que les travailleurs se retrouvaient en une lutte contre l’État et ses manœuvres avec les appareils syndicaux: «Aujourd’hui on manifeste parce que on ne veut pas de cette réforme. En aucun cas ça n’a été les chefs syndicaux qui ont déclaré ces grèves, ça a vraiment été de notre propre initiative. On l’a fait de nous-mêmes, ouvriers-citoyens. Donc là on passe un message aux responsables syndicaux comme au gouvernement: non, ça ne passera pas. On n’en veut pas, et on ne veut pas de vous.»

Ces sentiments soulignent à nouveau la nécessité pour les travailleurs de former leurs propres comités d’action, indépendamment des appareils syndicaux. Alors que les travailleurs mènent une lutte politique contre l’État en France, et contre de nombreuses grandes sociétés ou États capitalistes dans le monde, il est essentiel de pouvoir unifier les luttes et les organiser indépendamment de bureaucraties nationales étroitement liées à Macron.

Raphaël a expliqué qu’en faisant grève, les travailleurs des transports avaient conscience de représenter des intérêts des travailleurs et de l’écrasante majorité des Français. Il a dit que hormis quelques grandes fortunes, personne ne bénéficierait de la réforme: «Si on regarde tout, le passage à une retraite par points, la retraite par capitalisation, l’âge de la retraite augmente, ce n’est vraiment pas bon pour les citoyens français, pour le travailleur.»

Mais de plus en plus les grévistes prennent conscience du fait qu’un conflit de classe international se développe qui met en relief les grands clivages économiques objectifs de la société. Alors que les politiques d’austérité s’intensifient à travers l’Europe depuis la restauration du capitalisme en Union soviétique par le régime stalinien, la classe ouvrière lance sa première grande contre-offensive internationale.

«Bien sûr, on défend tous les nôtres, nos salaires, nos statuts dans le monde entier», a dit Raphaël. «C’est une politique libérale ça ne date pas d’hier. Ça fait 20-30 ans que ça dure. Eh bien maintenant voilà, c’est vrai que les riches ont gagné. Mais si on peut nous aussi réussir à gagner … On se lève tous les matins, à la sueur de leur front on va tous travailler. On est tous des honnêtes gens faire tourner l’économie du pays on paie nos impôts, on va faire des achats, tout ça.»

Interrogé sur la résurgence des luttes de classe avec les grèves de l’automobile et des enseignants aux États-Unis, en Pologne, et des manifestations en Algérie, en Irak, et en Bolivie et au Chili, Raphaël a dit que cette conscience d’un élan plus large aidait les travailleurs en France.

Il a dit, «On va produire produire, produire et on va nous donner moins que ce que nous avons produit, et au bout d’un moment, ce n’est plus possible. Donc je soutiens tout ouvrier dans le monde entier. Je sais que déjà les ‘gilets jaunes’ qui s’est passé il y a un an s’est répandu dans le monde entier. Je sais que les actions qu’on mène sont répercutées jusqu’en Amérique du Sud, on a beaucoup de vidéos de cheminots sud américains qui nous soutiennent qui nous disent lâchez pas parce que vous êtes un modèle. … Donc on ne lâche rien.»

Une épreuve de force émerge rapidement entre les travailleurs et le gouvernement Macron, qui a déclaré son intention d’imposer la réforme au parlement en février. Dans cet affrontement, la seule stratégie viable est de lutter pour faire chuter Macron, et de faire appel à la solidarité des travailleurs en lutte autour du monde pour transférer le pouvoir à la classe ouvrière. En France et autour du monde, les travailleurs se trouvent entraînés par la dynamique de la lutte des classes vers un affontement révolutionnaire avec l’aristocratie financière.

Raphaël a évoqué la colère de classe qui se développe parmi les travailleurs face à l’arrogance de l’ex-banquier Macron et des milieux dirigeants.

Il a dit, «Ils manquent de respect, et ça dure depuis un moment dans leur façon de parler des ouvriers, des citoyens français en règle générale: les sans dents, les Gaulois réfractaires. Emmanuel Macron qui disait il y a beaucoup d’illettrés, d’alcooliques voilà. Il y a un mépris de classe. Vous entendez Darmanin, qui dit Macron devrait s’entourer de gens qui boivent de la bière et qui mangent avec les doigts. Au bout d’un moment, il faut arrêter ça.»

Pascal, un photographe «gilet jaune», a également mis l’accent sur le mépris de classe dans les milieux dirigeants français, y compris parmi les dirigeants syndicaux. «Non, ils ne nous ont pas aidés», a-t-il dit. «Les organisations syndicales, là entre guillemets appellent un peu les ‘gilets jaunes’ à venir les soutenir. Mais .. les syndicats ne veulent pas entendre parler des ‘gilets jaunes’. Il y a un déni de classe sociale. Les gilets jaunes c’est vraiment le bas à quoi ils parlent, on dit que nous sommes violents, du Front national, ou ceci ou cela.»

Pascal a dit sa profonde méfiance du dialogue qu’entretiennent l’État et le patronat avec les dirigeants syndicaux: «C’est un jeu de pouvoir, un pouvoir qui prend de l’importance. Après ils sont redevables puis ça s’arrange. Enfin je pense que c’est à la base, c’est aux citoyens et au peuple, aux travailleurs aussi de participer aux décisions du pays.»

Raphaël a expliqué, «Moi je suis un ouvrier, j’ai commencé à l’âge de 16 ans. Voilà je, ne vais pas aller jusqu’à 66, 68, 70 ans. Ce n’est pas convenable. J’ai envie d’avoir une retraite convenable et d’en profiter quand même. On n’est pas là pour bosser pour quelques personnes qui vont prendre les richesses que nous produisons.»

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