Sur fond de salaires de misère et de réductions d'impôts pour les riches

JPMorgan Chase enregistre le plus gros bénéfice d'une banque de toute l'histoire des États-Unis

JPMorgan Chase, la banque privée la plus précieuse au monde, a réalisé 36,4 milliards de dollars en 2019, soit le plus gros bénéfice annuel de toute l'histoire des États-Unis. La nouvelle, rapportée mardi, a fait monter les actions de la société de 2 %. Au quatrième trimestre de 2019, la société a encaissé 8,5 milliards de dollars, ce qui constitue également un record, et en fait la dixième plus grande société cotée en bourse au monde, avec une capitalisation boursière de 437 milliards de dollars.

Les bénéfices records de JPMorgan Chase ont été rejoints par Morgan Stanley, qui a également annoncé des bénéfices et des revenus records pour 2019, faisant monter le cours de son action de 6,6 % jeudi.

La nouvelle de ces gains records est survenue lorsque les six plus grandes banques américaines ont révélé qu'elles avaient économisé 32 milliards de dollars l'an dernier grâce à la réduction de l'impôt sur les sociétés du président Donald Trump en 2017. La manne fiscale était en hausse par rapport à 2018 pour toutes les banques sauf une. La réduction d'impôt de JPMorgan est passée de 3,7 milliards de dollars en 2018 à 5 milliards de dollars l'an dernier.

Lors de la cérémonie de signature de mercredi pour la première phase de l'accord commercial avec la Chine, à laquelle ont assisté de nombreux dirigeants d'entreprise, M. Trump s'est tourné vers Mary Erdoes, une cadre supérieur de JPMorgan Chase. Qualifiant le rapport des bénéfices de la banque d'«incroyable», il a plaisanté en disant: «voulez-vous au moins dire "Merci, M. le Président".»

Les réductions d'impôt pour les grandes sociétés et les riches, adoptées avec une opposition seulement symbolique des démocrates, ne sont qu'un facteur parmi d'autres de l'augmentation des profits au cours de la dernière année. Lorsque les actions ont plongé à la fin de 2018, Trump a intensifié sa demande pour que la Réserve fédérale (la Fed) revienne sur sa politique d'augmentation progressive des taux d'intérêt à des niveaux plus normaux, après des années de taux presque nuls au lendemain de la crise financière de 2008. En tant que porte-parole de Wall Street, il a exigé que la Fed recommence à réduire les taux afin de pouvoir injecter davantage de liquidités sur les marchés financiers.

Le président de la Fed, Jerome Powell, a obtempéré, réduisant les taux d'intérêt trois fois en 2018 et assurant les marchés qu'il n'avait pas l'intention de les augmenter de nouveau dans un avenir rapproché. Puis, à partir de la fin de l'automne, la Fed a commencé à injecter des dizaines de milliards de dollars par semaine dans le marché des prêts au jour le jour dits «repo», en reprenant l'opération planche à billet connue sous le nom d'«assouplissement quantitatif».

Cette garantie effective de fonds publics illimités pour soutenir les cours boursiers a produit des sommets records sur tous les principaux indices américains, envoyant des milliards de plus dans les coffres privés des riches et des super-riches.

Ces mesures sont une continuation et une intensification des politiques menées sur une base bipartite depuis quatre décennies pour redistribuer la richesse de la classe ouvrière vers les entreprises et l'élite financière. Elles ont entraîné une restructuration fondamentale des relations de classe en Amérique, en abaissant radicalement la position sociale de la classe ouvrière. Des emplois sûrs et bien payés ont été supprimés et largement remplacés par des emplois de misère, à temps partiel, temporaires et conditionnels – la dite «gig» économie dont les entreprises telles qu'Amazon et Uber sont l'exemple.

Cette offensive de la classe dirigeante, qui dure depuis des décennies, a été accélérée en réponse à la crise financière de 2008. Le président Barack Obama a supervisé l'acheminement de milliers de milliards de dollars vers les banques et les marchés financiers afin de rembourser les dettes des banquiers et des spéculateurs, dont les activités imprudentes et criminelles avaient conduit à la crise, et de les rendre plus riches que jamais. En même temps, il a imposé une restructuration de l'industrie automobile fondée sur une réduction générale de 50 % des salaires des nouveaux employés et une augmentation de la main-d'œuvre temporaire et à temps partiel.

Le syndicat des travailleurs de l'automobile (UAW) a participé activement à ce processus, en inscrivant le nouveau système de travail «flexible» dans des contrats pourris en 2015 et 2019. Ce modèle de main-d'œuvre jetable et sans avantages sociaux est devenu la nouvelle norme pour les relations de travail dans tout le pays et dans le monde entier.

Pendant ce temps, les programmes des gouvernements locaux et fédéraux et des États, ont été considérablement réduits. L'éducation, le logement, Medicaid et les bons d'alimentation ont été particulièrement touchés. Ce processus a été accéléré sous Trump, en même temps que la suppression des règlements sur la sécurité au travail et sur l'environnement, sans que les démocrates, qui représentent des sections de l'élite financière et de la classe moyenne supérieure fortunée, ne s'y opposent.

Le coût humain dévastateur du pillage de la société par l'oligarchie financière capitaliste se traduit par une baisse de l'espérance de vie, une hausse du taux de mortalité et des taux records de suicide et de toxicomanie. Une étude récente de la Brookings Institution a révélé que 53 millions de personnes aux États-Unis - soit 44 % de tous les travailleurs - «gagnent à peine de quoi vivre». L'étude a révélé que le salaire médian de ce groupe était de10,22 dollars l'heure, soit environ 18.000 dollars par année. Trente-sept pour cent des personnes qui gagnent 10 dollars l'heure ont des enfants. Plus de la moitié sont les principaux soutiens économiques ou «contribuent de façon substantielle» au revenu familial.

De même, un rapport de Reuters datant de 2018 a révélé que le revenu annuel moyen des 40 % des travailleurs les plus pauvres aux États-Unis était de 11.600 dollars.

Une étude récente de Trust for America's Health a révélé qu'en 2017, «plus de 152 000 Américains sont morts dans des circonstances liées à l'alcool et la drogue». C'est le nombre le plus élevé jamais enregistré et plus du double du chiffre de 1999. Chez les personnes dans la vingtaine et au début de la trentaine, l'âge de pointe de la vie active, les décès liés à la drogue ont augmenté de plus de 400 % au cours des 20 dernières années.

À l'autre pôle de la société, l'indice Dow Jones Industrial est maintenant le double de ce qu'il était à son sommet en 2007, avant l'implosion du système financier. Entre mars 2009 et aujourd'hui, le Dow est passé de 6500 à plus de 29.000. Le marché boursier, soutenu par la politique des banques centrales et des gouvernements, est devenu l'instrument central pour canaliser la richesse du bas de la société vers le haut. En conséquence, les 10 % de la société les plus riches possèdent maintenant environ 70 % de toute la richesse, tandis que les 50 % les plus pauvres n'ont, en fait, rien.

Au milieu de cette orgie d'accumulation de richesses au sommet de la société, chaque demande des travailleurs pour des emplois, des salaires décents, l'éducation, le logement, les soins de santé et les pensions reçoit la réponse universelle: «Il n'y a pas d'argent». Des centaines de milliers d'enseignants ont fait grève au cours des deux dernières années pour exiger le rétablissement des fonds supprimés des écoles publiques et des augmentations substantielles des salaires et des avantages sociaux. Aucune de leurs demandes n'a été satisfaite. Il en va de même pour les travailleurs de l'automobile qui ont fait grève pendant 40 jours l'automne dernier pour demander la fin des systèmes de rémunération à deux vitesses et la défense des emplois.

Les 36,4 milliards de dollars de bénéfices de JPMorgan en 2019 représentent plus de la moitié du budget de l'éducation du gouvernement fédéral américain.

En même temps, les Américains sont plus endettés envers JPMorgan et les autres banques qu'à aucun autre moment de l'histoire. La dette collective des consommateurs aux États-Unis a approché les 14.000 milliards de dollars l'an dernier. Les dettes de cartes de crédit ont dépassé mille milliards de dollars pour la première fois. La dette automobile s'élève à 1300 milliards de dollars et la dette hypothécaire est maintenant de 9400 milliards de dollars. La dette des prêts étudiants a augmenté le plus rapidement, passant de 500 milliards de dollars en 2006 à 1600 milliard de dollars aujourd'hui.

Ce sont ces conditions, enracinées dans la faillite historique et la crise du système capitaliste, qui ont déclenché un regain mondial de la lutte des classes et la croissance du sentiment anticapitaliste et pro-socialiste. L'année passée a vu une expansion dramatique de la lutte de la classe ouvrière qui n'est qu'un aperçu de ce qui est à venir. L'Inde, Hong Kong, le Mexique, les États-Unis, Porto Rico, le Liban, l'Irak, la France, le Chili et le Brésil ne sont que quelques-uns des endroits où des luttes de masse ont éclaté.
Ce qui devient de plus en plus clair pour des centaines de millions de personnes dans le monde, c'est que les problèmes sociaux auxquels l'humanité est confrontée au XXIe siècle - pauvreté, dette, maladie, réchauffement climatique, guerre, fascisme, atteinte aux droits démocratiques - ne pourront être résolus tant que cette élite financière parasitaire et oligarchique continuera de régner. Le tour est venu pour la classe ouvrière américaine et internationale de s'unir, de prendre le pouvoir et de s'emparer des richesses qu'elle produit pour assurer la paix, la prospérité et l'égalité de tous les peuples.
(Article paru en anglais le18 janvier 2020)

Loading