La classe dirigeante n’a pas de solution alors que les incendies catastrophiques s'intensifient en Australie

Des incendies catastrophiques existent aujourd'hui dans une grande partie de l'Australie, du sud-ouest de l'Australie occidentale, à travers l'Australie du Sud, à Victoria, dans l'État insulaire de Tasmanie et en passant par la Nouvelle-Galles du Sud (NSW), au sud-est du Queensland et dans les régions du nord tropical. Une autre vague de chaleur sévère se déplace à travers le continent, générant des températures qui pourraient battre les records historiques déjà battus il y a seulement quelques semaines. On s'attend à ce que de nouveaux incendies se déclarent, tandis que des vents forts devraient attiser les centaines d’incendies existants. Des centaines de milliers de personnes ont été invitées hier à évacuer les zones les plus à risque.

Les incendies de forêt font rage sous des panaches de fumée à Bairnsdale, Australie. (Glen Morey via AP)

Résumant la situation dans une grande partie de la Nouvelle-Galles du Sud, qui s'étend sur presque toute la longueur de l'État, le commandant adjoint du Service rural anti-incendie (RFS), essentiellement bénévole, a déclaré lors d'une conférence de presse: «Nous ne pouvons pas arrêter ces incendies là. Nous ne pouvons pas éteindre les incendies que nous avons déjà.»

La catastrophe qui se déroule a totalement discrédité le gouvernement de la coalition libérale-nationale dirigé par le Premier ministre Scott Morrison, qui, il y a quelques mois à peine, se vantait du refus de la part de l’Australie de prendre des mesures plus importantes pour réduire les émissions de carbone.

En septembre, Morrison a condamné l'adolescente Greta Thunberg et les manifestations contre le changement climatique qu'elle a menées pour avoir «aggravé les inquiétudes des enfants dans notre pays». Alors même que les incendies s’aggravent, il a insisté pour minimiser le rapport indéniable qui existe entre le réchauffement climatique et les risques sévèrement aggravés d'incendie auxquels le pays est confronté (voir: «Australie: changement climatique et la crise des feux de brousse» (article en anglais).

La colère ne saura pas cependant se limiter envers Morrison et son gouvernement. Le Parti travailliste d'opposition a été au pouvoir pendant 19 des 37 dernières années et, malgré tous les avertissements scientifiques, a également cherché à retarder ou à bloquer les réponses au changement climatique qui auraient entravé les activités et les bénéfices des grandes entreprises. Les gouvernements des États fédéraux, à la fois de la Coalition et du Parti travailliste, ont laissé la lutte contre les incendies presque exclusivement aux soins des services bénévoles, tout en réduisant leur financement et en refusant de leur fournir le vaste éventail d’équipement nécessaire.

À tous les niveaux, la politique gouvernementale s'est attachée à réduire les impôts des sociétés et des riches, à faire baisser les salaires et les conditions de travail, à abolir les restrictions sur la manière de faire des profits et à alimenter la hausse spéculative du marché boursier et des valeurs immobilières. Les dépenses militaires, en prévision de nouveaux conflits et de nouvelles guerres, ont été renforcées, tandis que les dépenses pour les services de santé et des urgences ont été compressées. Cette indifférence criminelle de l'élite dirigeante australienne face à la menace du changement climatique a ses équivalents dans le monde entier.

Jeudi, dans un entretien accordé à la radio Australian Broadcasting Corporation (ABC), l'ancien commandant des services anti-incendie et secours de l’Etat du NSW, Greg Mullins, a mis au pilori à la fois Morrison et, implicitement, les autorités de l'État.

Il a déclaré: «Nous avons essayé depuis avril d'obtenir une réunion avec le Premier ministre […] Nous avons eu des demandes assez simples que nous voulions adresser au gouvernement. Le financement d'avions bombardiers d’eau. Les gens auraient vu les images l'autre jour de l'avion Hercule entrant en action pour larguer 15 000 litres de retardateur à Turramurra. J'ai observé cela avec beaucoup d'intérêt parce que j'étais responsable incendies là-bas en 1994, où 17 maisons ont été détruites. Cela a immédiatement coupé le feu. Nous n'en aurons que sept de ce modèle cette année. Je viens de rentrer de Californie et là-bas ils en avaient une trentaine en action pour un seul incendie.»

Mullins a poursuivi: «Il était prévisible que cela devait être une saison d’incendies horrifiques. Ils [les avions] peuvent être une arme décisive. S'ils [le gouvernement] nous en avaient parlé à l'époque, ils auraient peut-être pu affecter plus d'argent pour avoir plus de ces appareils, mais ils ne l'ont pas fait et ils ne sont probablement pas disponibles maintenant.»

Depuis le début sans précédent de la saison des incendies en septembre, jusqu'à cinq millions d'hectares ont déjà été brûlés rien que dans l'Etat de Nouvelle-Galles du Sud (NSW). Au cours des quatre derniers jours, environ 500 maisons ont été détruites dans la région de la côte sud de l'État, y compris dans le canton de Cobargo, où des habitants furieux ont dénoncé jeudi le Premier ministre Scott Morrison.

Aujourd'hui, des vies et des propriétés sont menacées sur la côte sud, la région du parc national du mont Kosciuszko, les Snowy Mountains et les Blue Mountains à l'ouest de Sydney. La RFS a émis des avertissements selon lesquels les conditions de vent pourraient entraîner des incendies et des attaques de braises, atteignant la banlieue nord-ouest de Sydney elle-même.

Le gouvernement de l'État de Victoria a utilisé des pouvoirs d '«état de catastrophe» pour ordonner l’évacuation de plus de 100.000 personnes du sud-est du Gippsland, la plus grande évacuation de civils depuis la Seconde Guerre mondiale. La région est fièrement promue par les autorités touristiques comme proposant «une panoplie de flore et de faune, de grandes promenades en voiture et des délices gastronomiques», avec «le plus grand réseau de lacs et l'une des plus longues plages de l'hémisphère sud». Aujourd'hui, le Gippsland et sa beauté naturelle sont en flammes, avec une grande partie du reste de l'est de Victoria. On estime que 600.000 hectares ont été brûlés au cours de la semaine dernière.

Deux personnes ont perdu la vie dans les incendies de Gippsland cette semaine et 21 sont portées disparues. L'accès des véhicules à un certain nombre de communautés côtières a été coupé. La Marine a été déployée jeudi pour évacuer certains des résidents et des touristes pris au piège dans la ville de Mallacoota, où une tempête de feu a forcé quelque 5000 personnes à chercher refuge sur la plage.

Hier, deux personnes ont perdu la vie dans les incendies sur l'île Kangourou, au large d'Adélaïde, en Australie-Méridionale, présentée comme «l'une des plus grandes destinations de réserves naturelles au monde». L'île est en feu avec des incendies «pratiquement inarrêtables» qui ont brûlé sur 100.000 hectares, soit la plus grande partie de sa forêt vierge.

Une fois de plus, Adélaïde, Melbourne, Sydney, Canberra et d'autres grands centres de population seront recouverts de fumée et exposés à une qualité d'air «dangereuse». L’Australian Medical Association (AMA) a émis un avertissement alarmant hier. Elle a déclaré: «La durée et la densité de l'exposition à la fumée constituent un risque pour la santé nouveau et peut-être mortel auquel de nombreuses personnes de notre communauté n'ont jamais été confrontées auparavant.» Chris Moy de l'AMA a déclaré au Guardian: «Il y a des gens qui vont probablement mourir suite à ces conditions.»

À l'échelle nationale, les incendies de 2019-2020 ont jusqu'à présent été responsables de la mort de 24 personnes confirmées et la destruction de plus de 1500 maisons. Des centaines de bâtiments de ferme et d'autres structures ont été perdus. L'agriculture et les pertes de bétails sont énormes. Plus de six millions d'hectares ont brûlé et les scientifiques estiment que 500 millions d'animaux et d'oiseaux indigènes ont probablement été sacrifiés. Et cela, c'est avant les mois d'été les plus chauds et la pire période historique de la saison des incendies.

Comme pour toutes les «catastrophes naturelles» dans le monde, la classe ouvrière et les pauvres sont les plus perdants. Des dizaines de milliers de travailleurs et de sous-traitants des secteurs agricole et touristique ont déjà été licenciés ou ont perdu leur emploi. Les températures extrêmes et l'air dangereux constituent la plus grande menace pour ceux qui souffrent de problèmes de santé et qui vivent dans les banlieues à faible revenu des villes et des régions, qui sont également généralement les plus touchées par la chaleur et les services de santé les moins dotés et les plus sollicités.

La classe dirigeante capitaliste et son appareil politique n’ont pas la moindre solution aux conséquences d'une crise climatique que leur indifférence et leur inaction ont engendrées.

Dans sa dernière tentative désespérée de faire semblant de réagir, le gouvernement Morrison a annoncé aujourd'hui la mobilisation de quelques milliers de réservistes de l'armée, qui ne sont pas formés pour la lutte contre les incendies, ni porter des secours d'urgence à la population civile.

La faillite de l'establishment a également été résumée ces derniers jours dans les déclarations du chef de l'opposition travailliste Anthony Albanese. Il a déclaré que la situation était une «urgence nationale» qui nécessite une «réponse nationale» qui soit «appropriée à l'ampleur de l'urgence». Quant à ce à quoi cette réponse devrait avoir l’air, Albanese a seulement proposé que le Parti travailliste sera «à l’écoute» et aura des politiques à proposer lors des élections générales de 2022.

Le changement climatique et ses conséquences sont en fait une urgence mondiale: une réalité désormais bien comprise par des centaines de millions de travailleurs et de jeunes dans le monde. Elle exige une réponse globale qui met fin à la subordination de tous les aspects de la vie économique et sociale à l'accumulation de profits privés pour une minorité capitaliste.

La catastrophe des incendies en Australie devrait davantage motiver la lutte pour développer un mouvement international et indépendant de la classe ouvrière, unifié au-delà des frontières nationales et dans la perspective de former des gouvernements ouvriers qui mettront en œuvre les politiques socialistes les plus ambitieuses.

Les grandes banques et entreprises, en particulier les conglomérats énergétiques à base de combustibles fossiles, doivent être expropriés pour devenir des propriétés collectives sous contrôle démocratique. Les ressources doivent être engagées à la fois pour préparer la société aux vastes ensembles d'effets prévus du réchauffement climatique à long terme, et pour en même temps réduire radicalement les émissions de carbone afin d'éviter les problèmes qui peuvent encore l'être.

(Article paru en anglais le 4 janvier 2020)

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